Le Khat à Madagascar ou l’or vert inexploité


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  • Principalement présente dans le nord de Madagascar avec la ville de Diégo-Suarez, la production et la consommation de Khat, une plante avec des propriétés proches des amphétamines pose des questions sur l’exploitation de cette substance sur le plan économique et social.


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    Principalement présent dans le nord de Madagascar avec la ville de Diégo-Suarez, la production et la consommation de Khat, une plante avec des propriétés proches des amphétamines posent des questions sur l'exploitation de cette substance sur le plan économique et social.

    Les voyageurs à Diego Suarez sont toujours frappés par une habitude des habitants de cette ville. La pratique de mâcher des feuilles pendant des heures et de partir dans des palabres qui peuvent durer des heures. Quasiment exclusive dans les régions du nord, notamment à Diego Suarez, la mastication de cette plante est un héritage datant du 20e lorsque des ouvriers du Yémen ont apporté des paquets de Khat dans leurs bagages et qu’ils ont appris aux locaux que le Khat peut donner des vertus euphorisantes. À partir de cette époque, Diégo Suarez a commencé à produire et à consommer du Khat à tel point que le Khat est devenu une tradition comme les autres.

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    Les vertus et effets indésirables du Khat

    Le Khat est un arbuste qu’on cultive principalement en Afrique orientale, mais surtout dans la péninsule arabique. C’est une coutume ancestrale au Yémen où la majorité de la population consomme quotidienne cette plante. Le principal composant du Khat est le cathinone qui provoque des effets similaires à l’amphétamine, mais les études suggèrent que ces effets sont 2 fois moins nocifs et puissants. On consomme le Khat feuille par feuille même si les habitudes peuvent varier. On en fait une première boule qu’on va mâcher pendant des heures en buvant de l’eau glacée pour combattre la sécheresse provoquée par les effets de la plante. Sur les témoignages des consommateurs du Khat, l’euphorie est provoquée à la fois par la pratique de la mastication, mais également aux substances actives qui montent au cerveau. Au fil des heures, la mastication fait partie intégrante du processus et on sent les effets qui montent progressivement. Le Khat est réputé pour délier les langues et refaire le monde si on écoute un peu les palabres des mastiqueurs.

    Il a fallu attendre les années 1990 pour que le Khat devienne populaire à Madagascar. Les principaux consommateurs étaient les ouvriers soucieux d’oublier leur durée journée de labeur, mais également ceux qui travaillent la nuit, car le Khat est connu pour provoquer des insomnies. La seconde catégorie est les jeunes qui cherchaient des distractions et comme le Khat possède un statut ambigu à Madagascar (légal, mais pas trop), sa consommation a explosé au fil des années. Il est intéressant de voir que la consommation du Khat par les ouvriers reflète les habitudes au Yémen. Étant une région montagneuse, le Khat dans ce pays est principalement consommé par les conducteurs des véhicules de tourisme qui doivent circuler à travers les montagnes pendant plusieurs jours. L’effet stimulant et insomniaque du Khat permet à ces conducteurs de rester concentrés.

    La réputation négative du Khat à l’international

    Le Khat représente l’un des piliers de l’économie informelle de Diego Suarez, mais il n’y a aucune tentative de législation. C’est comparable aux salons de massage qui poussent comme des champignons à Tananarive, on sait plus ou moins ce que cela implique, mais on ferme les yeux. Il faut des soupapes de sécurité pour soulager la pression de la pauvreté sur la population. Pourtant, une légalisation formelle du Khat avec des taxes associées permettrait aux autorités de Diégo Suarez d’avoir une rente intéressante sans oublier que cela nettoierait le secteur des producteurs et consommateurs de Khat. La vente du Khat se fait à la sauvette avec des producteurs qui ramènent la plante des régions comme Antsalaka pour inonder les marchés de Diégo Suarez. Mais les autorités ne veulent pas donner un feu vert total au marché du Khat à cause de l’interdiction dans les pays occidentaux.

    Les États-Unis et une grande partie de l’Europe considèrent le Khat comme une substance stupéfiante et illégale. La faute revient à l’OMS. L’organisation a classé le cathinone, substance active du Khat comme faisant partie de la liste Schedule 1 sur les drogues. Cela signifie que le Khat doit être interdit à cause de sa dépendance et de ses effets hautement indésirables. La norme Schedule 1 contient des drogues très puissantes comme le LSD et l’héroïne. Après avoir consommé du Khat et dans une période de 24 à 48 heures, le cathinone devient de la cathine qui est classée comme faisant partie de la Schedule 4 qui indique des substances pouvant entrainer la dépendance.

    Cependant, des analyses sur la littérature médicale suggèrent que les effets indésirables, bien que présents, ne soient pas aussi puissants que les drogues dures. Ainsi parmi les effets connus, le Khat provoque des maladies cardiovasculaires, des problèmes gastro-intestinaux, des cancers de la bouche, un poids faible à la naissance et des problèmes d’infertilité. Mais les études montrent que ce sont les tannins et non la substance elle-même qui provoque ces effets. L’OMS est revenue sur sa décision, mais elle cite des raisons socio-économiques pour déconseiller le Khat tandis que les arguments médicaux sont moins convaincants. Pour de nombreux scientifiques, l’inscription du Khat et de sa substance dans la liste des drogues dangereuses est surtout une motivation politique plutôt qu’une conclusion scientifique. Notons que dans les années 1990, il était coutumier d’être très strict sur les drogues. Au fil des années, des substances comme la marijuana ont été mieux acceptées, mais étant donné que le Khat est consommé par des populations qui ne sont pas présentes dans les débats internationaux, alors la plante est toujours stigmatisée sans oublier l’absence de recherches récentes.

