La caverne d’Aristote – Le déclin


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  • Extrait de la nouvelle “La caverne d’Aristote” de mon livre “Le Déclin“.


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    Extrait de la nouvelle "La caverne d'Aristote" de mon livre "Le Déclin".

    Il se rendormit et se réveilla. La lumière du jour filtrait par la fenêtre. 6 heures du matin. Temps de se lever, temps d’amorcer la mécanique quotidienne de l’inflammation capitaliste. Communiste dans l’âme, travailleur dans l’ombre et chômeur à temps à plein depuis bien des années. Il mit ses dentiers, dents ravagées par du bourrage d’antibiotiques quand il était une jeune pousse, qui aspirait à traiter la lumière de la chlorophylle pour devenir des papiers cadavériques.

    Sa chambre était spartiate. Il ne connaît rien de Sparte, mais c’est ce qu’on lui disait. Un lit, traînant comme un trône royal dans la pièce. Une armoire remplie de vêtements, piqués dans une fripe en les mettant sous sa veste. Une vieille bécane où il priait chaque jour qu’elle tienne un lever de soleil de plus.

    Des bidules, des machines, quelques icônes religieuses même si Dieu avait quitté la ville pour éviter de pointer au chômage comme tout le monde. Chambre était un grand mot, c’était un grenier obtenu de justesse il y a 2 ans quand ses parents avaient compris qu’un frère et une sœur ne pouvaient plus dormir ensemble, passés un certain âge. Des tiges et des cavernes ne font pas ménage ensemble.

    Non que cela soit bien ou mal, car la morale avait quitté la ville en même temps que l’Éternel. Le jeune s’assit dans son lit, se demandant ce qu’il allait faire de sa journée, sinueuse et torturée à souhait.

    Il pensait déambuler sans but, en espérant trouver de quoi satisfaire sa curiosité de Sinbad, même si les mers lointaines, les épouses merveilleuses et les trésors étincelants ne sont même plus crédibles pour des chimères, racontés aux enfants, le ventre bouffé par les ténias et qui attendait qu’on les nourrisse de victuailles qui ne risquaient pas de venir de sitôt.

    Le jeune se rendit à la cuisine, toute la maisonnée était déjà debout. Sa sœur qui lui a jeté un regard dont seules les midinettes effrontées avaient le secret dans une marmite remplie de pensées chagrines, de mépris, de condescendance, attendant un mari hypothétique, pour les délivrer de leur donjon de misère.

    La mère était là, bonne grosse femme, des seins ressemblant aux pointes de l’Himalaya, tentant d’encourager tout le monde tel un entraîneur qui galvanise ses troupes dans une course d’aviron à Oxford. La mère était la lumière de la maison, pardon incarnée, mais capable des pires tourments de la Terre si elle était dans son mauvais jour.

    Aussi solide que les fondements du monde et aussi changeant que l’Océan Indien. La mère préparait du café, tentant d’exploiter chaque goutte du précieux breuvage. Le marc était utilisé depuis 3 jours d’affilée, le dernier de la liste, car le 4e jour, comme le Christ, la saveur disparaissait totalement. Dans un mois de particulière disette, la mère avait tenu un café avec le même marc pendant 4 jours.

    La saveur était aussi tranchante que la lame d’un bourreau en Arabie, qui décapitait un pauvre hère, coupable des pires blasphèmes comme avoir récité le texte de Copernic. Le goût âcre et non âpre était resté dans les gorges profondes de tous les occupants de la maison.

    Une leçon bien apprise ne s’oublie jamais, le marc, utilisable pendant 3 jours et non 4. Demander conseil à votre apothicaire le plus proche pour éviter un développement cancérigène.

    Le père était assis, le regardant d’un air triste, dramatique, joyeux et abattu. Un mélange dont seuls les chômeurs de longue apnée sont capables d’exprimer sur leur visage. La mine affaissée par les refus systématiques. Le père était un mécanicien, mais personne n’achetait des voitures, personne ne réparait les voitures, tout le monde allait à pied. C’est gratuit tant que la gangrène ne pointe pas le bout de son nez.

    Le père lisait un journal, ramassé sur le perron d’un voisin. Datant de 3 semaines, il annonçait une tempête de neige au mois d’août. Cela n’étonnait personne. Dans la caverne d’Aristote, les saisons se ressemblent toutes et seules la quantité de papiers cadavériques donne quelques rayons de soleil.

    Et le papier cadavérique manquait, comme un aventurier qui s’est mis en tête de traverser le Sahara sans une gourde. Devenant des gourdes et des quiches, la famille semblait voguer au rythme de quelques sous qui tombait de temps en temps.

    La sœur, princesse de temps modernes déchus, alluma la télé. Un homme de paroles mensongères s’exprimait dans un discours qui fera tout, sauf date. Le sourire carnassier d’un vélociraptor et le visage tellement poupin qu’on lui mettrait une tétine dans la bouche pour qu’il commence à sucer ses semblables et tout le reste.

    L’homme de parole prédisait le développement économique, la relance économique, une révolution économique, la pluie dans la sécheresse économique. Il faut voter pour quelques pétasses qui se trouvaient à côté de lui.

    Des poupées gonflables dans une espèce de transe collective, qui souriaient et mordaient en même temps. Des espèces d’égérie de l’époque qui semblait vouloir donner des leçons à tout le monde alors que leur propre vie et crâne étaient aussi vides que le Grand Canyon.

    Les investisseurs vont revenir hurlaient l’homme de parole et les poupées en chœur. Des paroles champêtres, aussi aiguisés que le poignard pour vous faire avaler toutes les couleuvres, surtout des serpents malfaisants. Les Schleus sont là et ils vont tous nous sauver nous disaient la chanson. Les Schleus étaient bien là depuis des années, mais quant à savoir s’ils allaient sauver la ville, le pays et le monde, c’était une affirmation bien trop péjorative pour rassurer la maisonnée.

    « Qu’est-ce que tu vas faire aujourd’hui » L’interrogation orale du père, pour avoir un semblant d’autorité au jeune. Le jeune répondit, d’un air contrit, qu’il allait déambuler de son mieux dans une ville pourrie par les vers et bouffée par les mites.

    La mère lui lança : « Mais dis donc, j’ai 10 centimes » Va donc me chercher du pain qu’on boustifaille bien pour une fois ». Trois paires d’yeux se tournèrent vers la Gaïa de la précarité. 10 centimes, c’est une fortune ! D’où est-ce qu’elle les sort ? La mère, sortant venir les questions de la Gestapo familiale, assena rapidement qu’elle n’arrivait pas à dormir et qu’elle avait lavé le linge du restaurant chinois en face. 35 kg de linge pour 10 centimes.

    La maisonnée approuva silencieusement. C’était bien payé. Entre les Schleus et les Chinois, on sait où sont les alliés, les exploiteurs, les esclavagistes, mais on cherche toujours les sauveurs. Le jeune pris les 10 centimes, comme la manne du ciel tombée sur les hébreux. La traversée du désert ne finissait pas, mais un pas à la fois pour se faire pardonner de la Colère du Veau en Laiton.

    Des extraits de la nouvelle « La caverne d’Aristote » de mon livre « Le déclin », disponible sur Amazon.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

    Pour me contacter personnellement :

    1 réponse

    1. Un Sisyphe dit :

      Sympa !

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