La langue française n'est plus si française


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    La langue française a bénéficié d’une bonne infusion de l’arabe au fil du temps dans ce qu’on appelle aujourd’hui le français contemporain.

    Avec un grand Wesh meuf !, une adolescente salue son amie dans un argot qui ferait pâlir les puristes de la langue française. C’est le genre d’expression de contre-culture qu’on entend dans les banlieues des grandes villes. Les jeunes arabes et africains ont créé une sorte de lexique alternatif à la langue française prétendument pure. Mais ce salut de Wesh meuf ! provient d’une adolescente blanche issue d’une classe aisée dans une école privée à côté de Paris. Est-ce que le français contemporain, que les puristes tentent de protéger de toutes les contaminations, a évolué dans une forme beaucoup plus radicale que ce qu’on pensait ?

    Le mot Wesh vient de l’expression Wach rak ? (Comme allez-vous) qui est issu d’un dialecte algérien. Ce type d’expression fait partie intégrante de la culture des jeunes dans les milieux urbains. Meuf est évidemment l’inverse de femme et il vient du verlan, une forme de langage qui s’est propagée dans les banlieues à partir des années 1970 ou 1980. Le Verlan est très facile puisqu’il s’agit simplement d’invertir les syllabes. Mais de nombreux termes arabes ont fait doucement leur chemin pour s’intégrer parfaitement dans la langue française au fil du temps. Certains proviennent des banlieues, mais on a également des créations provenant du rap, du hip-hop ou du cinéma. Par exemple, le mot kiffer (je kiffe ce site), vient du mot Kif qui signifie cannabis en arabe. Et l’expression Kiffer a été popularisé par le roman Kiffe Kiffe Demain de Faïza Guène. L’ambassade française à New York a même organisé un festival qui était intitulé I kiffe NY.

    D’autres mots sont présents dans la langue française depuis des années et ils sont acceptés par tous même s’ils sont d’origine étrangère. Par exemple, l’expression avoir la baraka vient du mot Baraka qui signifie bénédiction en arabe. Et cette expression signifie qu’on a de la chance. Une autre expression de rue est avoir la seum qui signifie qu’on est en colère. Seum s’inspire de sèmm qui signifie poison ou venin en arabe. D’autres mots font encore partie du noyau dur de l’argot des banlieues et leur sens difficile à saisir fait partie de leur charme. Jusqu’à une période récente, la France était très réfractaire à toute contamination de sa langue. Aujourd’hui encore, il est interdit d’utiliser des termes d’argot dans la publicité, les chansons ou l’emballage. De temps en temps, les croisés de la Langue française tentent de franciser les termes qui sont trop basanés à leur gout. Mais ces croisés ne vont pas en guerre contre l’Arabe, mais ils ont une dent très dure contre l’anglais. En 2013, l’Académie française a considéré que les termes anglais sont une réelle menace pour le français et elle a donc francisé le Hashtag par Mot-dièse, le Buzz par Ramdam, le Spam par Pourriel. Mais ils peuvent franciser autant qu’ils veulent, mais ce n’est pas l’Académie française qui dicte l’évolution de la langue. La langue est d’abord un reflet d’une population et non une chose qui est contrôlée par quelques personnes en costumes très bizarroïdes comme s’ils participaient à un Carnaval.

    Mais la langue française pure a dû mal à résister à l’évolution naturelle des expressions. Pendant le week-end de la langue française aux États-Unis, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin (native de la Corée du Sud), a déclaré que la langue française est toujours prête à accéder des mots nouveaux et étrangers. En citant Victor Hugo, elle a déclaré que le français n’est pas parfait et que l’importation et l’innovation étaient une source d’enrichissement. Désormais, les grands dictionnaires français acceptent des mots arabes ou anglais tels que le Selfie, le Caïd et la version 2014 du Petit Robert a même intégré le mot chelou qui est le Verlan de louche.

    N’en déplaise aux puristes de la langue française, les mots arabes tels qu’algèbre ou tariff font partie du français depuis le Moyen-Age. D’autres tels que Bled (village en arabe) a été introduit pendant la colonisation française de l’Algérie (1830 – 1962). Mais l’argot a été créé par la méfiance envers la signification symbolique du français (un colon). Le Verlan a été inventé comme une rébellion verbale de la colonisation française et on peut dire que c’est une forme de justice que l’ancien colonisateur doit intégrer le verlan et d’autres argots dans sa prétendue langue native, car cela implique sa défaite en tant que colonisateur et celle de son ambition de contrôler les populations de ces pays. Mais l’argot n’aime pas la légitimité à outrance et le résultat est qu’il subit de nouvelles mutations, car l’objectif de sa création est d’échapper à toute forme de contrôle et de récupération.

     

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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