Les personnes religieuses sont-elles plus morales ?


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  • On a souvent une croyance répandue que les athées sont plus immoraux. La raison est que les religions, au fil des siècles, ont su exploiter et s’approprier la morale comme une conséquence de leurs principes alors que la morale est innée chez les humains et même certains primates.


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    On a souvent une croyance répandue que les athées sont plus immoraux. La raison est que les religions, au fil des siècles, ont su exploiter et s'approprier la morale comme une conséquence de leurs principes alors que la morale est innée chez les humains et même certains primates.
    Crédit : Dimitris Xygalatas

    Pourquoi les gens ne font-ils pas confiance dans les athées ? Une étude récente, menée par le psychologue Will Gervais, a découvert un préjudice moral répandu contre les athées dans le monde.1 2  Sur tous les continents, les gens pensent que ceux qui commettent des actes immoraux, même les plus extrêmes tels que les meurtres en série, sont probablement des athées. Même si c’était la première démonstration de ce biais au niveau global, ce n’est pas très étonnant.

    Les données des sondages montrent que les Américains font moins confiance aux athées que n’importe quel groupe social. Pour la plupart des politiciens, le fait d’aller à l’église est le meilleur moyen de gagner des votes et si un politicien admet publiquement qu’il est un non-croyant, alors il tire généralement 2 balles dans la tête de sa carrière politique.3 4  Après tout, il n’y a aucun athée, publiquement connu au Congrès américain.5 Certains disent qu’ils n’ont pas d’affiliation religieuse, mais personne n’admettra qu’il est un athée.6 D’où vient ce préjudice extrême et quelles sont les preuves d’une association entre la religion et la morale ?

    Comment la religion est-elle associée à la morale ?

    Il est vrai que les principales religions dans le monde concernent le comportement moral. Et on pourrait penser que la pratique religieuse est un signe de vertu ou que la morale ne peut pas exister sans la religion. Mais ces deux hypothèses sont problématiques. En premier lieu, les idéaux éthiques d’une religion pourraient sembler immoraux aux membres d’une autre religion. Par exemple au 19e siècle, les mormons considéraient la polygamie comme un impératif moral tandis que les catholiques la considéraient comme un péché mortel.7

    On a souvent une croyance répandue que les athées sont plus immoraux. La raison est que les religions, au fil des siècles, ont su exploiter et s'approprier la morale comme une conséquence de leurs principes alors que la morale est innée chez les humains et même certains primates.

    Crédit : Roman Catholic Archdiocese of Boston, CC BY-ND

    De plus, les idéaux religieux d’un comportement moral sont souvent limités aux membres du groupe et ils peuvent être même accompagnés d’une haine ouverte contre d’autres groupes. En 1543, Martin Luther, l’un des pères du protestantisme, a publié un traité intitulé Des juifs et de leurs mensonges qui reflétait des sentiments antisémites qui étaient fréquents parmi différents groupes religieux depuis des siècles.8

    Ces exemples révèlent également que la moralité religieuse peut et doit changer avec la culture environnante. Ces dernières années, plusieurs églises anglicanes ont changé leurs visions morales pour permettre la contraception, l’accès à la prêtrise pour les femmes et la bénédiction des mariages homosexuels.9 10 11

    La divergence entre les croyances et le comportement

    Dans n’importe quel cas, la religiosité est vaguement associée à la théologie. Les croyances et les comportements des personnes religieuses ne sont pas souvent cohérents avec les doctrines religieuses officielles. À la place, la religiosité populaire tend à être plus pratique et intuitive. Les chercheurs en religion surnomment ce phénomène comme l’inexactitude théologique.12

    On a souvent une croyance répandue que les athées sont plus immoraux. La raison est que les religions, au fil des siècles, ont su exploiter et s'approprier la morale comme une conséquence de leurs principes alors que la morale est innée chez les humains et même certains primates.

    Crédit : Dimitris Xygalatas, CC BY

    Par exemple, le bouddhisme peut être officiellement une religion sans dieux, mais la plupart des bouddhistes considèrent Bouddha comme une déité. De même, l’Église catholique s’oppose fermement au contrôle des naissances, mais la plupart des catholiques le pratiquent quand même.13 En fait, l’inexactitude théologique est une norme plutôt qu’une exception parmi les croyants.

    Pour cette raison, le sociologue Mark Chaves a considéré les gens qui se comportent, selon les croyances et les commandements religieux, comme un sophisme de la congruence religieuse.14 Cette divergence parmi les croyances, les attitudes et les comportements est un phénomène plus large. Après tout, le communisme est une idéologie égalitaire, mais les communistes ne sont pas moins égoïstes que les autres.15 Et donc, quelle est la preuve de la relation entre la religion et la morale ?

    Les personnes religieuses pratiquent-elles leurs propres commandements religieux ?

    La recherche sociale offre sur ce sujet offre des résultats intrigants. Quand les chercheurs demandent aux gens de rapporter sur leurs propres comportements et attitudes, les personnes religieuses prétendent qu’elles sont plus altruistes, plus honnêtes, plus civiques et plus charitables que les non-religieux.16 Même parmi les jumeaux, les personnes plus religieuses se décrivent comme étant plus généreuses. Mais quand on observe le comportement réel, alors ces différences n’existent pas.17

    Les chercheurs ont analysé plusieurs aspects de la conduite morale allant de la donation charitable jusqu’à la triche aux examens en passant par l’aide à des étrangers dans le besoin ou coopérer avec d’autres. Dans une expérience connue comme l’étude du bon samaritain, les chercheurs ont surveillé les personnes qui allaient s’arrêter pour aider une personne blessée gisant dans une ruelle.18 Ils ont découvert que la religiosité ne jouait aucun rôle sur le comportement de l’aide même quand les participants allaient délivrer un sermon sur la parabole du bon Samaritain. Cette découverte a été confirmée par plusieurs laboratoires et champs d’expérimentation. Globalement, les résultats sont limpides comme le cristal : On peut définir la moralité comme on veut, les personnes religieuses ne sont pas plus morales que les athées même s’ils prétendent qu’elles le sont.19 20

    Quand et où la religion possède-t-elle un impact ?

