Technologie militaire : Les armes au laser deviennent une réalité


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    Considérée comme l’arme favorite de la science-fiction, les armes au laser deviennent progressivement une réalité grâce aux fibres optiques.


     

    Silencieusement, le drone glisse sur les terrains arides du Nouveau-Mexique et soudain, il tourne sa direction en plongeant vers le sol. Ensuite, on voit un obus qui sort de son lanceur pour aller tout droit vers sa cible, mais l’obus vient à peine d’être lancé qu’il explose en plein vol. Sur le sol, au dessus d’un gros camion couleur de sable, un mécanisme cubique pivote et tire des rayons laser invisibles pour détruire les cibles l’une après l’autre. Ce High Energy Laser Mobile Demonstrator (HEL MD) est un prototype d’arme laser qui est développé pour l’armée américaine par le constructeur Boeing. À l’intérieur du camion, l’ingénieure en électrophysique, Stéphanie Blount, vise les cibles sur son Laptop et dirige les lasers avec une sorte de manette de jeu. Elle déclare que c’est comme dans un jeu vidéo.

    Et c’est logique, car on voit fréquemment des armes lasers dans les jeux vidéos et les films de science-fiction. Le premier vrai laser a été démontré en 1960 et cette technologie n’est plus de la science-fiction. Le prototype de Boeing est l’une des nombreuses armes au laser qui est développé en Europe et aux États-Unis. Et cette technologie est devenue possible grâce à des lasers robustes et abordables qui génèrent leurs rayons avec des fibres optiques.

    L’efficacité de ces armes laser à fibre est mesurée en Kilowatt (KW) et c’est beaucoup moins puissant que les ambitions de l’US Strategic Defense Initiative. Ce dernier était un plan pendant la Guerre froide pour créer des lasers qui pouvaient détruire les missiles balistiques qui transportaient des têtes nucléaires. Mais même si ces armes au laser modernes sont moins puissantes, cela ne signifie pas qu’elles sont inefficaces au combat. Des tests tels que ceux menés par Boeing montrent que ces lasers sont suffisamment puissants pour neutraliser des menaces ennemies telles que des mortiers ou des roquettes de fabrication artisanale. Et le principal avantage est que ces armes au laser ne coutent qu’une fraction du cout des armes de défense conventionnelles.

    Ainsi en 2014, l’US Navy a montré une arme laser appelée LaWS qui était montée sur un navire qui pouvait détruire des petits bateaux tels que ceux utilisés par des pirates somaliens ou des terroristes. Et cette arme au laser expérimentale est actuellement installée sur l’USS Ponce, un navire pour le support amphibie qui patrouille dans le Golf.

    Mais les armes au laser rencontrent encore de nombreux obstacles allant de l’augmentation de la puissance jusqu’à la difficulté d’utiliser des lasers dans un brouillard de guerre ou simplement par temps nuageux. Mais les spécialistes de la sécurité commencent à envisager sérieusement les lasers dans leurs stratégies. Paul Scharre, un spécialiste dans les technologies avancées au Center for a New American Security (CNAS) a déclaré : Après une quête qui a duré près de 50 ans, l’armée américaine est la première à envisager des armes au laser pour des opérations sur le terrain.

    A la recherche de l’arme laser parfaite

    Les armes au laser ont toujours fasciné les concepteurs d’armes, notamment pendant l’âge d’or de la Strategic Defense Initiative qu’on avait surnommé la Guerre des Étoiles et qui a culminé entre les années 1980 et 1990. Selon un rapport du CNAS, les États-Unis ont dépensé l’équivalent de 2,4 milliards de dollars en 1989 pour tenter de développer des armes au laser qui puissent détruire des missiles balistiques tout en étant hors d’atteinte.

