Les plus pauvres de Madagascar supportent les couts de la protection des forêts tropicales


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  • Malgré les intentions louables pour protéger les forêts tropicales, une étude montre que ce sont les plus pauvres qui payent le cout le plus élevé. Ainsi dans l’indemnisation des populations locales pour protéger les forêts tropicales, les plus pauvres perdent au change.


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    Rina Mandimbiniaina, une co-auteure de l'étude, collectant des données d'une interview - Crédit : S. Rakotonarivo
    Rina Mandimbiniaina, une co-auteure de l'étude, collectant des données d'une interview - Crédit : S. Rakotonarivo

    On ne doit pas promouvoir les objectifs mondiaux de conservation au détriment des pauvres dans le monde. Ce principe est universellement accepté, mais la première étude, qui avait pour but d’évaluer une politique visant à indemniser les populations locales en compensation des coûts de la conservation a révélé que, malgré de bonnes intentions, les pauvres perdent considérablement au change.1

    Le programme REDD+ ou la protection des forêts tropicales

    Les forêts tropicales sont importantes pour tout le monde sur la planète. En plus d’abriter une biodiversité rare et fascinante (comme les lémuriens de Madagascar), les forêts tropicales séquestrent d’énormes quantités de carbone contribuant à stabiliser notre climat. Cependant, les forêts tropicales abritent également des centaines de milliers de personnes dont les vies peuvent être affectées par les politiques de conservation internationales.

    La biodiversité des forêts tropicales de Madagascar - Crédit : D. Bower

    La biodiversité des forêts tropicales de Madagascar – Crédit : D. Bower

    Les bailleurs multilatéraux tels que la Banque mondiale ont pris des engagements clairs selon lesquels ceux qui subissent les effets négatifs de leurs projets devraient être indemnisés. Cela concerne les populations qui sont affectées par des projets de conservation comme ceux qui sont destinés à ralentir le changement climatique en empêchant la déforestation tropicale (un système connu sous le nom de REDD+ ou Réduction des émissions due à la déforestation et à la dégradation des forêts). Les chercheurs ont, pour la première fois, étudié en profondeur un tel système d’indemnisation et ils ont révélé ses nombreuses lacunes.

    Des pertes de 85 % des revenus pour plus de 27 000 personnes

    Les chercheurs de l’Université de Bangor au Royaume-Uni et de l’Université d’Antananarivo à Madagascar ont examiné une nouvelle aire protégée et un projet pilote REDD+ dans les forêts humides de l’est de Madagascar appelé le Coridor Ankeniheny Zahamena (ou CAZ). Ce projet de conservation préserve une biodiversité très médiatisée (y compris l’Indri, le plus grand lémurien au monde), mais une grande partie des raisons qui justifient la protection de la zone est l’atténuation du climat avec la capture du carbone pour lutter contre le changement climatique.

    Dans leur papier, les chercheurs montrent que les nouvelles restrictions dues à la conservation entraînent des coûts très importants pour les populations locales (représentant jusqu’à 85 % des revenus annuels locaux). Une compensation, sous la forme d’une aide à l’amélioration de l’agriculture, a été offerte à un petit sous-groupe de personnes. Cependant, l’étude estime qu’aucune d’entre elles n’a été entièrement compensée. Les chercheurs estiment que 27 000 personnes ont été touchées négativement par le projet de conservation. Ce sont des gens extrêmement pauvres à tout point de vue.

    Des arrestations dans des conditions déplorables

    Le coût de la conservation est réel, comme l’explique le Dr Sarobidy Rakotonarivo, un chercheur malgache impliqué dans la recherche : Ceux qui défrichent la terre pour l’agriculture sont souvent ceux qui souffrent le plus d’insécurité alimentaire. Au-delà des coûts économiques liés au fait de ne pas pouvoir produire de la nourriture pour nourrir leur famille, les populations locales souffrent de la mise en application de la conservation. J’ai reçu des informations de première main concernant des personnes arrêtées et détenues dans des conditions déplorables pour la culture en jachère forestière et ce sont des terres pour lesquelles ils estiment posséder des droits ancestraux. Dans un pays où les conditions de détention sont inhumaines, cela montre à quel point les gens sont désespérés.

    Rina Mandimbiniaina, co-auteur, qui interviewe un fermier en bordure des forêts tropicales de Madagascar - Crédit : JPG Jones

    Rina Mandimbiniaina, co-auteur, qui interviewe un fermier en bordure des forêts tropicales de Madagascar – Crédit : JPG Jones

    La compensation offerte par les bailleurs l’était sous forme de soutien au développement agricole. Bien que de nombreuses personnes aient apprécié ce soutien, trop peu de personnes l’ont reçu et ceux qui l’ont reçu n’étaient pas vraiment les plus nécessiteux et la valeur du soutien était très faible par rapport aux coûts de la conservation.

    L’indemnisation des populations locales est insignifiante

    La professeure Julia Jones, l’une des chercheuses, suggère qu’une compensation appropriée et efficace devrait être abordable. Alors que nos résultats montrent que les politiques, qui promettent de compenser les communautés pour le coût de la conservation ne sont pas remplies, ce n’est pas un cas de corruption. L’argent n’a pas disparu. La vérité est que le monde ne paie pas assez pour garantir que les populations locales pauvres soient correctement indemnisées. Nous montrons que si les pays riches étaient prêts à payer l’intégralité du coût social du carbone, une compensation adéquate pourrait être envisagée.

    Les conclusions ont été basées sur des entretiens approfondis avec un échantillon de 603 personnes issues de plusieurs communautés sur une période de plus de 2 ans. Le travail sur le terrain était très intensif et les ménages ont été visités jusqu’à trois fois au cours de l’étude. Les chercheurs soulignent que l’exclusion des populations locales des zones protégées peut créer d’autres problèmes. En plus d’être injustes pour l’environnement, les pertes non compensées peuvent provoquer des antagonismes entre les défenseurs de l’environnement et les populations locales. La coopération est vitale pour une gestion réussie des aires protégées à long terme.

    La professeure Jones ajoute : Ce sont des résultats difficiles à présenter. Je crois fermement que la protection des forêts tropicales humides de Madagascar est extrêmement importante (pour Madagascar et pour le monde) et que nous connaissons beaucoup de personnes dévouées et extrêmement travailleuses qui travaillent dans la protection de l’environnement à Madagascar. Ce n’est pas une critique contre eux. Mais si la communauté internationale sous-paye le coût réel de la conservation, alors le monde des riches profite des habitants des forêts extrêmement pauvres, car ces riches récoltent tous les avantages tandis que ce sont les pauvres qui en payent le cout.

    Sources

    1.
    Who bears the cost of forest conservation? Peerj. 10.7717/peerj.5106″ target=”_blank” rel=”noopener noreferrer”>http://dx.doi.org/10.7717/peerj.5106. Published July 4, 2018. Accessed July 4, 2018.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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