Réfléchissons avant de comparer Trump à Hitler
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Des personnes comparent de plus en plus Trump à Hitler, mais ces comparaisons nuisent à la fois au rappel de ce qu’était l’Allemagne nazie et les problèmes actuels de la société américaine.
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Tout le monde semble être devenu Hitler.
L’historien Gavriel D. Rosenfeld a écrit cette phrase dans son étude sur la façon dont le passé nazi est devenu un thème récurrent dans la culture contemporaine au point de devenir presque insignifiant.1 Ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’il avait déjà atteint cette conclusion un an avant que Donald Trump soit élu comme le 45e président des États-Unis.
Sommaire
Trump similaire à Hitler
Depuis, les comparaisons entre Trump et Hitler et même entre les développements actuels aux États-Unis et les derniers jours de la République de Weimar en Allemagne sont devenues monnaie courante.2 Ce n’est peut-être pas une surprise, étant donné les attaques débridées de Trump contre ses opposants politiques et la presse grand public, sa stigmatisation des groupes minoritaires comme des boucs émissaires pour les nombreux problèmes de la société américaine et son style populiste et démagogique plus généralement.3 4 5
En tant qu’historienne de l’Allemagne moderne, j’ai passé de nombreuses années à explorer les crimes commis par Hitler et ses partisans.6 Quand les gens comparent facilement Hitler et les nazis, ils essayent, généralement de bonne foi, de nous mettre en garde contre les dangers d’ignorer l’histoire et ses supposées leçons. Mais c’est ma connaissance avec cette histoire qui me rend très sceptique sur de telles comparaisons. Ils créent plus de confusion alors qu’il faut clarifier les questions essentielles en jeu.
La longue liste des comparaisons nazies
La loi de Godwin postule que plus une discussion en ligne va progresser, plus la personne sera probablement comparée à Hitler.7 À l’heure actuelle, cela semble s’appliquer non seulement au monde virtuel des forums de discussion, mais aussi aux foyers en Amérique.
Il n’y a rien de nouveau à comparer les politiciens à Hitler. Nous vivons à une époque où George W. Bush, Saddam Hussein, Recep Tayyip Erdogan, Vladimir Poutine, Donald Trump, Angela Merkel, Hillary Clinton (Hitlery) et Barack Obama ont tous été comparés à Hitler.8 9 10 11 12 13 14 15 Ce ne sont là que quelques-uns des exemples les plus récents, mais ils montrent clairement à quel point ces analogies ont peu de valeur.
La présidence de Trump a permis de sortir la carte Hitler à tout bout de champ. Toutefois, ces comparaisons n’ont pas seulement augmenté en fréquence et en intensité. Même des experts de premier plan sur l’Allemagne nazie n’hésitent pas à faire cette comparaison. L’historienne britannique Jane Caplan, par exemple, a écrit une analyse en novembre 2016 en abordant directement la question de savoir si Trump était fasciste.16
Même des experts comparent Trump à Hitler
Caplan n’a pas tiré de conclusions définitives, mais elle a souligné quelques similarités frappantes entre la montée du fascisme en Allemagne à l’époque et le climat politique actuel aux États-Unis. En bref, elle estime que l’Amérique est actuellement dans une position vulnérable, une situation que les forces radicales peuvent utiliser à leur avantage. Quelques mois plus tard, l’historien Timothy Snyder a publié On Tyranny. Ce livre conclut également que l’Amérique sous Trump présente des similitudes frappantes avec l’Allemagne dans l’entre-deux-guerres et ressemble à un manuel pratique pour résister à l’autoritarisme d’aujourd’hui en Amérique.17
Ce type d’avertissements respectables, engagés dans une analyse historique fondée sur des études empiriques, dément toute crainte que Hitler soit en quelque sorte banalisé. En fait, ces experts sont bien équipés pour communiquer la valeur potentielle des analogies historiques à un public plus large. Quand ces personnes portent une attention particulière au contexte historique, alors les analogies peuvent devenir des outils utiles qui nous aident à comprendre notre présent et peut-être même à le façonner pour améliorer les choses.
Malheureusement, une analyse à la hauteur de celle de Caplan ou de Snyder est l’exception et non la règle. Ce n’est pas une surprise compte tenu du caractère frénétique et souvent désagréable du discours politique actuel.
