Que la lumière soit ! Mais une particule à la fois


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  • L’avancée du photon unique pour progresser dans le développement de l’ordinateur et de l’internet quantique.


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    Représentation artistique de les sources des photons uniques, les « photon guns », présenté dans l'article Nature Photonics. Niccolo Somaschi, Author provided
    Représentation artistique de les sources des photons uniques, les « photon guns », présenté dans l'article Nature Photonics. Niccolo Somaschi, Author provided

    Niccolo Somaschi, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) and Nathan Shammah, University of Southampton

    Les photons uniques – ces particules élémentaires de la lumière – peuvent désormais être générés sur demande, ces photons étant exactement identiques. Cette avancée est une clé de voûte pour de nombreuses applications technologiques dans le domaine du quantique. Il s’agit pour les chercheurs de pouvoir dans un premier temps mener une simulation quantique, un pas en avant vers un ordinateur quantique à la puissance de calcul bien supérieure à ce que nous connaissons avec l’ordinateur classique.

    Révolution quantique

    En 1900, le physicien allemand Max Planck a étudié le problème dit du corps noir : il s’agissait de décrire, au niveau microscopique, le rayonnement émis par un corps chaud. Planck émet alors l’hypothèse que la lumière prend une forme discrète (non continue) – en d’autres termes que l’on peut la quantifier. Tout au long du XXe siècle, la mécanique quantique a formalisé ce concept. Au premier abord, il semble en contradiction avec l’idée que la lumière était une onde ; il est maintenant admis que les photons sont des particules élémentaires constituant le champ électromagnétique.

    Laser optique. Wikipédia

    Laser optique. Wikipédia

    Notre compréhension des propriétés quantiques macroscopiques de la lumière a conduit à de nombreuses innovations technologiques, des LED jusqu’au laser. Elles fondent aussi la circulation de l’information : toutes nos données numériques voyagent à travers le monde grâce à des impulsions de lumière envoyées dans des fibres optiques.

    Si l’on veut que se poursuive cette révolution technologique, les propriétés intrinsèques des systèmes quantiques doivent encore être comprises et contrôlées – afin de pouvoir exploiter toutes leurs capacités. Par exemple, citons deux propriétés majeures : la superposition quantique qui permet la coexistence physique des plusieurs états à la fois ; et l’intrication grâce à laquelle il est possible de jouer sur les corrélations instantanées entre des objets éloignés l’un de l’autre.

    Bien que ces propriétés défient notre notion intuitive de la réalité et du temps et de l’espace, elles ont été soigneusement testées et vérifiées. Dans un Internet quantique, l’information serait codée sur des bits quantiques (qubits) et ces qubits pourraient être superposés ou intriqués. Ces propriétés pourraient être mises en œuvre dans plusieurs protocoles numériques : communication sécurisée grâce à la cryptographie quantique ou réalisation d’algorithmes informatiques plus rapides.

    Les photons uniques au cœur de la technologie

    Les qubits peuvent s’appuyer sur une variété de systèmes quantiques, des atomes ou ions isolés aux circuits supraconducteurs, mais aucune de ces plates-formes pour la technologie quantique n’a encore fait l’unanimité : les recherches se poursuivent dans toutes les directions. Cependant, les propriétés spécifiques aux photons (long temps de cohérence, vitesse, de faibles pertes) en font un choix optimal en tant que « qubits volants » pour interconnecter les nœuds statiques quantiques.

    La capacité de générer, contrôler et de détecter des photons uniques est donc cruciale. Circuits optiques à faibles pertes sur une large bande spectrale, commutateurs optiques et détecteurs de photons uniques avec un excellent rendement (98 %) sont des technologies bien avancées et même prêtes pour une industrialisation. Bien plus, des expériences innovantes avec des photons uniques pour un échange d’informations quantiques sur des distances des centaines de kilomètres, ainsi qu’entre la Terre et des satellites ont été déjà effectuées.

    Cependant, la qualité des sources de photons était encore loin d’être optimale, jusqu’aux récentes avancées technologiques évoquées ici. Deux équipes de recherche indépendantes ont donc publié dans les journaux scientifiques Physical Review Letters et Nature Photonics leurs résultats à propos de dispositifs semi-conducteurs permettant de générer des flux de photons identiques sur demande avec une qualité suffisamment élevée pour être exploitée commercialement. C’est une percée majeure dans le domaine de la technologie quantique.

    Ces nouveaux dispositifs réunissent toutes les caractéristiques requises pour en faire un « canon de photons » (photon gun). Soit un composant essentiel pour la réalisation d’une future machine quantique capable de forger des algorithmes grâce aux photons uniques.

    Une source pure et brillante de particules identiques

    Mais concrètement, un « canon de photons », ça fonctionne comment ? Il doit émettre uniquement un photon à la fois, à des instants précis. La source doit également être brillante, en émettant beaucoup de photons par unité de temps et avec une probabilité égale à 1 à chaque fois. Enfin, la propriété clé pour effectuer des opérations quantiques est l’indiscernabilité des photons : ces particules devenant exactement identiques. Lorsque deux photons ou plus possèdent la même couleur, la même forme spatiale et temporelle, on dit qu’ils sont indiscernables.

    Si cette condition est satisfaite, lorsque les photons circulent dans un circuit optique et se rencontrent à une intersection, alors ils sortiront toujours ensemble dans une sortie de l’intersection. Cette interférence est une preuve de la nature quantique de la lumière. C’est aussi un outil essentiel pour la réalisation d’une nouvelle génération d’algorithmes impossibles à réaliser avec des photons discernables.

    Jusqu’à présent, le choix principal pour la mise en œuvre de sources de photons uniques était fondé sur l’utilisation de lasers atténués combinés avec des processus physiques non linéaires. Ces approches garantissent une très bonne indiscernabilité des photons, mais une faible brillance. Cela a conduit à une limite fondamentale sur le nombre de photons uniques qu’il était possible d’intriquer en même temps (huit), ainsi que sur le nombre de photons utilisée comme qubits pour la computation dans un circuit photonique (trois).

    L’importance des récents résultats tient dans les propriétés intrinsèques du système. Les sources de lumière sont en fait basées sur des boîtes quantiques semi-conductrices, objets nanométriques constitués de milliers d’atomes et qui peuvent émettre des photons uniques avec une grande efficacité. Les nouvelles sources développées permettent de générer une séquence de bits quantiques identiques sur une grande échelle temporelle. Grâce à la miniaturisation et la reproductibilité des technologies liées aux semi-conducteurs, cette nouvelle approche permettrait ainsi de loger des dizaines de sources efficaces similaires sur des centaines de micromètres carrés.

    Suprématie quantique

    La machine quantique du futur capable de calculer des algorithmes ou de traiter de l’information avec de la lumière serait idéalement alimentée par des photons uniques sur demande. Il a été démontré que des qubits optiques étaient suffisants pour alimenter n’importe quel algorithme quantique, et donc composer un ordinateur quantique universel. Mais il faudrait pour cela plusieurs milliers de qubits, ce qui, technologiquement, est ardu.

    À court terme, l’intérêt des machines quantiques réside dans leur capacité à simuler d’autres systèmes quantiques qui intéressent la recherche. Au lieu de chercher à fabriquer une machine quantique universelle tout de suite, les recherches actuelles réalisent des expériences simulant un phénomène quantique spécifique que des ordinateurs classiques ne pourraient calculer.

    The Conversation

    Niccolo Somaschi, Postdoctoral researcher – Quantum physics, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) and Nathan Shammah, PhD Student in Physics, Quantum Theory & Technology Group, University of Southampton

    This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

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