    Le truc avec n’importe quelle arme au laser est de concentrer son énergie sur un point suffisamment minuscule pour le chauffer et endommager la cible. Et surtout qu’on doit pouvoir le faire avec une machine qui soit suffisamment compacte et portable pour les champs de bataille. Ainsi en 1996, l’US Air Force a lancé le projet Airborne Laser comme l’une de ses contributions pour se protéger contre les missiles balistiques. Mais étant donné qu’il était impossible à cette époque de générer les mégawatts nécessaires pour l’énergie optique, les concepteurs ont choisi un laser à iode par oxygène chimique (COIL) qu’on pouvait alimenter par une réaction chimique. Mais le COIL était tellement imposant qu’il fallait le transporter sur un Boeing 747 et il restait peu de place pour le carburant du laser. Selon Paul Shattuck, responsable des systèmes de laser chez Lockheed Martin Space Systems : Ce projet nécessitait des unités de mélange et des substances chimiques qui pesaient des centaines de kilos. Lockheed avait fourni la technologie de laser sur ce projet.

    Selon Phillip Sprangle, scientifique spécialisé dans les lasers au Naval Research Laboratory : L’atmosphère était un autre problème majeur, car non seulement, les rayons étaient perturbés par la poussière et les turbulences naturelles, mais leur passage (ceux des lasers) provoquait une sorte de floraison thermique. Quand le rayon se propageait à une très grande puissance, l’atmosphère absorbait la lumière du laser en chauffant l’air et en dispersant le laser. Et ce processus dissipait totalement l’énergie du laser.

    En 2010, la science de l’optique était assez avancée pour que l’Airborn Laser puisse détruire un missile balistique en plein vol. Mais les problèmes logistiques tels que la taille de l’engin a incité le Département de la Défense à abandonner les armes au laser. Le département a annulé le projet AirBorn Laser jusqu’au début de 2012. Et la dépense du Département dans les lasers baissait à toute vitesse passant de 961 millions de dollars en 2007 à 344 millions de dollars en 2014.

    Les fibres sous les projecteurs

    On n’avait pas gaspillé l’argent, mais on s’est concentré sur les lasers à fibre qui étaient plus économiques. Les lasers à fibre ont été inventés en 1963 et depuis 1990, ils sont conçus et promus entièrement par IPG Photonics qui est situé dans le Massachusetts. Les autres lasers à état solide utilisent des tiges ou plaques rigides ou encore des disques de cristaux pour générer les rayons, mais les lasers à fibre utilisent de minuscules fibres optiques qui sont recouvertes par des bobines compactes. Les fibres collectent l’énergie optique à partir de diodes lasers qu’on peut trouver dans les lecteurs de DVD. Évidemment, ce ne sont pas les mêmes diodes, mais des versions améliorées qui peuvent amplifier la lumière pour une énergie maximale. De plus, la conversion électrique/optique est plus efficace à hauteur de 30 %. Cette efficacité est quasiment le double des lasers à état solide et très proche des lasers chimiques comme ceux du COIL. Et étant donné que ces fibres sont longues et fines, elles bénéficient d’une grande surface pour propager rapidement la chaleur. Enfin, ces lasers à fibre possèdent une longue durée de vie et leur maintenance est bien plus abordable.

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    Tous ces avantages ont attiré l’attention dans les années 1990 lorsqu’on a commencé à utiliser les lasers à fibre dans les signaux optiques pour transporter les données dans les câbles sous-marins. Et depuis les années 2000, IPG se concentre sur des lasers de classe industrielle qu’on peut utiliser pour la soudure, le forage ou le découpage. Et ces appareils ont également attiré l’attention des militaires.

    Aux alentours de 2010, Shattuck et ses collègues chez Lockheed ont entendu parler des civils israéliens qui étaient visés par des roquettes provenant de la bande de Gaza. Le maire d’un village a demandé un système de défense digne de ce nom. Cela a inspiré Lockheed Marin à développer le système Area Defense Anti-Munitions (ADAM) qui utilise un laser à 10 kw conçu par IPG pour maintenir les couts aussi bas que possible. Depuis 2012, l’entreprise a démontré qu’ADAM peut neutraliser des cibles telles que des bateaux, des drones ou des roquettes de petit calibre à une distance de 1,5 kilomètre. Même si Lockheed n’a pas divulgué le prix d’ADAM, l’entreprise a déclaré qu’elle est prête à proposer le système à des clients potentiels.