    Des occasions gâchées pour exploiter commercialement l’or vert

    Ces interdictions au niveau international pénalisent le Khat, mais également la production au niveau commercial. Si le Khat était mieux accepté par les autres pays, alors la région de Diego Suarez pourrait exporter sa production et s’ouvrir une voie vers les marchés internationaux. Aujourd’hui, le Khat est cantonné au marché local. De plus, les producteurs font face au dilemme de cultiver du Khat ou des produits agricoles plus rentables puisque qu’ils peuvent les vendre dans d’autres régions. Cependant, une illégalisation du Khat est une option impensable à Diégo Suarez. Il y a quelques années, des émeutes avaient éclaté dans la ville parce qu’il y avait des rumeurs sur la criminalisation de ces plantes.

    Au-delà de sa prétendue dangerosité, le Khat reflète une vision radicalement différente sur le principe de l’économie et de gagner sa vie. On a mentionné que les jeunes consomment du Khat pour se distraire, mais c’est également pour oublier le fait que l’avenir pour les jeunes n’existe pas à Madagascar, notamment dans les régions rurales. Ces jeunes, déçus par le chômage, la corruption et tous les fléaux du pays, deviennent des consommateurs assidus du Khat, mais également des producteurs.

    À cause de son aspect non légiféré, le Khat peut subir des variations de prix extrêmes. Ainsi en 2007, le prix du Khat a crevé le plafond alors que c’est une plante qui est très facile à cultiver. Le résultat est qu’un producteur peut réaliser de 3 à 4 fois le bénéfice par rapport à l’investissement de départ. Cette variation des prix incite les producteurs à abandonner la culture de riz ou de légumes pour se consacrer au Khat en sachant que de nombreux légumes sont exportés. Dans le cas du Khat, les bénéfices sont plus importants et ils restent dans le pays. Le prix d’une botte de Khat varie de 2 000 Ar jusqu’à 10 000 Ar dans les saisons où le prix est extrême. L’or vert incite également les jeunes à se lancer dans ce commerce puisqu’aucune formation n’est nécessaire et qu’on n’a besoin pas de travailler 14 heures par jour pour un salaire qui est équivalent à 4 jours de vente du Khat.

    Michel a 22 ans et il est consommateur et producteur de Khat depuis 3 ans. Il estime que les ventes varient pour chaque saison, mais qu’il n’a pas connu un seul jour depuis ces 3 ans où il n’a pas épuisé tout son stock qu’il renouvelle chez les grossistes chaque matin. Pour un investissement de 15 000 Ar, il peut réaliser des bénéfices tournant de 5 000 à 7 000 Ar ce qui est très intéressant. Avant, il travaillait comme un docker et son salaire était de 50 000 Ar par mois. Une misère comparée à ce qu’il gagne actuellement avec le Khat. Avec son commerce, il arrive à subvenir aux besoins de sa famille et il envisage d’augmenter ses points de vente en recrutant d’autres jeunes pour les inciter à se lancer dans le marché du Khat.

    Une plante à double tranchant

    Le Khat est une épée à double tranchant. Sa production et son commerce dans le nord du pays sont un exemple frappant de ce que la population est capable de faire quand le gouvernement central les abandonne ou quand il les incite à adopter des voies économiques qui sont impossibles dans un pays d’extrême pauvreté. Le Khat à Madagascar représente une volte-face par rapport aux mantras économiques qui nous sont donnés par des organismes comme la Banque Mondiale ou le FMI. Toutefois, c’est une arme dangereuse. Les États-Unis ont l’habitude de sanctionner sévèrement les pays qui pratiquent la production de drogues qu’ils considèrent comme étant dangereuses sans oublier que le commerce du Khat peut être associé au terrorisme avec des associations douteuses sur son origine yéménite. Une association qui est souvent relayée par les médias malgaches et français qui n’ont aucune idée de la réalité du terrain.

    De plus, on ne peut pas ignorer les effets de dépendance du Khat. Pour une population qui est déjà très pauvre, le Khat peut détruire des familles entières sans oublier que les bénéfices faciles incitent à abandonner la culture de nourriture. La dépendance peut entrainer d’autres effets indésirables sur le plan médical et cela suggère que le Khat possède des bienfaits certains, mais uniquement sur le court terme. Mais si la communauté internationale et les différentes organisations changent d’avis sur le statut du Khat, alors la région de Diégo Suarez pourrait envisager une vraie économie de l’or vert qui permettrait de développer considérablement l’économie et le niveau de vie par la même occasion.

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    mm

    Boubakar Nguema

    Journaliste et réalisateur. Couvre principalement l'actualité africaine et panafricaine.

    1 réponse

    1. charmake dit :

      slt les malgaches de diego suarez,

      En tant que grand khater de la république de Djibouti, je vous informe que le khat n’avait jamais embêter personne.
      il suffit de l’adapter à votre vie et puis c’est tout. et puis venez exporter dans notre pays, vs alliez vous enrichir vraiment. nous importons de l’Éthiopie et ils nous coûtent vraiment cher. par exemple un paquet de khat ( khat de qualité moyenne) coûte environ 17 000 ar malgache.

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