L’isolement social est en train de tuer les Américains et les Japonais


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  • L’isolement social ou l’aliénation est en train de faire des ravages parmi les Américains et les Japonais. La tendance est apparue au Japon, mais l’isolement devient aussi une préoccupation majeure aux États-Unis et d’autres pays qui ont un déséquilibre sanglant entre leur boom économique et l’abandon social des vieux.


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    L'isolement social ou l'aliénation est en train de faire des ravages parmi les Américains et les Japonais.

    L’histoire est tellement répétitive au Japon qu’on dirait presque une caricature des vieux. Une personne âgée, généralement un homme, est trouvée morte dans le lit de son appartement. Cela fait des jours, des semaines ou même des mois qu’il n’a pas eu de contact avec une autre personne. Et la découverte n’est pas le fruit d’un voisin soucieux, car en général, le voisin ne sait pas même qu’il existe. En général, c’est le propriétaire qui est un peu énervé de n’avoir pas reçu son loyer ou que c’est le voisin qui n’aime pas cette mauvaise odeur de putréfaction qui se dégage de l’autre côté du mur.

    L’avènement des Kodokushi au Japon

    Le vieux mort n’avait aucun lien avec le monde extérieur, pas de travail, pas de relation, pas de voisins ou d’enfants. Il ne prenait pas soin de sa santé, de son logement ou de ses relations. La plupart des morts en solitaire concernent des personnes qui ont une vie à l’abandon selon Taichi Yoshida, qui gère une entreprise de déménagement et qui nettoie les appartements des vieux morts. Ces personnes âgées ont perdu gout à la vie. Si une chose se casse, alors elles le laissent dans l’état, si une relation est rompue, alors elles ne les réparent pas en disant que c’est mieux comme ça.

    Ces morts solitaires sont appelées des Kodokushi. Chaque mort passe inaperçue, mais le phénomène est assez répandu pour que vous, qui ne vivez pas au Japon, le connaissiez. Le ministre de la Santé, du Travail et des aides sociales a rapporté qu’il y avait eu 3 700 morts en solitaires au Japon en 2013. Mais certains chercheurs estiment que c’est très sous-estimé puisque les vrais chiffres s’approchent des 30 000. Dans tous les cas, les cas de kodokushi sont en augmentation depuis les années 1980.

    Et cette augmentation est liée avec des changements sociaux profonds dans le pays, notamment dans la cassure de la famille traditionnelle japonaise multi-générationnelle. En 1960, 80 % des vieux Japonais vivaient avec un enfant et depuis, ce nombre a diminué de moitié. Combiné avec le vieillissement de la population qui nous donne une personne sur cinq qui fait plus de 65 ans, le nombre des vieux seuls va crever le plafond en 2030 avec une marginalisation extrême. 25 % des Japonaises et Japonais âgés de plus de 60 ans n’ont personne en cas de difficultés. C’est comme un microcosme de la société vieillissante au Japon selon un responsable du gouvernement japonais. Personne ne l’avait prédit il y a une décennie.

    Le marasme économique des 25 dernières années est aussi un facteur. De nombreux hommes ont perdu leurs emplois les forçant à une retraite anticipée ou en faisant face à des problèmes financiers augmentant leur dépression sociale et leur isolement. Et l’économie a créé l’un des plus gros effets pervers au Japon. Quand l’économie était en plein boom, de nombreux Japonais se sont consacrés corps et âme au travail en négligeant les relations et leurs enfants. Et quand leurs emplois ont été supprimés, alors ils ont tout perdu du jour au lendemain. Leur monde s’est évaporé sous leurs pieds selon Scott North, un sociologue de l’université d’Osaka qui étudie le mode de vie au Japon. L’entreprise représentait tout pour ces hommes. Leur virilité, leur position sociale et leur individualité ont été complètement corrompues par l’acide de la structure des entreprises.

    Sur de nombreux plans, le kodokushi est une caractéristique japonaise. Il affecte une société qui subit un changement familial drastique combiné avec une crise économique sans précédent. Cela provoque un isolement social monstrueux qui est perverti par le Gaman, l’idéal de souffrir en silence sans jamais se plaindre. Les lèvres plissées par le stress sont la seule expression autorisée. Et la société japonaise a toujours rejeté les solutions américaines avec la médicalisation des maladies mentales et des troubles de l’humeur. Il a fallu des décennies pour que certains Japonais assistent à leur première thérapie ou prennent des antidépresseurs.

    Les blancs disparaissent à toute vitesse aux États-Unis

    Mais l’augmentation des morts désespérées n’est plus unique au Japon. En novembre 2015, Angus Deaton, prix Nobel d’économie et Anne Case ont rapporté un inversement dans l’une des tendances les plus fiables et les plus rassurantes dans la santé publique américaine : Une grande majorité des Américains mourraient plus vite que les prévisions. Deaton et Case, une paire d’économistes de Princeton qui sont aussi mariés, ont découvert que la mortalité pour les blancs de 45 à 54 ans, sans une éducation supérieure, avait augmenté de manière dramatique de 1999 à 2013. Et cette augmentation contredit tous les précédents historiques et elle contraste avec des diminutions des morts chez les noirs et les hispaniques aux États-Unis et même dans d’autres pays. On a 500 000 personnes qui sont mortes alors qu’elles ne devraient pas l’être selon Deaton au Washington Post, soit 40 fois supérieures aux morts provoquées par l’Ebola. On arrive à égalité avec les morts provoqués par le VIH/SIDA. Et cette tendance est tellement hors-norme que lorsque Deaton a présenté leurs résultats aux démographes, la première réponse de ces derniers était que c’était forcément une erreur. Cela ne peut pas être vrai.

    Et le rapport de Deaton et de Case a été suivi par un autre qui est arrivé aux mêmes conclusions. Le New York Time a analysé 60 millions de certificats de décès collecté par le CDC et il a découvert que le taux de mortalité des blancs de 25 à 54 ans a augmenté depuis 1999 sur tout le territoire américain comparé aux zones limitées qui ont été étudiées par Deaton et Case. L’étude a trouvé que la mortalité accélérait à toute vitesse chez les femmes blanches.

    Mais pourquoi les blancs meurent-ils à toute vitesse ? L’alcool, la drogue et le suicide sont les principaux critères selon Deaton. La drogue inclut l’héroïne, mais également des analgésiques opioides tels que l’oxycodone. Mais derrière l’abus épidémique de drogue, on a le stress économique, la faillite personnelle et une communauté faible ainsi que des liens sociaux quasi inexistants. Sur les indicateurs économiques et sociaux, le niveau des blancs d’âge mûr descend à toute vitesse au 21e siècle selon les auteurs d’une autre étude qui propose une conclusion similaire. La santé décline et le taux de mortalité dévaste les blancs qui sont moins éduqués. Le manque d’éducation supérieure les déconnecte de l’économie dominante, baisse les niveaux de connexion sociale, affaiblit les institutions communales avec une fracture de la société dans les lignes géographiques et culturelles.

    Et si on la regarde de cette manière, la crise américaine est proche de celle du Japon. Les gens dans chacun de ces pays font face à des défis économiques qu’ils ne peuvent pas gérer. Malgré l’abandon de la société, les vieux tentent de s’adapter. Mais l’égoïsme de notre société fait que nous découvrons leur désespoir très longtemps après qu’ils soient morts.

     

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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