    Blount est moins réticente concernant le prototype HEL MD de Boeing. Ce dernier utilise un laser à fibre de 10 kW et le système peut tirer son énergie du moteur du véhicule ou d’un générateur indépendant. Elle a déclaré : Ce système nécessite moins de 2 tasses de carburant pour générer un laser qui peut détruire de nombreuses cibles. De ce fait, ce système est bien moins cher que des missiles conventionnels. Même un missile Discount peut couter jusqu’à 100 000 dollars pour un seul tir. En comparaison, le tir d’un laser revient à moins de 10 dollars.

    Blount avance que le développement des armes au laser est intéressant, mais on doit également saluer l’avancement des systèmes de reconnaissance d’images et de ciblage. L’efficacité du pistage et du ciblage permet de pointer le laser sur le point le plus faible de la cible.

    Et on peut remercier l’informatisation du système, le HEL MD peut fonctionner quasiment en mode autonome. Le laser de Boeing a été testé en mai 2014, mais les tests ont montré un nouvel obstacle assez inattendu. Le rayon laser est silencieux et invisible et toutes les cibles n’explosent pas quand elles sont détruites. De ce fait, une bataille automatisée pourrait être terminée avant même que les opérateurs ne s’aperçoivent de quelque chose. Blount a déclaré que les engagements de combat sont foudroyants et vous devez fixer les écrans 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sinon vous ne verrez jamais les évolutions de la bataille. C’est pourquoi l’ingénieure ajoute qu’ils ont conçu des sons quand on déclenche le laser et on envisage d’utiliser des sons provenant du film de la Guerre des Étoiles.

    L’union fait la force

    On voit que le pistage et le ciblage sont prêts pour la bataille, mais l’énergie reste toujours un problème. Un laser commercial avec une sortie de 10 KW est la norme la plus faible pour des armes au laser. Et l’utilisation des fibres impose des limites sur l’énergie et la qualité du rayon. En effet, la production d’une grande quantité de chaleur provoque une cascade de photons qui passe dans la fibre qui peut l’endommager. Pour éviter ce problème, les chercheurs travaillent pour combiner la sortie de plusieurs lasers.

    La manière idéale est d’utiliser ce qu’on appelle une combinaison cohérente. Elle consiste en des vagues composés de lasers qui se déplacent dans une formation synchronisée. Selon Tso Yee Fan, scientifique spécialisé dans les lasers au Lincoln Laboratory du MIT : Cette technique est très utilisée dans le domaine de la radio et des micro-ondes. Mais cette cohérence est difficile avec des infrarouges visibles. Les vagues de chaque laser doivent posséder des longueurs d’onde identiques et leurs oscillations doivent s’aligner de manière précise sans oublier que les pics et les creux des vagues doivent aussi s’aligner. Fan a déclaré que la longue d’onde est d’environ un micromètre dans l’optique et donc, il est très difficile de contrôler ces paramètres sur une dimension aussi minimale.

    Mais Sprangle argue que ce n’est pas important. En 2006, lui et son équipe ont fait des simulations informatiques suggérant qu’une combinaison non cohérente de plusieurs rayons laser qui toucherait un seul point serait aussi efficace qu’une combinaison cohérente. Il ajoute : Quand vous propagez la chaleur sur de longues distances à travers les turbulences atmosphériques, vous obtenez la même quantité d’énergie sur la cible. En 2009, son groupe a confirmé cette théorie en utilisant des miroirs pour combiner 4 rayons de laser à fibre sur une cible de 5 centimètres à une distance de 3 kilomètres.

    La démontration en vidéo du HEL MD de Boeing :

    Et en se basant sur les travaux de Sprangle, l’US Office of Naval Research a développé un LaWS de 30 KW qui peut combiner 6 lasers à fibre commerciaux de manière non cohérente. Le LaWS a été installé sur l’USS Ponce depuis 2014 et on a pu le tester sur des objets tels que des petits bateaux ou des drones.