Les fausses équivalences ou le risque de banaliser le mal
La comparaison hitlérienne est, pour beaucoup, devenue rien d’autre qu’un doigt menaçant pour marquer quelqu’un ou quelque chose comme moralement mauvais. C’est une technique les Allemands surnomment Totschlagargument qui est un argument imparable destiné à mettre fin à toute discussion.18
Je crois qu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles les conversations prennent ce type de tournant. En premier lieu, peu de gens souhaitent banaliser Hitler. Quand on compare quelqu’un à Hitler, les cibles sont naturellement contrariées par la comparaison. Même s’il semble qu’il y a beaucoup de gens aux États-Unis qui ne se sentent plus capables de s’entendre sur quoi que ce soit incluant des faits, ces personnes semblent toujours capables de se mettre d’accord sur un point : Hitler incarne le mal.19
Prenez, par exemple, une campagne publicitaire récente de la NRA mettant en vedette Dana Loesch qui est son porte-parole.20 Loesch décrit l’état actuel de la société américaine en termes presque apocalyptiques avec une musique de fond sinistre et des images floues de combats de rue l’aidant à faire valoir son point de vue. Les États-Unis sont présentés dans la publicité comme un pays qui se démantèle à cause de manifestants libéraux. Ce qui est particulièrement intéressant est comment Loesch commence sa diatribe : Ils utilisent leurs médias pour assassiner la vérité. Ils utilisent les écoles pour enseigner aux enfants que leur président est un autre Hitler ! Loesch est scandalisé par les comparaisons entre Trump et Hitler tout comme les partisans d’Obama l’ont été dans le passé.15
L’Allemagne nazie ne doit pas être notre frontière de l’inhumanité
Soyons clairs : Hitler a déclenché une guerre visant à obtenir une domination mondiale qui a entraîné la mort de dizaines de millions de personnes. Cela comprenait le meurtre industrialisé de 6 millions d’hommes, de femmes et d’enfants dont le seul crime était d’être un juif.21 Ce n’est pas pour diminuer les horreurs causées par les tyrans comme l’ancien président irakien Saddam Hussein ou Slobodan Milosevic, ancien président de la Serbie.22 23 Mais l’ampleur de leurs crimes est bien pâle en comparaison. Et quoi que l’on puisse penser de Donald Trump, il est, pour le moment, resté dans les limites de la légalité constitutionnelle. Et clairement, il n’a pas été responsable de morts en masse.
Un autre aspect de notre connaissance culturelle partagée de Hitler est qu’il était quasiment impossible de négocier avec lui. Rétrospectivement, les historiens s’accordent à dire que les politiques d’apaisement des années 1930 étaient un échec et que des moyens énergiques étaient la seule façon d’arrêter Hitler.24 Peu importe combien de concessions ont été faites au dictateur allemand au cours des années 1930, il voulait toujours plus et il voulait la guerre.25
C’est pourquoi, en tant qu’historienne de la période nazie, je trouve problématiques les comparaisons contemporaines et les analogies exagérées.
Les fausses équivalences risquent non seulement de banaliser Hitler et les horreurs qu’il a déclenchées. Mais elles empêchent également les gens d’aborder les problèmes actuels qui requièrent notre attention de toute urgence. La réforme de l’immigration, la xénophobie rampante, la restructuration sociale et économique dans un monde globalisé et la perte de confiance dans la capacité du gouvernement à résoudre des problèmes urgents.
Il y a une dernière raison ultime pour laquelle on ne doit pas utiliser la comparaison avec Hitler à tort et à travers.
Chaque fois que nous appliquons cette comparaison politique ou morale, nous plaçons la barre de l’inhumanité aussi haute que possible. L’abîme de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste devrait-il vraiment être la principale mesure pour tout ce qui est politique ?
Le danger est que les politiques ne deviennent dignes d’un outrage moral que si elles mènent à la violence génocidaire. On peut espérer qu’au 21e siècle, notre société a développé des normes plus élevées ou peut-être plus basses que celles-ci. Espérons que la société actuelle n’ait pas besoin de se hisser jusqu’à l’abjection de l’Allemagne nazie pour qu’on puisse dire qu’on a dépassé les bornes.
Traduction d’un article de The Conversation par Sylvia Taschka, conférencière d’histoire de la Wayne State University.
