La flamme vacillante et inégalitaire des Jeux olympiques
Paris va organiser les Jeux olympiques d’été de 2024 et Los Angeles a été choisi pour organiser l’édition de 2028. Mais la réduction croissante des villes candidates pour les Jeux olympiques montre une crise croissante, notamment avec les pratiques du Comité international olympique, mais également le cout monstrueux de ces jeux pour la population pour des bénéfices quasi inexistants.
Suivez-nous sur notre page Facebook et notre canal Telegram
C’est officiel, nous connaissons les 2 villes qui vont accueillir les 2 prochains Jeux olympiques. Ce sera Paris en 2024 et Los Angeles en 2028. Ça ressemble à une victoire pour le Comité international olympique, car on éviterait les milliers de gradins vides et l’eau sale à Rio, les surcouts monstrueux à Sochi et les moments politiques compliqués à Pékin.1 2 3 4 Mais cette annonce cache également un échec.5 Seules 2 villes se sont battues pour les Jeux olympiques d’été de 2024 avec Paris et Los Angeles et on en a également 2 pour les Jeux olympiques d’hiver avec Pékin et Almaty qui est au Kazakhstan. J’étudie les Jeux olympiques depuis des années et cette réduction des villes candidates est un autre signe que les Jeux olympiques connaissent une grande crise.6
Sommaire
Le Business juteux des Jeux olympiques
Le COI possède la franchise des Jeux olympiques qu’il va licencier aux villes organisatrices. Le COI privilégie le modèle actuel de la compétition entre des villes candidates pour la simple raison que cela renforce son pouvoir. Le COI garde le contrôle sur les jeux, empoche les revenus des droits de diffusion et les sponsors, mais il n’est pas responsable d’héberger et de payer les jeux. Cela signifie que la perte du Comité international olympique en cas d’échec est minimale. Il fournit moins de 13 % des couts directs des jeux.7 C’est un contrat juteux pour le COI, mais le gout devient très amer pour les villes qui organisent l’événement.
Les Jeux olympiques coutent beaucoup d’argent et les surcouts sont endémiques.8 Le délai serré pour organiser les jeux provoque automatiquement des surcouts, des accords de complaisance et de la corruption. Et les couts de la sécurité augmentent de plus en plus.9 Dans l’une des analyses les plus complètes, les économistes Robert Baade et Victor Matheson ont évalué les couts pour organiser les Jeux olympiques.10
Pour la dépense, ils ont inclus l’infrastructure générale, les infrastructures propres aux sports et les couts de maintenance pour abriter les jeux. Les gains ont inclus la dépense touristique pendant les jeux, “l’héritage olympique” qui peut inclure les améliorations de l’infrastructure et de l’augmentation du commerce, l’investissement étranger ou le tourisme sur le long terme après les jeux. On peut également citer une sorte de fierté personnelle pour les habitants qui ont organisé des Jeux olympiques.
Les chercheurs ont conclu que les Jeux olympiques sont une perte d’argent quasi systématique pour les villes organisatrices, car les gains positifs se produisent uniquement dans des circonstances inhabituelles et très spécifiques. Et leurs conclusions ont été confirmées par d’autres études.11 12 Par exemple, une étude a découvert que l’organisation des Jeux olympiques de 2000 à Sydney a provoqué une perte nette de 1,7 milliard de dollars pour l’économie australienne.13 De plus, l’organisation des Jeux olympiques n’augmente pas les exportations commerciales, car il suffit d’être candidat.14 En effet, les exportations ont également augmenté dans les villes qui se sont portées candidates, mais qui ont perdu. Une étude a découvert qu’il n’est pas nécessaire d’organiser les JO, car le simple fait d’être candidat envoie un message aux investisseurs que la ville est ouverte pour le commerce international.15
La capture de l’événement
Mais qui gagne le plus quand une ville organise les Jeux olympiques ? Les bénéficiaires les plus directs sont les régimes politiques et les élites économiques qui gèrent la ville, car ils ont l’opportunité de refaçonner l’image de la ville dans une période de compétition globale. Sur le plan financier, le secteur du bâtiment est clairement le grand vainqueur ainsi que les entreprises d’aménagement avec les contrats associés avec l’investissement direct des Jeux olympiques, l’hébergement et les investissements indirects.
