Biomédicaments : Des traitements exorbitants, mais qui révolutionnent la médecine


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  • Les biomédicaments, connus également comme des médicaments biologiques (Biologics) révolutionnent la médecine, mais leur prix écrase les patients.


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    Les cellules à l'intérieur de cette cuve sont les usines des biomédicaments - Crédit : Sanofi Pasteur, CC BY-NC-ND
    Les cellules à l'intérieur de cette cuve sont les usines des biomédicaments - Crédit : Sanofi Pasteur, CC BY-NC-ND

    Dans une usine à l’extérieur de San Francisco, il y a une cuve en acier inoxydable de la taille d’une petite voiture avec quelque chose qui tourne à l’intérieur. La cuve est remplie de jauges et de tuyaux. À l’intérieur, il fait très chaud, environ 37 degrés Celsius. On pompe le sucre et d’autres nutriments, car à l’intérieur de ce contenant, il y a de la vie. Les scientifiques cultivent des cellules dans cette cuve. Ces cellules vont cultiver des médicaments à leur tour. Toutes les 2 semaines, la soupe chaude est vidée et traitée. Les molécules purifiées seront éventuellement injectées dans des patients qui souffrent d’un cancer de phase 4. Les médicaments qu’on fabrique de cette façon, avec des cellules vivantes, sont connus comme des médicaments biologiques ou biomédicaments (Biologics en anglais).

    Et ces biomédicaments sont en train de révolutionner la médecine. En 2016, les médicaments biologiques représentent déjà 25 % du marché pharmacologique pour une valeur de 232 milliards de dollars et la tendance continue de s’accélérer.1

    Les biomédicaments sont différents des médicaments classiques

    Des médicaments classiques comme l’aspirine, les antiacides, les statines sont de nature chimique. De nombreux ont été découvert dans la nature. Par exemple, l’aspirine est un cousin d’un composant qu’on trouve dans l’écorce de saule et la statine se trouve sur un champignon. Mais ces médicaments sont issus d’une fabrication non biologique.

    Les médicaments classiques sont assemblés à partir de briques élémentaires chimiques dans de grandes usines. Ces structures moléculaires sont bien définies et assez simples. L’aspirine contient simplement 21 atomes (9 carbones, 8 hydrogènes et 4 oxygènes) qui sont collés ensemble pour avoir une forme particulière. Une seule plaquette d’aspirine contient des billions de copies de la molécule.

    La différence entre un médicament classique et un biomédicament - Crédit : Ian Haydon, CC BY-ND

    La différence entre un médicament classique et un biomédicament –
    Crédit : Ian Haydon, CC BY-ND

    Les biomédicaments sont très différents. Leur classe de médication n’est pas synthétisée avec la chimie. Au lieu, on les récolte directement de la biologie. La plupart des médicaments biologiques sont assemblés dans des cuves connues comme des bioréacteurs qui abritent des microbes génétiquement modifiés ou des cultures de cellules mammaliennes. Il y a également des efforts pour les cultiver dans les plantes.2

    Les biomédicaments peuvent être des cellules entières vivantes ou mortes.3 Ils peuvent être des biomolécules produites par les cellules comme des anticorps.4 Ces derniers sont normalement sécrétés par les cellules B de notre système immunitaire. Mais les médicaments biologiques peuvent être également des composants internes de cellules comme des enzymes.5 Ces biomédicaments sont des molécules plus larges que ceux des médicaments classiques et dans de nombreux cas, on ignore leur composition. Vous n’allez pas trouver des médicaments biologiques dans une plaquette. Ces médicaments sont délicats qui aiment se baigner dans une solution liquide.

    Les biomédicaments sont l’une des catégories de médicaments qui enregistrent l’une des plus fortes croissances aux États-Unis, mais ils ne sont pas nouveaux.6 Le Biologics Control Act, voté en 1992, a été la première loi qui mesurait la sécurité des premiers médicaments biologiques qui sont les vaccins.7 Le Congrès a voté une loi après que des injections contaminées de diphtérie avaient tué 13 enfants. Jim, le cheval dont on avait extrait l’antitoxine diphtérique avait contracté le tétanos en contaminant les vaccins par la même occasion.8

    Heureusement, les scientifiques ont amélioré considérablement les médicaments biologiques depuis cette époque.9 La révolution de la recombinaison de l’ADN dans les années 1970 signifiait que les fabricants n’avaient plus besoin d’extraire les composants biologiques importants dans des animaux. Par exemple, on peut “coller” le gène, qui code l’insuline humaine, dans un microbe qui va fabriquer directement l’insuline. Après un processus de purification de plusieurs millions de dollars, l’insuline injectable est identique à celle qui est produite par un corps humain en bonne santé.10 11 En fait, c’est comme ça qu’on fabrique certaines insulines de nos jours.

