McDonald et la révolution des employés de Fast-Food


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  • Quand il s’agit de leur salaire, les employés de McDonald ne l’aiment pas (Loving It, publicité de l’entreprise). Et ces employés s’expriment de plus en plus ces dernières 4 années avec des petites victoires qui montrent un profond changement dans l’emploi au Fast-Food.


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    Quand il s'agit de leur salaire, les employés de McDonald ne l'aiment pas (Loving It, slogan de l'entreprise). Et ces employés s'expriment de plus en plus ces dernières 4 années avec des petites victoires qui montrent un profond changement dans l'emploi au Fast-Food.

    Pour cette fête du Travail (Labor Day), les employés américains de Fast-Food peuvent célébrer leurs victoires grâce aux salaires qui ont augmenté pour certains d’entre eux. Et ils peuvent se féliciter d’un mouvement global en faveur des employés mal payés. En avril 2016, les employés des Fast-Foods ont lancé la plus grande grève de l’histoire. Elle a eu lieu dans 300 villes situées dans 40 pays. C’était une journée d’action contre ce que les employés ont surnommé les McJobs, salaire de misère et travail précaire. Et cette journée a retenu l’attention du monde entier.

    Les McJobs

    De Manhattan à Manille en passant par Tokyo jusqu’à Toronto, les employés de Fast-Food ont été rejoints, sur les revendications de salaire, par le personnel de santé, celui des aéroports, de la vente au détail et par des millions d’autres employés qui travaillent à temps plein et qui n’arrivent pas à survivre. Au début d’année, Bleu Rainer, âgé de 27 ans et employé de McDonald en Floride a traversé tout l’Etat pour protester à l’extérieur du Débat républicain qui se tenait à l’université de Miami. En chantant : Nous travaillons, nous suons, mettez 15 dollars sur nos chèques, les manifestants voulaient amener le débat d’un salaire décent dans le débat républicain où des candidats milliardaires comme Donald Trump estiment que les salaires sont trop élevés aux États-Unis.

    Quand les employés américains mal payés, qui sont composés d’une majorité d’Africains-Américains, se sont réunis à Richmond en Virgnie, ils ont décidé de continuer le combat et ils l’ont associé à celui du racisme. Ils sont arrivés avec un nouveau slogan : Black Work Matters.

    En tant qu’historienne du travail, je me suis intéressée à ce mouvement global des employés de Fast-Food, qui utilise l’histoire, la culture populaire et les réseaux sociaux pour s’organiser. L’année dernière, j’ai parlé à plusieurs employés de Fast-Food à Tampa, à New York, à Los Angeles, à Manille, aux Philippines, à Phnom Penh et au Camboge. Ils sont littéralement affamés de changements et ils veulent ces changements à tout prix.

    Un réseau global

    Comme la culture populaire, les problèmes actuels de l’emploi sont globaux. Comme le slogan : Les McJobs nous coutent à tous, des emplois mal payés de McDonald et de Wal-Mart, provoquent une baisse des salaires pour tout le monde. Avec la moitié des travailleurs américains qui gagnent moins de 30 000 dollars par an en 2014, qui est le seuil de pauvreté pour une famille de 5 personnes, il n’est pas étonnant que le combat pour un salaire à 15 dollars de l’heure ait attiré des employés de tous les bords.

    Et ce mouvement dépasse les États-Unis. À Manille, de jeunes activistes philippins dans le RESPECT Fast Food Worker Alliance ont chanté et dansé en face de leurs gouvernements pour demander des protections dans le travail. À Moscou, les employés de Fast-Food ont organisé des manifestations en arguant qu’ils ne sont pas des adolescents qui bossent pour de l’argent de poche, mais des adultes qui font vivre leurs familles.

    Quelle est l’origine de cette colère ? En 2015, 52 % des employés américains de Fast-Food ont reçu l’aide publique pour joindre les 2 bouts. De nombreux doivent avoir 2 à 3 emplois. Certains se sont adaptés pour vivre dans les abris des SDF. Maia Montcrief, de Long Beach en Californie, m’a dit qu’elle vit dans un appartement avec une seule chambre à coucher qu’elle partage avec 6 personnes. Et elle fait partie des chanceuses.

