Silicon Valley Community Foundation : L’exemple d’une oeuvre caritative obsédée par la croissance
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Les récentes révélations de la Silicon Valley Community Foundation, sur sa culture toxique de l’environnement de travail et du harcèlement, montre les problèmes des œuvres caritatives quand elles deviennent obsédées par la croissance.
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Une obsession de la croissance.1 L’incapacité à intervenir lorsqu’un dirigeant harcèle sexuellement le personnel.2 Un taux de roulement élevé et un épuisement professionnel des employés.3
Ce n’est pas l’intrigue d’un de ces films dramatisant la cupidité de Wall Street. C’est en fait un échantillon des dysfonctionnements signalés à la Silicon Valley Community Foundation, l’une des plus grandes associations caritatives du pays. En tant que chercheur qui étudie les finances des organismes de bienfaisance et leurs bailleurs de fonds, je considère que la culture de la fondation est extrême. Mais je trouve aussi que c’est une mise en garde pour tous les organismes de bienfaisance.
Sommaire
La naissance d’un géant dans l’oeuvre caritative
La Silicon Valley Community Foundation a été créée en 2007 lors de la fusion de deux plus petites associations caritatives de Californie du Nord.4 En tant que fondation communautaire, son rôle est de regrouper les ressources au profit de la région environnante.5 Immédiatement après sa fusion, la Silicon Valley Community Foundation détenait 1,5 milliard de dollars d’actifs.6 En l’espace d’une décennie, l’organisation a décollé pour devenir la plus grande fondation communautaire d’Amérique et l’une des plus grandes associations caritatives du pays. Elle détenait plus de 13,5 milliards de dollars à la fin de 2017, une année au cours de laquelle elle a versé 1,3 milliard de dollars à des organismes sans but lucratif.7
Des dons massifs de Mark Zuckerberg, cofondateur de Facebook, de Jan Koum, co-fondateur de WhatsApp, de Jeff Skoll, pionnier d’eBay et d’autres titans de la technologie ont alimenté cette croissance fulgurante.8 Plus de 90 % de l’argent de l’organisation était stocké sous la forme de fonds par les donateurs, qui fonctionnent dans la pratique comme des comptes d’épargne de charité.9 10
L’une des raisons de la croissance de cette fondation concernait les priorités caritatives de ses bailleurs de fonds. Ces derniers ont exigé l’abandon des interventions locales.11 Les fondations communautaires, comme leur nom l’indique, existent pour répondre aux besoins de leur communauté locale. Mais le PDG fondateur de la Silicon Valley Community Foundation, Emmett Carson, pensait que son équipe grandirait davantage si elle pouvait mettre l’accent à la fois sur les intérêts philanthropiques locaux et mondiaux.12 13 14
Pour encourager les donateurs de la Silicon Valley à canaliser tous leurs dons à travers ses coffres, la fondation propose d’aider à la distribution mondiale des fonds. Elle facilite des subventions pour tout allant d’une banque alimentaire sud-africaine à une initiative d’écriture créative irlandaise.15 16 Seul un tiers de l’argent, que la fondation a donné à but non lucratif en 2017, a soutenu des groupes locaux basés dans 9 comtés voisins.7 Et pour élargir sa base de donateurs, la fondation maintient 4 bureaux en Californie et 1 à Manhattan.
En mission de croissance
Comme Marc Gunther et Megan O’Neil l’ont expliqué pour la première fois dans The Chronicle of Philanthropy en avril 2018, la culture de la Silicon Valley Community Foundation, qui valorisait la croissance par-dessus tout, avait des conséquences destructrices.2 Carson, ont-ils allégué, a ignoré des exemples répétés de comportement abusif de la part de Mari Ellen Loijens, la principale responsable de la collecte de fonds de l’organisation, qui rapporte 8,3 milliards de dollars.17
Loijens a démissionné peu après la publication de cet article accablant.18 Le conseil d’administration de la fondation a mis Carson en congé payé et il a embauché le cabinet d’avocats Boies Schiller Flexner pour examiner les accusations. Le rapport, publié fin juin, a confirmé plusieurs d’entre eux, provoquant la démission de Carson.19
Le rapport Boies Schiller Flexner a mis en évidence une obsession institutionnelle de la croissance.20 Bien que le comportement abusif puisse survenir dans n’importe quel environnement de travail, cette fondation l’a normalisé selon d’anciens employés comme Rebecca Dupras, qui a déclaré avoir vécu un comportement inapproprié, hostile et dépréciant de la part de son patron pendant près de trois ans.21
Même la déclaration de la démission de Carson a mis l’accent sur la croissance sous sa direction plus que ses regrets sur les problèmes de personnel qui ont conduit à son éviction.22 Bien qu’il ait mis l’accent sur les chiffres financiers, il n’a fait aucune mention sur le nombre de personnes qui ont été financées grâce aux dons de la fondation. C’est-à-dire que seuls les chiffres comptent et non les personnes qui sont réellement aidées par les fonds.
Quand les organismes de bienfaisance perdent leur objectif
L’ampleur des malheurs de la Silicon Valley Community Foundation est extrême, mais je ne crois pas que la mentalité de croissance qui les nourrit soit si loin de la norme. D’une part, les fonds conseillés par les donateurs, y compris ceux détenus par les organismes de bienfaisance affiliés à des sociétés d’investissement comme Fidelity et Schwab et ceux qui sont stationnés dans des fondations communautaires, constituent le segment du monde caritatif qui connaît la croissance la plus rapide.23 24
D’autre part, de nombreux dirigeants à but non lucratif ont accepté l’idée que les organismes de bienfaisance devraient se comporter davantage comme des entreprises.25 À mon avis, la mentalité des organismes à but non lucratif est illustrée par le TED Talk de Dan Pallotta, vu par près de 4,5 millions de fois, en ce qui concerne les avantages qu’il voit à libérer les organismes sans but lucratif des chaînes de la frugalité.26
D’autres oeuvres caritatives ont eu des ennuis sur leurs cultures manifestement peu charitables. Par exemple, le projet Wounded Warrior. Après que les médias ont rapporté des gaspillages généralisés en mettant l’accent sur les revenus, cette grande charité des anciens combattants a fait face à une réaction publique et à une enquête du Sénat qui a entraîné un déclin temporaire des dons.27 28
La croissance financière n’est qu’un moyen d’atteindre une fin plus noble pour le secteur caritatif. Mais si la mentalité de croissance par dessus de tout continue à se répandre, elle érodera sûrement la confiance du public dans les fondations et les organismes sans but lucratif.
Traduction d’un article de The Conversation par Brian Mittendorf du Département de comptabilité et de gestion de l’Ohio State University.