Mais il y a des couts pour une ville qui abrite les Jeux olympiques. L’organisation des jeux va supprimer les autres investissements, notamment le bien-être social et elle déplacent souvent les résidents à faible revenu et elle augmente le prix des loyers et des propriétés immobilières.16 Les Jeux olympiques sont un exemple classique de la privatisation des bénéfices et de la socialisation des couts. Les principaux bénéfices tels que la dépense sur le développement immobilier sont captés par les plus riches. De mon point de vue, nous avons besoin de remplacer la notion d’une ville qui gagne les Jeux par le fait que les Jeux olympiques capturent une ville.17
La capture de l’événement se base sur 4 formes. En premier lieu, il y a la capture de l’infrastructure où l’infrastructure de la ville est construite et reconstruite autour des besoins particuliers d’un événement inhabituel de 2 semaines.18 Ensuite, on a la capture financière dans laquelle l’argent public est dévolu pour financer les jeux directement ou indirectement. Il y a aussi les couts associés avec les autres projets qui sont annulés pour donner la priorité aux jeux et en général, les programmes sociaux sont sacrifiés.
En troisième position, on a la capture légale quand on vote de nouvelles lois. On limite les droits des citoyens pour garantir la rentabilité et la sécurité des jeux. Un certain nombre d’études ont pointé sur l’augmentation de la surveillance et des contrôles de sécurité pendant les jeux.19 Une étude à Sydney a montré que des lois votées spécifiquement pour les jeux de 2000 ont augmenté considérablement les pouvoirs de la police longtemps après la fin des Jeux olympiques.20 Enfin, on a la capture politique où les règles normales de transparence et de compatibilité sont mises de côté et érodées par des organisations non élues comme le COI.
La non-participation croissante des villes aux Jeux olympiques
À cause de tous ces facteurs négatifs, il y a une résistance croissante des villes et des communautés à organiser les Jeux olympiques. Pour les Jeux olympiques d’hiver de 2022, on n’avait que 2 villes avec Pékin et Almaty au Kazakhstan, car Stockholm (Suède), Cracovie (Pologne) et Oslo (Norvège) ont retiré leurs candidatures à cause du manque de support du public.
La candidature pour les Jeux olympiques d’été de 2024 a eu son lot de défections. En 2015, le maire de Toronto a décidé de ne pas mettre la ville comme un candidat potentiel même après que le Comité canadien olympique avait soutenu la candidature. Boston, Budapest et Hambourg ont également retiré leurs billes augmentant l’espoir des résistants croissants contre les Jeux olympiques dans le monde.
Paris et Los Angeles étaient les seuls candidats sérieux après que Virginia Raggi, la maire de Rome a annoncé publiquement que la ville ne veut plus être une candidate.21 Certains plaident pour un site permanent pour les Jeux olympiques d’été et une rotation limitée pour les jeux d’hiver pour réduire les impacts environnementaux.22 D’autres plaident pour une décentralisation sur des sites multiples.23
Ainsi, on a l’impression que le Comité international olympique a davantage besoin de Los Angeles et de Paris pour organiser les jeux que le contraire. Les deux villes n’ont pas besoin des jeux pour améliorer leur réputation dans le monde entier. Il n’y aura pas d’amélioration de la réputation et ces 2 villes pourraient même en pâtir en organisant les jeux. Il y aura toujours des millions de gens qui iront visiter Los Angeles ou Paris qu’il y ait des jeux ou non.
Dans les villes qui ont organisé les Jeux olympiques dans le passé, on voit un héritage d’un cout exorbitant qui est à l’abandon. Certains bienfaits, comme des routes ou des aéroports reconstruits, auraient été possibles sans les jeux en étant bien plus abordables. En fait, l’organisation des Jeux olympiques est une distraction longue et couteuse pour avoir une ville plus juste et plus efficace dans les secteurs les plus sensibles pour la population.
Traduction d’un article de The Conversation par John Rennie Short, professeur de politique publique à l’université du Maryland.