Juno s’approche de Jupiter, le roi du système solaire


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  • Le vaisseau Juno s’approche de Jupiter et il va atteindre le roi du système solaire le 4 juillet 2016. Une occasion de revenir sur le parcours de Juno, mais également sur les mystères et les découvertes qu’on pourra faire sur Jupiter. Une planète visitée à de nombreuses reprises, mais la géante cache bien ses mystères.


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    La sonde Juno va atteindre Jupiter le 4 juillet 2016. Une occasion de revenir sur les attentes de cette mission exceptionnelle.

    Les anciens astronomes ont bien choisi le nom de la plus grande planète du système solaire, Jupiter, d’après le roi des dieux dans la mythologie romaine. Avec une masse qui est le double de toutes les autres planètes combinées, le règne de Jupiter est sans partage. C’est le membre le plus influent de notre famille planétaire juste après le soleil. Jupiter a pu lancer les astéroïdes qui ont fourni de l’eau à la Terre et il s’est emparé des matériaux de formation planétaire à Mars et il a envoyé balader Uranus et Neptune dans les confins du système solaire. Jupiter est également une grosse capsule temporelle, une boule de gaz qui a préservé les conditions datant de 4 milliards d’années, une époque où la plupart des planètes se sont formées.

    Mais même après 4 siècles d’observations et d’analyses intenses incluant la visite par 8 vaisseaux, les scientifiques savent très peu de choses sur Jupiter. Des nuages épais nous cachent ce qu’il y a dans les profondeurs de la planète. Juno, le vaisseau de la NASA, va arriver sur Jupiter le 4 juillet 2016, pour lever ce voile persistant depuis des siècles. Nous allons voir en dessous des nuages pour la première fois selon Scott Bolton, un planétologue du Southwest Research Institute à San Antonio et qui est le responsable de la mission Juno. Nous ignorons tout de l’intérieur de Jupiter.

    Le vaisseau Juno tire son nom de la femme de Jupiter, la déesse qui a regardé à travers un voile de nuages pour voir la vraie nature du roi des dieux dans la mythologie romaine. Lancé le 5 aout 2011, Juno a voyagé sur près de 2,8 milliards de kilomètres pour passer 20 mois en orbite autour de Jupiter. Si tout se passe bien, alors Juno va observer la quantité d’eau qui est cachée par les nuages, cartographier l’intérieur de la planète et pour la première fois, on pourra voir les régions polaires du géant.

    Le long parcours de la sonde Juno jusqu'à Jupiter

    Le long parcours de la sonde Juno jusqu’à Jupiter

    Jupiter a reçu la visite de nombreuses sondes, mais la plupart sont venues et sont reparties tout aussi raidement. Ces sondes ont simplement utilisé la gravitation de Jupiter pour se propulser dans les confins du système solaire. Même le vaisseau Ulysse, qui a exploré le soleil, est passé à côté de Jupiter en 1992 pour atteindre les poles du soleil. Quand elles passent, ces sondes capturent quelques informations sur la planète.

    Galileo, qui a atteint Jupiter en 1995, est le seul vaisseau à avoir orbité autour de la planète. Mais quelques problèmes techniques, notamment une antenne et un enregistreur défectueux, ont forcé Galileo à se contenter d’observer les 4 plus grandes lunes de Jupiter plutôt que la planète. Au passage, Jupiter possède 67 lunes. Nous avions un besoin criant de retourner sur Jupiter selon Jonathan Lunine, un planétologue de l’université de Cornell.

    Jupiter, la planète des extrêmes

    Jupiter est extrême dans tous ses aspects. Je la considère souvent comme une planète dopée aux stéroïdes selon Bolton. Si Jupiter était une coquille vide, alors on pourrait mettre 1 000 Terres à l’intérieur. En dépit de sa taille, Jupiter possède la rotation la plus rapide du système solaire avec un jour jupitérien qui fait 10 heures. Dans son atmosphère turbulente, les ouragans vont et viennent même si tout le monde connait celui qui fait rage depuis des siècles. Le fameux Grand point rouge, un ouragan qui fait le double de la taille de la Terre, est actif depuis au moins 150 ans. La température à côté du noyau Jovien pourrait dépasser les 20 000 degrés Celsius, soit 3 fois plus que la température à la surface du soleil. Et même si elle est composée principalement d’éléments légers comme l’hydrogène ou l’hélium, Jupiter est 318 fois plus massive que la Terre. Et cette pression à côté du centre est des millions de fois supérieure à tout ce qu’on pourrait imaginer.