    MBDA, une entreprise spécialisée dans les missiles en Allemagne a développé une approche similaire. En octobre 2012, la firme a réussi à détruire des obus d’artillerie en plein vol avec un laser de 40 KW à une distance de 2 kilomètres. Les tests de MBDA ont aussi permis de démystifier l’idée de la science-fiction selon laquelle une armure réfléchissante serait efficace contre des lasers. L’entreprise a découvert que n’importe quelle poussière sur la surface réfléchie serait détruite et la destruction de la cible serait encore plus efficace sur une surface non réfléchissante.

    Markus Martinstetter, du Future Systems Directorate chez MBDA, argue que le pointage ultraprécis réduit les risques de toucher des personnes qui se tiendraient à côté des cibles comparées à des explosifs conventionnels. Il a déclaré : Il n’y a pas de risques comme avec des munitions fragmentées et nous commençons la radiation lorsque le point est exactement sur la cible.

    Lockheed Martin travaille aussi sur des armes au laser qui peuvent atteindre des cibles plus complexes ou lointaines. En mars, l’entreprise a démontré que son système Advanced Test High Energy Asset (ATHENA) pourrait neutraliser le moteur d’un petit camion qui était monté sur une plateforme de test. ATHENA utilise un système similaire à l’Airborn Laser, mais il est combiné avec le système Accelerated Laser Demonstration Initiative (ALADIN) qui se base sur des lasers à fibre et qui a été développé par Lockheed.

    ALADIN combine la sortie de plusieurs lasers à fibre avec chacun possédant une longueur d’onde différente. Le résultat est un seul rayon de 30 KW. Cette combinaison de la longueur d’onde des rayons a été conçue au Lincoln Laboratory et elle est similaire à la méthode du trafic internet qui est transporté par les câbles fibro-optiques. Fan estime que cette méthode est plus facile que la combinaison cohérente et de meilleure qualité que la combinaison non cohérente.

    Jason Ellis, un visiteur honorifique au CNAS et principal auteur d’un Think Tank sur les armes au laser a déclaré que de telles avancées l’incite à penser que les armes au laser à fibre arrivent progressivement à maturité et qu’on pourra bientôt augmenter leur énergie à des centaines de kilowatts et à les utiliser à des centaines de kilomètres. Mais malgré ces développements encourageants, un panel de spécialistes sur la sécurité nationale a démontré que seul 1/5 des technologies sur les armes au laser seront matures dans une décennie.

    Michael Carter, un gestionnaire de programme dans la science des photons au Lawrence Livermore National Laboratory a déclaré que les armes au laser sont encore loin de rivaliser avec celles qu’on peut voir dans la science-fiction. Elles ne sont pas encore comme le Phaser qu’on peut voir dans Star Trek. Les chercheurs parlent d’un engagement de combat à la vitesse de l’éclair, mais cela prend toujours du temps pour que ces armes au laser détruisent les cibles. Et sur un plan purement technique, le laser ne fonctionnera pas si on ne peut pas voir la cible ou qu’il y a trop de pluie ou de fumée. Les démonstrations qu’on a vues jusque-là pointent vers la bonne direction, mais elles montrent aussi la difficulté d’utiliser des rayons laser dans des situations réelles de combat. Pour le moment, les armes au laser ne confèrent pas une supériorité stratégique.

    Même les fabricants d’armes sont prudents sur les armes au laser. MBDA estime qu’il lui faudra 3 à 5 ans pour avoir des systèmes vraiment opérationnels sur des lasers d’une dizaine de kilowatts. Et dans des cas tels qu’un temps particulièrement nuageux, les armes conventionnelles seront plus efficaces.

    Et en dépit des capacités modestes des armes au laser, Sharre estime que ces armes peuvent trouver une niche dans la défense militaire américaine dans les 5 à 10 prochaines années. Selon lui, elles ne seront pas aussi stratégiques qu’un concept à la Guerre des Étoiles, mais elles pourront protéger les bases américaines, les navires et les militaires.

     

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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