Le problème de Gettier et la théorie de la connaissance


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  • Le philosophe allemand Edmund Gettier a posé des problèmes qui montrent des failles sur notre manière de définir la connaissance. Connus comme le problème de Gettier, ses exemples montrent qu’il est difficile de dire que nous connaissons quelque chose.


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    Le philosophe allemand Edmund Gettier a posé des problèmes qui montrent des failles sur notre manière de définir la connaissance. Connus comme le problème de Gettier, ses exemples montrent qu'il est difficile de dire que nous connaissons quelque chose.

    Dans les années 1960, Edmund Gettier, philosophe allemand, a créé une expérience connue comme le cas de Gettier. Il souligne la manière dont nous comprenons la connaissance. Les tests sont connus comme le problème de Gettier et 50 ans plus tard, les philosophes n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord dessus. Pour Jennifer Nagel, philosophe à l’université de Toronto, l’attirance du problème de Gettier suggère qu’il est difficile sinon impossible de développer une théorie explicite de la connaissance.

    Mais qu’est-ce que la connaissance ? Depuis des milliers d’années, les penseurs s’accordaient sur une définition. La connaissance est une croyance vraie et justifiée. Le raisonnement semble solide. Ce n’est pas parce que vous croyez en quelque chose qu’elle va devenir vraie. Si votre ami vous dit qu’il sait ce que vous avez mangé la nuit dernière, par exemple, une pizza végétarienne et qu’il tombe juste, alors cela ne signifie pas qu’il le savait. Il a uniquement eu de la chance. Mais si votre ami vous dit que c’était une pizza végétarienne parce qu’il vous a vu en train de la manger, alors c’est une croyance vraie et justifiée. La partie justifiée vient de la preuve oculaire.

    Le problème de Gettier est célèbre parce qu’il montre la défaillance de la définition intuitive de la connaissance via des exemples de petites histoires. Son papier de 1963 intitulé Is Justified True Belief Knowledge ressemble à un devoir d’école.1 Il fait uniquement 3 pages, mais c’était suffisant pour révolutionner l’épistémologie, la discipline de la théorie de la connaissance. Gettier a proposé ces petites histoires, mais il y a d’autres philosophes qui ont proposé leur propre variante. Par exemple, celle-ci est de Scott Sturgeon, philosophe à l’université de Birmingham :

    Supposons que je cambriole votre maison et que je trouve 2 bouteilles de bière dans la cuisine. Je les bois et je les remplace. Vous vous souvenez d’avoir acheté ces 2 bières et vous croyez que 2 bières vous attendent chez vous. Votre croyance est vraie et justifiée, mais vous ne savez pas ce qui s’est passé.2

    Est-ce qu’il est étrange de dire que vous voulez savoir qu’il y a 2 bières dans votre frigo ? Vous êtes certain qu’elles sont présentes. Mais la seule raison est que le cambrioleur a changé d’avis. Vous savez qu’elles sont là parce que vous les avez mis. Vous avez raison sur le fait qu’il y a 2 bières dans le frigo et vous avez aussi raison sur le fait qu’elles seront toujours là quand vous allez revenir. Mais votre croyance vraie et justifiée n’est-elle pas simplement de la chance ? Est-ce que la chance est une connaissance dans une croyance vraie et justifiée ?

    Un autre exemple par le philosophe John Turri :

    Mary entre dans la maison et regarde dans le salon. Une apparence familière la salue qui est assise sur le fauteur de son mari. Elle pense : Mon mari est assis dans le salon et elle entre dans la pièce. Mais Mary a mal identifié l’homme sur la chaise. Ce n’est pas son mari, mais son frère qui ne devait pas même se trouver dans le pays. Cependant, son mari était assis sur une autre chaise en face du salon en dehors de la vision de Mary.3

    L’élément de la chance est de nouveau flagrant. Est-ce que Mary sait que son mari est assis dans le salon ? Elle croit que c’est le cas et c’est donc, on a une justification vérifiée. Mais comme avec les bières, ce n’est pas totalement justifié. Le problème de Gettier nous défie de diagnostiquer la raison de l’ignorance des sujets de Gettier selon Turri. De nombreux philosophes estiment que la résolution de cette ignorance va nous mener à la bonne théorie de la connaissance.

    Si la connaissance n’est pas une croyance vraie et justifiée, alors qu’est-ce que c’est ? Quelques années après le 50e anniversaire de la publication de l’énigme de Gettier, des philosophes et des psychologues pensent qu’il est stupide de répondre à cette question. Pour Allan Hazlett, philosophe à l’université du Nouveau-Mexique, la solution au problème de Gettier est juste une perte tragique de temps et d’effort dans la philosophie. Mais Duncan Pritchard, philosophe à l’université d’Edinburgh estime au contraire que ce problème est plus d’actualité que jamais.

    Inspiré par le problème de Gettier, Pritchard propose sa propre définition de la connaissance. Dans un papier de 2012, il explique pourquoi vous ignorez la présence des bières dans le frigo même si votre croyance est vraie et justifiée.4 Le point important selon Pritchard est de remarquer qu’il y a 2 intuitions maitresses distinctes concernant la connaissance qui semblent être les 2 faces d’une seule intuition. La première est l’intuition anti-chance (votre croyance vraie que Pritchard considère comme un succès cognitif et qui n’est pas suffisamment chanceuse pour être considéré comme de la connaissance). La seconde est l’intuition de capacité (votre croyance vraie doit être un produit de votre capacité cognitive). Mais certains doutent de l’utilité de sonder les intuitions comme le fait Pritchard. Nagel estime que cette approche est inutile. L’intuition épistémologique n’est pas infaillible selon Nagel dans un papier de 2013.5 Mais actuellement, elle est suffisamment fiable pour qu’elle continue à servir sa fonction traditionnelle de fournir des preuves sur la théorie de la connaissance.