    Sur la surface de la Terre, l’atmosphère pousse chaque pouce carré avec une force de 6,6 kg. C’est comme si vous portiez 4 personnes sur vos épaules selon Fran Bagenal, une planétologue à l’université de Colorado Boulder. Et vous ne le sentez pas parce que vous y êtes habitué. Sur Jupiter, la pression des nuages ne sera pas très forte au début. Mais à mesure que vous tombez et vous continuerez de tomber puisqu’il n’y a pas de surface sur Jupiter, vous serez soumis à une pression écrasante. Pour l’imaginer, remplacez les 4 personnes sur vos épaules sur Terre par un millier d’éléphants et l’éléphant tout en bas se tient debout sur une roue.

    Pour le moment, les scientifiques connaissent certaines choses sur Jupiter, mais cela concerne uniquement les nuages et son atmosphère. Mais l’intérieur est ouvert à toutes les propositions. Il pourrait y avoir un noyau solide, une graine à partir de laquelle la planète s’est formée. Ou il pourrait avoir un océan métallique d’hydrogène qui circule autour du noyau afin de générer le gigantesque champ électromagnétique de Jupiter. On pourrait aussi trouver de la vapeur d’eau en grande quantité sous les nuages. Ce sont les mystères que Juno va tenter de résoudre. On découvrira le fonctionnement actuel de Jupiter et comment ce mastodonte s’est formé il y a 4,6 milliards d’années.

    Les chercheurs pensent que lorsque Jupiter s’est formé, il a attiré tout le gaz possible autour de lui. Ce gaz forme la bulle de Jupiter, des échantillons de matériaux qui ont entouré un soleil enfant, et qui est désormais dans un entrepôt qui fait la taille d’une planète. La mesure de la quantité d’eau dans ce gaz permettra aux chercheurs de découvrir où la planète s’est formée et quel était l’environnement dans les premiers jours du système solaire.

    L’eau joue un rôle crucial dans la formation d’une planète selon Bagenal. Loin de la chaleur du soleil, les températures étaient suffisamment froides pour que l’eau gèle et fournisse beaucoup de particules solides qui vont permettre aux planètes géantes de se développer. Jupiter a pu commencer comme une boule de roche et de glace, faisant une taille équivalente de plusieurs fois à celle de la Terre et ensuite, il a attiré tout l’hydrogène et l’hélium avoisinant pour devenir une géante gazeuse. Tant qu’on n’a pas mesuré l’eau, on ne peut rien dire selon Bagenal.

    Le vaisseau Galileo tenté de mesurer l’eau présente dans l’atmosphère de Jupiter. Quand il s’est approché de la planète, Galileo a envoyé une sonde dans l’atmosphère pour mesurer les températures, les pressions et l’abondance des différents éléments chimiques. La sonde a fonctionné parfaitement, descendant à grande profondeur, mais elle a eu de la malchance et elle n’a rien pu mesurer.

    La sonde de Galileo est tombée dans ce qu’on appelle un point chaud, une sorte d’éclaircie dans les nuages où le courant descendant thermique sèche l’air dans l’atmosphère. La sonde a atterri dans le désert du Sahara de Jupiter selon Bolton. Les scientifiques voulaient retenter l’expérience avec une mission qui lancerait plusieurs sondes à des profondeurs plus grandes selon Bolton. Mais c’est très cher et c’est une proposition qui est difficile à réaliser.

    Plongée au coeur de Jupiter

    C’est pourquoi Bolton et ses collègues ont proposé une autre idée qui deviendra la mission Juno. Jupiter est illuminé par une radiation de micro-ondes, car il continue de se refroidir depuis sa formation. Et l’eau excelle pour absorber des fréquences de micro-ondes très précises. Si un vaisseau pouvait orbiter autour de Jupiter pour mesurer l’absorption d’eau par ces fréquences, alors les chercheurs pourraient découvrir la quantité de H20 qui se cache sous les nuages. Pour mesurer les micro-ondes, Juno va tourner autour de Jupiter à plusieurs reprises et enregistrer plusieurs bandes de fréquence. Mais l’eau ne racontera pas toute l’histoire de Jupiter. Il faudra déterminer si Jupiter possède un noyau solide.