    L’avantage du médicament biologique

    Les médicaments classiques et biologiques fonctionnent en interagissant avec notre propre biologie. La plupart des médicaments conventionnels fonctionnent comme des inhibiteurs. Ils possèdent la bonne taille et forme pour s’agripper au rouage moléculaire de nos cellules. La réduction de la douleur de l’aspirine provient de sa capacité à perturber une enzyme connue comme la cyclooxygénase qui est un important signal de la douleur.12

    La découverte des médicaments classiques fonctionne principalement avec la recherche de nouveaux composants pour perturber des processus propres aux maladies. Mais étant donné que ces médicaments sont minuscules et que l’intérieur d’une cellule est un véritable océan d’autres molécules, le fait de trouver un petit médicament qui bloque uniquement les processus problématiques est très difficile. Des interactions hors cibles peuvent produire des effets secondaires.13

    La grande taille des biomédicaments est un atout face à ce problème. Par exemple, un anticorps possède de nombreux points de contact avec sa cible. Cela permet aux anticorps thérapeutiques de se connecter avec une précision extrême, car seule leur molécule cible possède la bonne correspondance. Cette connexion provoque l’effet inhibiteur comme un médicament classique. Dans certains cas, les anticorps thérapeutiques peuvent aussi stimuler le système immunitaire dans une zone à problèmes comme une tumeur incitant le corps à réagir.14 15

    De nombreux médicaments biologiques ciblent les processus moléculaires qui ne peuvent pas être traités par des médicaments conventionnels et ils permettent de traiter un plus grand nombre de maladies.16 Les traitements contre le cancer sont le premier sur la liste, mais depuis 2011, la FDA a approuvé des biomédicaments basés sur des protéines pour le traitement contre le Lupus, la maladie de Crohn, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, l’insuffisance rénale, l’asthme et le taux élevé de cholestérol.17

    De nouveaux médicaments biologiques continuent d’apparaitre. À la fin de 2015, la FDA a approuvé le premier traitement pour des patients atteints de mélanome avancé.18 Ce traitement était le virus de l’Herpès qu’on avait modifié génétiquement. Les chercheurs ont reprogrammé génétiquement le virus, connu comme le T-VEC, pour cibler uniquement les cellules cancéreuses et il incite également le système immunitaire à supprimer le cancer.19 Plusieurs autres thérapies, basées sur les virus, sont en cours d’approbation aux États-Unis.20

    Les biomédicaments, des prix écrasants pour les patients et les gouvernements

    Ce garçon peut marcher grâce au biomédicament Brineura qui coute plus de 700 000 dollars pour un an de traitement - Crédit : AP Photo/Sang H. Park

    Ce garçon peut marcher grâce au biomédicament Brineura qui coute plus de 700 000 dollars pour un an de traitement –
    Crédit : AP Photo/Sang H. Park

    Amgen, l’entreprise qui produit le T-VEC, estime qu’il coutera environ 65 000 dollars par patient et ce n’est même pas le médicament le plus cher parmi les biomédicaments.21 Non, ce titre revient à Brineura, approuvé récemment par la FDA, qui est une enzymothérapie de substitution bi-hebdomadaire produite par l’entreprise BioMarin Pharmaceutical.22 Ce médicament biologique retarde la perte de la locomotion chez des personnes atteintes d’un trouble génétique rare. Son prix ? 27 000 dollars par injection ou plus de 700 000 dollars pour un an de traitement par personne.23

    Ces prix dignes du film Idiocracy alarment de nombreux patients, médecins et chercheurs. Dans un effort pour réduire les couts, les provisions de l’Obamacare ont accéléré le processus d’approbation pour de nouveaux biomédicaments qui vont rivaliser avec les médicaments déjà approuvés.24 Comme les médicaments génériques, ces médicaments sont connus comme des biosimilaires et ils sont interchangeables avec le biomédicament de marque qu’il peut remplacer.25

    Mais contrairement aux versions génériques des médicaments classiques, les médicaments biosimilaires, comme leur nom indique, sont similaires et non identiques à leurs homologues exorbitants. Cela signifie que les médicaments complexes nécessiteront de longs essais cliniques pour garantir leur efficacité et leur sécurité. Et à cause de ce processus, la Federal Trade Commission (FTC) estime que les biosimilaires ne proposeront qu’une remise de 10 à 30 % pour les patients.26

    Aryogen en Iran produit un biosimilaire appelé AryoSeven pour rivaliser avec VII Novoseven - Crédit : Asemi, CC BY-SA

    Aryogen en Iran produit un biosimilaire appelé AryoSeven pour rivaliser avec VII Novoseven – Crédit : Asemi, CC BY-SA

    À cause de l’état actuel des médicaments biologiques, on a besoin désespérément d’innovations pour réduire les couts de production des biomédicaments. La FDA a lancé un appel aux scientifiques et aux fabricants pour inventer des biosimilaires qui ressemblent aux médicaments biologiques approuvés par la FDA et de développer des outils pour démontrer rapidement leur sécurité.27 Les biomédicaments continuent d’augmenter en nombre et en popularité, mais leur capacité à sauver des vies sera inutile s’ils sont réservés aux personnes ultra-riches.

    Traduction d’un article de The Conversation par Ian Haydon, étudiant doctorant en biochimie à l’université de Washington.

    Sources

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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