Séismes au Japon et en Équateur : que s’est-il passé ?


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  • Des explications sur les séismes au Japon et en Equateur. Et oui, c’est une simple coïncidence.


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    Le pont Aso Ohashi après les séismes dans la préfecture de Kumamoto.
    Le pont Aso Ohashi après les séismes dans la préfecture de Kumamoto.

    Robin Lacassin, Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) – USPC

    Aussi étrange que cela puisse paraître pour le non spécialiste, la survenue, à quelques jours d’intervalle, des séismes au Japon et en Équateur relève, a priori, de la coïncidence. Un double évènement qui est, du reste, parfaitement en accord avec la connaissance statistique de l’histoire sismique mondiale.

    Revenons sur ce qui s’est passé. Tout d’abord au Japon

    Il s’y est produit 3 séismes importants, deux de magnitude 6.0 et 6.2 à 3 heures d’intervalle dans la soirée et la nuit du 14 au 15 avril. Un jour plus tard, le 16 avril à 1h25 en heure locale, c’est un évènement de magnitude supérieure à 7 (7 à 7.3 suivant les estimations) qui survient à une dizaine de kilomètres des deux précédents. Les épicentres de tous ces séismes étaient localisés à proximité de la ville de Kumamoto, sur l’île de Kyushu au sud du Japon. Les deux premiers sont considérés comme des séismes précurseurs (ou « foreshocks ») du choc principal de magnitude 7, ce dernier ayant mis en jeu environ dix fois plus d’énergie que ses précurseurs.

    La séquence de séismes sur l’île de Kyushu, épicentre des 3 chocs principaux et leurs répliques (séismes les plus récents en orange). USGS, Author provided

    La séquence de séismes sur l’île de Kyushu, épicentre des 3 chocs principaux et leurs répliques (séismes les plus récents en orange). USGS, Author provided

    De très nombreuses répliques ont suivi cette séquence de trois séismes destructeurs : une cinquantaine d’évènements de magnitude entre 4.5 et 6, donc fortement ressentis, et beaucoup plus de faible magnitude. Tous ces séismes se sont déclenchés à une profondeur modérée, de l’ordre de 10 kilomètres, provoquant ainsi de fortes accélérations du sol, des dégâts importants, et de nombreux glissements de terrain.

    Exemple d’un décrochement dextre à petite échelle, région du col du petit-Saint-Bernard. Jide~commonswiki/Wikipédia

    Exemple d’un décrochement dextre à petite échelle, région du col du petit-Saint-Bernard. Jide~commonswiki/Wikipédia

    Ces séismes sont la conséquence de la rupture d’une faille décrochante (le long de laquelle deux compartiments rocheux coulissent horizontalement l’un par rapport à l’autre), dextre (la région au nord-ouest de la faille s’est déplacée vers le nord-est, vers la droite, par rapport à la région au sud-est). La faille en question correspond à la terminaison sud-ouest d’une grande structure géologique, la Median Tectonic Line, qui traverse tout le Japon central et du sud-ouest. Cette zone de faille est active, décrochante. D’après les premières interprétations des données géophysiques, la séquence de séismes des 14, 15, 16 avril aurait d’abord activé une faille secondaire lors des deux chocs précurseurs.

    Ensuite, c’est la faille de Futagawa, prolongation directe de la Median Tectonic Line, qui a rompu sur une longueur d’un peu moins de 100 km avec un glissement d’environ 2 mètres sur la faille acquis de façon presque instantanée lors du séisme principal. Alors que le Japon est régulièrement affecté par les séismes géants de subduction sur la limite de plaque tectonique située au large de l’archipel (comme celui de Tōhoku en 2011 qui a déclenché la catastrophe nucléaire de Fukushima), les failles secondaires telles la Median Tectonic Line sont une menace forte car très superficielles et proches des grandes villes. Ainsi, le séisme de Kobe de 1995, qui fit 6500 victimes, s’était produit sur une faille satellite de cette grande zone de faille.

    Qu’est-il arrivé en Équateur ?

    Il y a eu rupture de la zone de subduction (c’est-à-dire la limite d’une plaque tectonique) entre les plaques Nazca (plaque océanique) et Amérique du Sud (plaque continentale). Au niveau de la côte ouest de l’Amérique du Sud, la plaque océanique de Nazca s’enfonce sous celle de l’Amérique du Sud à la vitesse moyenne de plusieurs centimètres par an. Le séisme de magnitude 7.8 du 16 avril a rompu un segment d’environ 100 km de long de l’interface entre ces plaques. Il a généré, localement, un faible tsunami (quelques dizaines de centimètres sur la côte de l’Équateur).

    L’épicentre de ce séisme équatorien correspond à une région de « lacune sismique » identifiée entre les zones de rupture des séismes historiques de 1942 (magnitude de 7.8) et de 1958 (magnitude de 7.7), assimilées aux zones de plus fortes destructions. Dans cette zone « épicentrale », le dernier grand glissement date du séisme géant de 1906, de magnitude 8.8. Cette zone accusait donc un déficit de glissement, accumulé par chargement élastique pendant un siècle, qui a pu être relâché lors du séisme du 16 avril. Ce mécanisme est bien documenté par les géophysiciens.

    Pourquoi peut-on postuler l’absence de liens entre les tremblements de terre au Japon et en Équateur ?

    Un séisme de magnitude importante peut, certes, en déclencher un autre, mais à des distances de l’ordre de quelques centaines au millier de kilomètres au maximum. Le mécanisme à l’œuvre sur ces distances est le suivant : la rupture sismique sur une faille géologique modifie les forces à son voisinage. Ceci peut amener d’autres failles à rompre, éventuellement en cascade. C’est ce qui s’est passé au Japon même, avec cette séquence de 3 séismes importants, d’abord sur une faille secondaire puis sur la faille principale de Futagawa.

    À des distances plus importantes, comme celle entre le Japon et l’Équateur, on ne connaît pas de mécanisme physique simple d’interaction ou de déclenchement.

    Quant aux éruptions volcaniques, jouent-elles un rôle dans la survenue des séismes ?

    La caldera du volcan Aso.

    La caldera du volcan Aso.

    Au Japon, le Volcan Aso, à proximité immédiate de la faille qui a rompu, est entré en éruption modérée juste après le séisme. Il est possible et même probable que l’éruption ait été déclenchée par le séisme (même type de mécanisme que pour la séquence de séismes : perturbation des contraintes par le séisme à l’échelle régionale). On peut aussi envisager le contraire : une éruption en préparation en profondeur aurait pu modifier les forces sur la faille et ainsi déclencher les séismes. Séisme et éruptions… Problème de l’œuf et de la poule !

    Concernant l’Équateur, il y a un très grand nombre de volcans très actifs aussi. Au moins deux ont été en éruption récente : Cotopaxi, Tungurahua, ce dernier en mars 2016.

    Éruption volcanique du Tungurahua

    Mais il n’y a probablement pas de lien immédiat entre ces éruptions et le séisme d’aujourd’hui. Par contre il y a un lien géologique évident : les deux sont dus au mouvement des plaques. Au niveau de la côte ouest de l’Amérique du Sud, la plaque océanique de Nazca s’enfonce sous la plaque Amérique. C’est ce phénomène tectonique de subduction qui produit à la fois les séismes de forte magnitude et le volcanisme très actif, comme sur tout le pourtour de l’Océan Pacifique, la fameuse « ceinture de feu du pacifique ».

    The Conversation

    Robin Lacassin, Directeur de recherche, Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) – USPC

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