    On a déjà mentionné les 2 principales théories. Une graine de roche et de glace qui attire l’atmosphère gazeuse. Ou qu’il y a eu une bulle d’hydrogène et d’hélium qui s’est effondré sous son propre poids en permettant d’éviter la création d’un noyau solide. Juno pourrait résoudre ce débat. Quand le vaisseau va tourner autour de la planète, il va accélérer et ralentir en réaction à la force gravitationnelle de Jupiter. En analysant ces accélérations, les chercheurs vont comprendre la distribution de la masse à l’intérieur incluant si cette masse est concentrée dans un noyau ou non.

    Juno va voyager à travers une série d'orbites allongées de 14 jours. Sa trajectoire va le mener sur les pôles de Jupiter tout en évitant les ceintures de radiation.

    Juno va voyager à travers une série d’orbites allongées de 14 jours. Sa trajectoire va le mener sur les pôles de Jupiter tout en évitant les ceintures de radiation.

    L’orbite de Juno est un avantage par rapport aux missions précédentes. Juno va tourner de manière perpendiculaire à l’équateur allant du pôle Nord jusqu’au pôle Sud en effleurant les nuages. En revanche, Galileo avait gardé ses distances de Jupiter et il ne s’était jamais éloigné de l’équateur. Le voyage du nord vers le sud va permettre des mesures plus précises et nous aurons une vue globale de l’intérieur de la planète. Mais on ne lève pas impunément le voile du roi des Dieux et l’aventure possède son lot de risques.

    Nous allons vers une région très dangereuse selon Bolton, sans doute la région la plus dangereuse dans le système solaire à part si vous plongez directement dans le soleil. Des ceintures de radiation à haute énergie et des particules chargées entourent la planète. Et ces ceintures ne sont pas très amicales envers les vaisseaux bourrés d’électroniques. Pour survivre, les instruments de Juno sont scellés dans un coffre en titane de 200 kg et ces instruments vont transmettre les informations via des câbles blindés. Nous allons dans un char d’assaut pour observer Jupiter.

    Ce char d’assaut transporte une caméra, des spectromètres, des magnétomètres, des détecteurs de particules et de plasma, un capteur de microonde et une antenne radio. Le plan est de s’approcher régulièrement de Jupiter et de se barrer à toute vitesse. Une fois que Juno aura effectué sa routine, chacune de ces orbites prendra 14 jours. Il passera une grande partie de ce temps loin de la planète pour rester hors de portée des ceintures de radiation. Et à cause de la rotation de la planète, à chaque fois que Juno va repasser, il va scanner une longitude différente. Pendant ces plongées, Juno va survoler en étant seulement à 5 000 kilomètres de la partie supérieure des nuages et la gravitation va l’accélérer à environ 250 000 km/h en pulvérisant un record au passage.

    Les poles de Jupiter

    Dans les heures avant et après qui suivront son brossage de Jupiter, Jupiter va voler au dessus des mystérieux poles sud et nord. C’est une terre inconnue pour les planétologues selon Leigh Fletcher, un planétologue à l’université de Leicester. Jupiter ne possède pas de saisons et son axe est quasiment perpendiculaire à son orbite. Cela signifie que les poles de Jupiter sont invisibles depuis la Terre. La plupart des vaisseaux sont restés proches de l’équateur du géant. Pioneer 11 a capturé une image floue de la région du pôle Nord quand il est parti de Jupiter vers Saturne. Le vaisseau Ulysse est aussi passé à côté des poles pendant son voyage vers le soleil, mais il ne transportait pas de caméra et il n’était pas aussi proche que Juno.

    L.'infrarouge nous montre les aurores de Jupiter (en pourpre) capturés par les télescopes Hubble et Chandra

    L.’infrarouge nous montre les aurores de Jupiter (en pourpre) capturés par les télescopes Hubble et Chandra

    Et arrivé aux poles, Juno va permettre aux chercheurs de voir les aurores de Jupiter. La lumière de Jupiter est l’un des outils pour analyser son champ magnétique. On peut observer ces aurores avec un télescope comme Hubble. Elles sont 1 000 fois plus puissantes que celles de la Terre et elles sont plus longues que le diamètre de notre planète.

