Comment un enfant peut-il avoir 3 parents ?
Depuis quelques mois, on entend souvent parler d’une technique de fécondation connue comme l’enfant à 3 parents. Il est important de comprendre les détails de cette technique pour éviter des extrapolations hasardeuses.
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Comment un enfant peut-il avoir 3 parents ? Cela semble impossible, non ? Dès l’enfance, on nous a enseigné que les bébés sont faits avec la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule et l’ADN de ces deux cellules se combine pour former un individu unique avec la moitié de l’ADN de la mère et la moitié du père. Alors, comment peut-il y avoir une troisième personne impliquée dans ce processus ?
Sommaire
L’ADN nucléaire et les mitochondries
Pour comprendre l’idée des bébés à 3 parents, nous devons parler de l’ADN. La plupart des gens connaissent l’ADN à double hélice qui constitue les 23 paires de chromosomes qui se trouvent dans le noyau de chaque cellule de notre corps. Il fournit les instructions pour construire un organisme entier et les protéines qui conduisent notre existence depuis la conception jusqu’à la mort. Mais l’ADN dans le noyau n’est pas le seul type d’ADN requis pour que nous existions. Il y a aussi de l’ADN caché dans de petits compartiments appelés mitochondries, qui se trouvent à l’intérieur de toutes les cellules de votre corps.
Est-ce que vous vous souvenez des leçons de mitochondries pendant vos classes de biologie au collège ou au lycée ? La mitochondrie est un organite en forme de haricot souvent dessiné avec une ligne ondulée qu’on connait comme la centrale d’énergie de la cellule. Chaque cellule du corps, y compris les ovules et le sperme, a besoin d’énergie pour remplir toutes ses fonctions. Les cellules sans ADN mitochondrial fonctionnel (ADNmt) sont comme des voitures sans carburant.
Contrairement à l’ADN nucléaire, l’ADNmt n’est pas créé par la combinaison d’ADN mâle et femelle. À la place, seule votre mère vous transmet les mitochondries ce qui signifie que celles qui sont dans l’ovule fécondé sont celles qui seront reproduites dans chaque cellule de votre corps pendant votre développement et pour le reste de votre vie. Tout comme l’ADN nucléaire, l’ADNmt peut avoir des mutations qui peuvent conduire à des maladies handicapantes très graves, et dans certains cas, la stérilité pour une femme portant des mitochondries défectueuses. Et c’est là que le troisième parent entre en scène.
Le troisième parent
En 2016, un bébé est né d’un couple qui avait lutté contre les conséquences des mutations de l’ADN mitochondrial qui provoquent le syndrome de Leigh, un trouble neurométabolique progressif.1 2 Quand les mitochondries défectueuses de l’ovule de la femme ont été remplacées par des mitochondries provenant d’un donneur qui ne portait pas la mutation, l’enfant avait l’ADN de trois personnes : Le donneur d’ADN nucléaire, le donneur de sperme et le donneur de mitochondries. C’était le premier bébé né utilisant cette technique qu’on appelle l’enfant à 3 parents.
Cette technique, appelée remplacement mitochondrial, peut être considérée comme une transplantation d’organe ou plutôt une greffe d’organite. Mais il y a quelques différences significatives qui ont provoqué des inquiétudes parmi des législateurs, ayant pour résultat une interdiction sur le remplacement mitochondrial aux États-Unis. 3 Contrairement à une greffe d’organe, les effets du remplacement mitochondrial persisteront dans les futures générations de descendants si le bébé qui en résulte est une femme et qu’elle choisit d’avoir des enfants, car les hommes ne transmettent pas leurs mitochondries. En outre, le remplacement affectera tous les tissus du corps plutôt qu’un seul système de l’organisme tel que le système cardiovasculaire après une transplantation cardiaque.
Aucune modification génétique dans le processus
Mais ces mitochondries, issues d’un don, sont naturelles et persistent déjà dans notre population. Elles ne sont pas génétiquement modifiées de quelque façon que ce soit. Ainsi, tant qu’elles fonctionnent correctement, il n’y a aucun risque démontré pour la progéniture d’un point de vue sanitaire au-delà des risques naturels de mutations spontanées même si ce dernier point est encore débattu.4
Depuis 2016, il est difficile de compter le nombre des procédures d’enfants à trois parents qui ont été réalisés et qui ont mené à des grossesses réussies. Mais avec la naissance récente d’un bébé en Ukraine impliquant trois parents, de nombreux pays explorent désormais si et comment utiliser cette technologie. L’interdiction aux États-Unis en a arrêté l’utilisation, mais d’autres pays ont pris des décisions différentes, ainsi le Royaume-Uni l’a approuvé.
Le donneur mitochondrial est-il un parent ?
Si une femme donne ses mitochondries, quel est le niveau de sa parenté avec l’enfant ? La réponse courte est très peu. Plus de 99 % des protéines de votre corps sont codées par l’ADN dans le noyau de vos cellules.5 Par exemple, les caractères tels que la couleur des cheveux, la couleur des yeux et la taille sont tous codés par l’ADN nucléaire tandis que les gènes écrits sur l’ADNmt sont principalement liés à la production d’énergie et au métabolisme.6
Ainsi, les bébés à trois parents ressembleront toujours aux hommes et aux femmes, dont les spermatozoïdes, et les ovules se sont combinés pour produire les 23 chromosomes dans le noyau de cette première cellule. Il est important que les gens comprennent ces distinctions, car les actualités annonçant les naissances de bébés à trois parents continueront probablement à faire surface. Et si on ne comprend bien le processus, alors on risque d’extrapoler sans comprendre la science sous-jacente.
Une chose est certaine. Pour les femmes qui souffrent de stérilité causée par des mutations dans leur ADN mitochondrial ou qui ont le potentiel de transmettre des anomalies génétiques mitochondriales significatives, cette nouvelle technique donne l’espoir qu’elles pourront un jour avoir un enfant en bonne santé avec une petite aide d’une troisième personne.
Traduction d’un article de The Conversation par Jennifer Barfield, professeure adjointe de technologies reproductives à l’université du Colorado.