    D’autre part, les rappels religieux ont un effet documenté sur le comportement moral. Des études, menées sur des chrétiens américains, ont trouvé que les participants donnaient plus d’argent à la charité et regardaient moins de contenu pornographique le dimanche.21 22  Mais ils compensaient sur les deux points pendant le reste de la semaine. Le résultat est qu’il n’y avait pas de différence entre les participants religieux et non religieux en moyenne.

    On a souvent une croyance répandue que les athées sont plus immoraux. La raison est que les religions, au fil des siècles, ont su exploiter et s'approprier la morale comme une conséquence de leurs principes alors que la morale est innée chez les humains et même certains primates.

    Crédit : Dimitris Xygalatas, CC BY

    De même, une étude menée au Maroc a découvert que pendant un appel à la prière islamique, les locaux donnaient plus d’argent à la charité.23 Mais ces effets étaient très courts. Les donations augmentaient pendant seulement quelques minutes suivant chaque appel et ils baissaient par la suite. De nombreuses études ont montré des résultats similaires. Dans mes propres travaux, j’ai découvert que les gens deviennent plus généreux et plus coopératifs quand ils sont dans des endroits de prière.24 25 Et le niveau de religiosité n’a pas d’effet majeur dans ces expériences. En d’autres termes, les effets positifs de la religion dépendent de la situation et non de la disposition.26

    La religion et l’Etat de droit

    Mais toutes les croyances ne sont pas égales. Une étude récente interculturelle a montré que ceux, qui voient leurs dieux moralisants et punitifs, sont plus impartiaux et ils trichent moins dans les transactions économiques.27 En d’autres termes, si les gens croient que leurs dieux savent ce qu’ils font et qu’ils vont punir systématiquement les transgresseurs, alors ils sont plus moraux et ils s’attendent à ce que les autres le soient.

    Mais cette croyance, dans une justice externe, n’est pas propre à la religion. La confiance dans l’Etat de Droit, dans la forme d’un Etat efficace, dans un système judiciaire équitable et dans des forces de l’ordre intègres, est également un indicateur du comportement moral.28 Et en effet, quand l’Etat de droit est fort, alors la croyance religieuse baisse et la méfiance envers les athées par la même occasion.29 30

    La co-évolution de Dieu et de la société

    Les preuves scientifiques suggèrent que les humains, et même nos cousins les primates, ont des prédispositions morales innées qui sont souvent exprimées dans des philosophies religieuses.31 De ce fait, la religion est un reflet plutôt que la cause de ces prédispositions.32 Mais la raison pour laquelle la religion a été si puissante dans l’histoire humaine est précisément sa capacité à capitaliser sur ces intuitions morales.

    On a souvent une croyance répandue que les athées sont plus immoraux. La raison est que les religions, au fil des siècles, ont su exploiter et s'approprier la morale comme une conséquence de leurs principes alors que la morale est innée chez les humains et même certains primates.

    Le registre historique montre que le surnaturel n’a pas toujours été associé avec la morale. Les anciens Dieux grecs ne s’intéressaient pas à la conduite éthique des personnes.33 Comme de nombreuses déités locales chez les chasseurs-cueilleurs, ces Dieux étaient surtout intéressés par les rites et les offrandes. La même chose dans la mythologie aztèque. Les Dieux aztèques voulaient simplement leur lot de sacrifices d’humains et d’animaux, car c’était un remerciement envers eux pour avoir créé l’humanité avec leur propre sang et organe. Les dieux grecs ou aztèques se moquaient si des gens se mentaient les uns aux autres ou qu’untel a couché avec la femme de son voisin. Selon la psychologue Ara Norenzayan, la croyance dans des dieux, régis par la morale, a permis d’avoir une solution au problème de la coopération à grande échelle. Les premières sociétés humaines étaient suffisamment petites pour que les gens puissent faire confiance uniquement sur la réputation des autres membres. Mais une fois que nos ancêtres ont établi des colonisations permanentes et que la taille du groupe a augmenté, les interactions quotidiennes se basaient uniquement entre des étrangers. Et comment établir la confiance dans ce cas ?

    La religion a fourni une réponse en introduisant les croyances sur l’omniscient, des dieux puissants qui savaient tout sur tout en punissant les transgressions morales.34 Et quand les sociétés humaines se sont agrandies, ces croyances ont grandi avec la même intensité. Et en l’absence d’institutions laïques efficaces, la peur de Dieu est cruciale pour établir et maintenir l’ordre social.

    Dans ces sociétés, une croyance sincère dans un Surveillant surnaturel était la meilleure garantie d’un comportement moral en fournissant un signal public de respect avec les normes sociales. Aujourd’hui, nous avons d’autres manières de légiférer sur la morale, mais cet héritage évolutionnaire est encore en nous. Même si les statistiques montrent que les athées commettent moins de crimes que la moyenne, le préjudice collectif est encore contre eux.35 Ce préjudice est le reflet d’intuitions qui ont été forgées à travers les siècles et qui sera difficile à surmonter.

    Traduction d’un article de The Conversation par Dimitris Xygalatas, professeur adjoint d’anthropologie à l’université du Connecticut.

    Sources

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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    1 réponse

    1. moussa dit :

      L’homme a besoin de croire a quelque chose de plus grand que lui. c’est vitale

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