    Même si les employés de Fast-Food ont protesté contre les nombreuses chaines globales et localisées du travail, leur cible a été McDonald. Avec 36 538 restaurants dans 119 pays, McDonald est le second employeur du secteur privé dans le monde. Le premier est Wal-Mart. Étant donné que McDonald possèdent des employés partout, sa politique de salaire affecte tout le monde selon Bleu.

    L’histoire de Bleu

    J’ai travaillé dans l’industrie du Fast-Food en Caroline du Nord et en Floride me dit Rainer. Et pendant 8 ans, je n’ai pas gagné plus de 8,05 dollars par heure. Même quand il a été promu comme manager, son salaire n’a pas augmenté.

    Bleu Rainer

    Bleu Rainer

    J’ai vécu la torture de ne pas pouvoir payer un loyer ce qui m’a incité à dormir dans une maison après l’autre selon Rainer. Une fois, j’ai dû dormir dans un arrêt de bus, car j’étais SDF. Je devais me baser sur les bons alimentaires pour manger à ma faim et ces bons étaient épuisés en un rien de temps. Parfois, je me demande : Je travaille dur chaque jour. Pourquoi suis-je toujours affamé ? Pourquoi je ne peux pas gagner un salaire décent ? Pourquoi je ne peux pas me nourrir correctement ?

    Au début de 2012, Rainer et un petit groupe d’employés de Fast-Food à New York City ont lancé une manifestation contre les salaires de misère. C’était un mouvement du 21e siècle. Ils ont utilisé une grève d’une journée plutôt que des actions sur le long terme qui pénalisent les travailleurs plutôt que les employeurs. Ils ont utilisé les réseaux sociaux pour publier leurs actions. Et ils ont exploité les slogans des corporations à leur avantage, notamment le jingle I’m Lovin’ It qui a été utilisé pour une campagne publicitaire mondiale. McDonald a payé 6 millions de dollars à Justin Timberlake pour chanter à la TV. Poverty Wages: Not Lovin’ It est devenu le slogan du nouveau mouvement et il a été adapté dans plusieurs pays et dans différentes langues.

    Quand j’ai rencontré Rainer pour la première fois à Tampa, il aidait à organiser une grande coalition de travailleurs mal payés. Les employés de Fast-Food, le personnel de santé et des professeurs adjoints de collège, car chacune de ces professions ne gagnait pas suffisamment pour vivre décemment. Quand nous nous sommes assis pour diner, les professeurs ont expliqué qu’ils étaient dans le même bateau que les employés de Fast-Food et le personnel de santé. Les professeurs gagnent autour de 8 dollars par heure avec des contrats à court terme et aucune sécurité de l’emploi. Ils tentent de nous convaincre que nous sommes des privilégiés, des sortes d’élus selon Cole Bellamy, qui enseignent 12 cours par an. Mais c’est le mensonge qu’ils nous disent pour éviter qu’on parle. Nous sommes tous des employés de Fast-Food selon Keegan Shephard, étudiant diplômé. Ou peut-être que nous sommes tous des professeurs adjoints a répondu Rainer.

    La victoire

    Leur campagne a rencontré un succès remarquable en très peu de temps. En mars 2016, le National Labor Relations Board a légiféré que McDonald est un employeur conjoint pour toutes les franchises de McDonald et c’était une grande victoire pour les activistes de Fast-Food. Les villes de Seattle, de San Francisco et de Los Angeles ont adopté des salaires à 15 dollars de l’heure. Au printemps dernier, l’Etat de Californie a adopté un salaire de 15 dollars pour tout l’état. Les salaires des travailleurs fédéraux de Fast-Food ont été augmentés. Wal-Mart a augmenté son salaire minimum. McDonald a augmenté ceux qui travaillent dans des restaurants en dehors de l’entreprise ce qui a forcé les propriétaires de franchise à faire de même.

    Il y a 4 ans pendant les premières grèves des employés de Fast-Food, un salaire minimum de 15 dollars aurait relevé du fantasme. Mais désormais, c’est une réalité dans les plus grands secteurs de l’emploi aux États-Unis et ce sont les employés de Fast-Food, considéré comme insignifiants, qui ont déclenché cette vague déferlante.