    Comment garantir que le succès cognitif de quelqu’un n’est pas dû la chance ? Intuitivement, on peut dire que c’est le produit de la capacité cognitive de cette personne selon Pritchard. Dans la mesure où le succès cognitif est le produit de sa capacité cognitive, alors on pourrait dire que cette approche peut nous protéger contre celle qui implique la chance. Mais c’est une méthode de réflexion défaillante si on regarde le problème de Temp dans le cas de Gettier.

    Temp forme ses croyances sur la température d’une pièce en consultant un thermomètre. Ses croyances sont hautement fiables, car la formation de ses croyances sera toujours correcte. De plus, il n’a aucune raison de penser quelqu’un s’amuse avec son thermomètre. Mais imaginez que le thermomètre soit défectueux et qu’il donne des températures de manière aléatoire. De plus, il y a une autre personne, cachée dans la pièce, qui s’assure de mettre le thermomètre à la bonne température à chaque fois que Temp le consulte.

    La vraie croyance de Temp, sur la température actuelle, n’est pas chanceuse. Il a raison parce quelqu’un lui donne la bonne température. Pour Pritchard, les croyances de Temp sont fausses parce qu’elles montrent une mauvaise direction qui s’adapte aux faits alors que la formation de ces croyances sera toujours vraie. Les capacités et le succès cognitifs de Temp n’ont rien à avoir avec l’entité externe qui modifie la température. De ce fait, le succès cognitif de Temp n’est pas le produit de sa capacité cognitive, mais ce n’est pas de la chance.

    Donc pour que vos capacités cognitives produisent une croyance qui est vraie et qui est fiable selon vos propres capacités, alors ces croyances doivent être “sûres“. La sécurité est que vos croyances ne peuvent pas être facilement faussés. Dans le cas de Temp, ses croyances sont vraies, justifiées et sécurisées. La sécurité vient du fait que le mec caché va toujours lui donner une température. On peut également imaginer une machine qui donne la bonne température. Cela ressemble à l’hypothèse couteuse. Mais on peut dire que les problèmes de la bière et de Mary ne sont pas sécurisés. Le cambrioleur n’aurait pas pu remplacer facilement la bière (les probabilités qu’il le fasse sont trop faibles) et le mari de Mary aurait pu être facilement dans une autre pièce.

    Pour illustrer cet exemple assez abstrait, Pritchard nous invite à penser au succès d’un archer. La connaissance est un accomplissement qui est similaire au fait de tirer dans la cible. Vous l’avez fait et ce n’est pas de la chance. Mais un archer qui atteint sa cible tout en manquant les capacités nécessaires n’a pas fait d’accomplissement. De plus, il est vital que le succès de l’archer dépende de ses capacités. Un archer peut être talentueux, mais s’il atteint sa cible uniquement à cause de facteurs externes comme le vent, alors ce n’est pas un accomplissement même si le succès et les capacités sont présents. Le succès doit être uniquement expliqué selon la capacité personnelle de l’individu.

    Le succès ne peut pas être un accomplissement tant que vous ne l’avez pas fait. Et c’est la même chose pour la connaissance. Ce n’est pas de la connaissance tant que vous n’êtes pas responsable de cette connaissance. Cela n’implique pas que vous devrez tout redécouvrir de zéro, car cela exclurait la possibilité d’acquérir de la connaissance provenant des livres. Le problème de Gettier est un sacré casse-tête dans la philosophie. Edmund Gettier est encore vivant. Il va sur ses 89 ans et il n’a jamais publié rien d’autre que son fameux papier de 1963. Et quand on lui pose la question, sa réponse est aussi énigmatique que ses problèmes : Je n’ai plus rien à dire.

    Un podcast sur Youtube sur le problème de Gettier :

    Sources

    1.
    Edmund G. Is Justified True Belief Knowledge? Ditext. http://www.ditext.com/gettier/gettier.html. Consulté le novembre 20, 2016.
    2.
    Sturgeon S. The Gettier Problem. Analysis. 1993;53(3):156. doi: 10.2307/3328464
    3.
    John T. Manifest Failure: The Gettier Problem Solved. Quod.lib.umich.edu/. http://quod.lib.umich.edu/cgi/p/pod/dod-idx?c=phimp;idno=3521354.0011.008. Published avril 2011. Consulté le novembre 20, 2016. [Source]
    4.
    DUNCAN P. Anti-Luck Virtue Epistemology. Journal of Philosophy. http://www.research.ed.ac.uk/portal/files/9347259/PRITCHARD_2012_Anti_luck_virtue_epistemology.pdf. Published 2012. Consulté le novembre 20, 2016.
    5.
    Kenneth B, Jennifer N. The Reliability of Epistemic Intuitions. Current Controversies in Experimental Philosophy. http://fitelson.org/prosem/boyd_nagel.pdf. Published 5 juillet 2013. Consulté le novembre 20, 2016.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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