    La sonde Cassini nous a réservé des surprises pendant sa visite sur Saturne et on peut espérer la même chose sur Jupiter. Cassini a découvert des ouragans en forme de tourbillon qui tournaient autour des poles de Saturne. On verra si c’est une caractéristique commune aux géantes gazeuses ou que Saturne est la seule à posséder ce type d’ouragans.

    Donc, tout le monde attend impatiemment le 4 juillet, mais il faudra patienter un peu plus. Nous n’aurons pas d’images dès le 4 juillet. Les instruments seront éteints quand Juno va commencer sa première orbite. La seconde orbite de Juno, avec des images, ne se fera pas avant la fin du mois d’aout. Après 2 tours de 53 jours autour de Jupiter, Juno va revenir dans sa routine en novembre. Quand Juno va commencer son analyse, des télescopes autour du monde vont avoir les yeux fixés sur Jupiter. Quand le vaisseau va effleurer les nuages, il ne pourra voir qu’une fraction de la planète en même temps. Une campagne d’observation internationale de grands observatoires au Chili et à Hawaii ainsi que les amateurs sans oublier Hubble vont observer le reste de l’atmosphère de Jupiter. Si vous mettez tous ces éléments ensemble, alors vous aurez des centaines d’yeux sur Jupiter selon Fletcher. Tout le monde tentera de profiter de ce moment au maximum.

    Un an et demi après son arrivée, en février 2018, Juno va plonger jusqu’à sa mort dans l’atmosphère de Jupiter. La mission Galileo s’est terminée de la même manière. Les scientifiques ne veulent pas risquer une balade sur une des lunes de glace telles qu’Europa. Europa pourrait abriter de la vie dans son océan d’eau souterrain. Juno n’a pas été stérilisé avant son lancement et si les microbes terrestres sont aussi partis avec Juno, alors un Crash sur Europa pourrait contaminer un écosystème extra-terrestre.

    Europa est la prochaine destination après les missions vers Jupiter. Un vaisseau de la NASA est déjà prévu pour Europa dès 2020. Et l’Agence Spatiale Européenne va aussi lancer le Jupiter Icy Moons Explorer (JUICE) en juin 2022 pour arriver sur Jupiter vers 2030. JUICE va étudier les satellites joviens habitables et il pourrait même faire un tour du côté de Ganymède, le plus grand satellite du système solaire. Mais en attendant, Jupiter est entre les mains de Juno. C’est notre plus grande occasion pour découvrir quelque chose de nouveau concernant Jupiter selon Fletcher. Et les découvertes de Juno pourraient s’étendre au-delà de Jupiter pour nous éclaircir sur les origines de la vie sur Terre. Quand Galileo a plongé dans Jupiter, il a découvert des éléments lourds tels que le carbone ou l’azote dans son atmosphère. Ces éléments sont essentiels pour la vie. Selon Bolton, Jupiter cache bien plus de choses que ce qu’on voit à sa surface. Qu’est-ce qui s’est passé dans les premiers jours du système solaire pour proposer les briques élémentaires de la vie sur les planètes ? C’est une question profonde. Je ne dis pas que Juno pourra nous répondre, mais je suis certain qu’il nous donnera une pièce du puzzle.

    Vous aussi, participez à la mission Juno avec JunoCam

    Pour la mission Juno, la NASA invite le public à bord du vaisseau. La JunoCam est une extension qui a été ajouté à Juno signifiant qu’elle n’a pas d’opérateurs dédiés à part quelques membres. L’équipe de JunoCam sera le public. Vous pouvez donc participer à l’observation de Jupiter par Juno. Quand Juno visitera les pôles, le public pourra marquer les points les plus intéressants. De plus, il y a aussi un système de votes qui permettent au public de déterminer la prochaine localisation de la caméra.

    Et les astronomes amateurs publient déjà des images de Jupiter avec leurs télescopes pour fournir une carte globale de la géante gazeuse. Une occasion de plus de ne pas rater cet événement exceptionnel du 4 juillet.

     

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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