    Mais même avec cette victoire, la vie d’un employé de Fast-Food reste difficile dans le meilleur des cas. On peut expliquer leur pauvreté par un salaire de misère, mais il y a également des changements informatisés dans les heures de travail. Avec ces changements constants, les parents ne peuvent pas planifier le soin de leurs enfants ou même de savoir quand ils pourront payer leurs factures. J’ai souvent entendu que les algorithmes maximisent l’efficacité de l’entreprise et réduit les couts du travail. Mais les employés estiment que ces algorithmes font exprès de baisser le nombre d’heures de travail afin qu’ils ne soient pas couverts par les lois fédérales du travail et qu’on les considère comme des employés à temps partiel. Un employé de Macdonald que j’ai rencontré à New York City, qui dépendait de son salaire à temps plein, m’a montré un chèque de 109 dollars pour 2 semaines de travail.

    Contrairement à l’opinion publique, la plupart des employés de Fast-Food ne sont pas des adolescents sur leur premier emploi, mais des adultes qui subviennent aux besoins de leurs familles. L’âge moyen d’un employé de Fast-Food est de 29 ans. 25 % sont des parents et 1 sur 3 ont des diplômes universitaires ou travaillent pendant leurs études. Après la crise de 2008, de nombreux chômeurs se sont réfugiés dans les emplois de Fast-Food. Le gouvernement et la propagande néo-libérale leur ont fait croire que ce serait des emplois temporaires jusqu’à la fin de la crise. Mais au fil des années, ces employés ont compris que leur boulot chez McDonald serait le seul travail qui leur resterait pour faire vivre leur famille et qu’ils avaient intérêt à améliorer les salaires et les conditions plutôt que d’espérer un avenir chimérique d’un pays en plein emploi.

    Ce n’est pas la première fois que les employés des restaurants se sont organisés. Les syndicats ont toujours été forts dans les grandes villes, notamment à New York et Las Vegas. Mais c’est la première fois que les employés de Fast-Food se sont organisés et c’est aussi la première fois qu’ils se sont coordonnés avec d’autres employés mal payés sur une échelle mondiale. Massimo Frattini, un ancien employé dans un hôtel à Milan qui est l’un des coordinateurs globaux pour les actions des employés de Fast-Food, a déclaré qu’il était stupéfait par la réponse mondiale de la première grève de 2014.

    À cette époque, les employés de Fast-Food dans 230 villes situées dans 34 pays des 6 continents ont marché ensemble pour revendiquer un salaire décent, un contrat à temps plein et une reconnaissance syndicale. L’ampleur de la grève a surpris tout le monde. Les employés, les organisateurs et surtout McDonald. Les employés ont organisé des procès factices contre Ronald McDonald pour vol de salaire dans les rues de Séoul. Et ils ont fermé des McDonald à Bruxelles et à Trafalgar Square à Londres.

    Nous ne connaissions pas le niveau d’organisation des employés de Fast-Food aux Philippines, en Thaïlande ou en Nouvelle-Zélande selon Frattini. Mais la vérité est qu’ils savaient qu’ils ne pourraient rien faire contre les grosses corporations en étant seuls. Mais ensemble, ils pourraient en faire un problème mondial. L’année qui a suivi, les employés de New York, de Chicago et de 150 villes américaines ont rencontré des employés du Danemark, d’Argentine, de Thaïlande, de la Corée du Sud, des Philippines et de nombreux autres pays. Le Service Employees International Union aux États-Unis et le syndicat international du secteur alimentaire de Frattini ont payé pour ces rencontres.

    Les travailleurs ont comparé leur fiche de paie et leurs conditions de travail. Les employés de McDonald et Kentucky Fried Chicken de chaque continent ont planifié des stratégies pour avoir des accords globaux sur les salaires. L’une des organisatrices de départ, Naquasia LeGrand, était seulement âgée de 22 ans lorsqu’elle a lancé le mouvement. Elle était épuisée par 3 emplois successifs. En été 2016, elle jette un regard sur ce qui a été accompli depuis 2012. Nous avons déclenché quelque chose d’épique qui n’a jamais été fait auparavant. Et effectivement, ces personnes ont réussi une révolution majeure dans les emplois des Fast-Foods.

    Traduction d’un article de The Conversation par Annelise Orleck, professeur d’histoire à l’université de Dartmouth.

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    Estelle Dufresne

    Ancienne journaliste dans plusieurs titres de la presse régionale. Mais comme la presse régionale n'existe plus, je me suis recyclé dans les rubriques internationales de plusieurs sites en ligne.

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