Réseaux sociaux : Les jeunes quittent la sphère publique


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  • Les jeunes quittent la sphère publique des réseaux sociaux et se concentrent sur des groupes plus intimes. Et cette tendance, en augmentation croissante, menace directement le modèle de monétisation des réseaux sociaux qui est la collecte des données.


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    Pourquoi les jeunes quittent massivement la sphère publique des réseaux sociaux ?

    On ne doit pas se tromper quand on voit des étudiants qui ont les yeux fixés sur leur téléphone. Ils ne sont pas sur Facebook, sur Instagram, sur Pinterest ou Twitter, car ils suivent avidement les actualités de leurs amis sur Snapchat. Ils discutent aussi sur Facebook Messenger ou WhatsApp. Quand ils ont un peu de temps, ils passent en coup de vent sur Instagram pour voir les potins des stars ou rigoler devant les tweets débiles de ces mêmes stars. Mais la majorité du temps, vous trouverez très peu de jeunes dans la sphère publique des réseaux sociaux, car ils privilégient l’aspect privé de ces réseaux.

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    Les temps changent

    Depuis quelques années, cette tendance a fait sonner quelques alarmes dans les nombreuses divisions de Facebook. En 2013, un auteur a exploré pourquoi les adolescents sont dégoutés de Facebook et selon le Times, plus de 11 millions de personnes ont quitté Facebook depuis 2011. Les jeunes ne quittent pas Facebook puisqu’ils passent simplement à Instagram qui appartient aussi à Facebook. En d’autres termes, ce n’est pas un problème de réseau social avec les jeunes, mais un problème de Facebook et de sa mentalité avec les jeunes.

    Et les nouvelles analyses montrent que ce phénomène prend de l’ampleur. Ils passent plus de temps sur Messenger ou Snapchat. Mais que les marketeurs ne se précipitent pas pour les débusquer, car ils ne trouveront personne dans la sphère publique. Tous ces jeunes restent avec leurs cercles d’amis à partager leurs Selfies et leur narration flamboyante de leur dernière soirée du vendredi.

    Les messageries sont très populaires chez les jeunes et ils délaissent les réseaux sociaux

    Dans une étude publiée en aout 2015, le Pew Research Center a rapporté que 49 % des propriétaires de Smartphones de 18 à 29 ans utilisent des messageries telles que Kik, WhatsApp ou iMessage et 41 % utilisent des applications qui suppriment automatiquement des messages tels que Snapchat. Pour le contexte, seuls 37 % utilisent Pinterest, 22 % utilisent Linkedin et 32 % utilisent Twitter. La messagerie sort clairement du lot.

    Mais 82 % des personnes âgées de 18 à 29 ans ont admis qu’ils utilisent Facebook. Mais la question était : Est-ce que vous utilisez internet ou une application mobile pour utiliser Facebook ? Avoir un compte Facebook et utiliser Facebook sont 2 choses différentes. Le Pew Research n’a pas de données précises sur l’utilisation de Facebook, mais on estime que 70 % des sondés l’utilisent au moins une fois par jour. Mais ces données ne sont pas triées selon l’âge. Et si les jeunes se connectent sur Facebook, c’est surtout pour voir ce que font les autres, un phénomène qu’on connait comme le Stalking qui consiste à utiliser des pseudos ou des faux profils pour espionner ses ex. Mais ces jeunes ne créent plus de contenus sur Facebook. Leurs photos et leurs likes se concentrent principalement sur des chats de groupe ou Snapchat.

    Pourquoi les jeunes quittent-ils Facebook ?

    Les vieux utilisent de plus en plus Facebook et les jeunes quittent les réseaux sociaux pour échapper à cette surveillance

    On n’a pas encore d’étude sérieuse sur le dégout de Facebook par les jeunes. Mais on remarque que 3 raisons sortent fréquemment du lot :

    • Ma grand-mère a aimé mon profil Facebook – Facebook a façonné nos vies et sa démographie a considérablement augmenté. Selon Pew, 48 % des internautes de plus de 65 ans utilisent Facebook. Comme Facebook devient populaire auprès des vieux et des adultes confirmés, les réseaux sociaux perdent automatiquement leurs attraits auprès des jeunes.
    • La permanence et l’éphémère – Quand on demande aux jeunes pourquoi ils ne postent plus sur des sites comme Facebook, alors ils répondent : Ces photos vont être stockées pour toujours ! En ayant grandi avec ces plateformes, les étudiants savent pertinemment que Facebook n’oublie jamais rien et ils sont de plus en plus soucieux de leur vie privée. Les jeunes sont engagés dans une gestion complexe de leur présence sur les espaces en ligne. Et c’est pourquoi ils préfèrent Snapchat, qui leur promet une existence éphémère à leurs contenus, contrairement à Facebook où ils doivent faire attention à chaque contenu qu’il poste. (Une occasion de relire notre dossier sur la génération Z).
    • L’aspect personnel et professionnel – Les jeunes savent que demain, les recruteurs, les départements d’admission des universités et même les banques vont regarder leurs profils de réseaux sociaux pour voir ce qu’ils sont réellement. En réponse, de nombreux jeunes créent différents profils sur Twitter ou Facebook et ils font très attention à ce qu’ils postent. Et ils gardent leur vie privée et intime dans des cercles très fermés sur d’autres plateformes.

    C’est une bonne nouvelle non ?

    On est en train de voir la prochaine évolution dans les médias sociaux. Les jeunes ont été les premiers à adopter Twitter et Facebook et maintenant, ils sont les premiers à les quitter. Et cet exode possède des implications immenses que ce soit pour Facebook, mais également pour la sphère publique en général. D’un point de vue de Facebook, ce changement est catastrophique. Si les jeunes sont moins présents et qu’ils fournissent moins de détails sur eux, alors la machine de la publicité en ligne, qui se base sur les données personnelles des utilisateurs, va se fracasser en emportant une grande partie du secteur dans les abysses.

    Si les jeunes ne font plus des Likes sur Facebook, alors Facebook va perdre de la valeur pour les annonceurs. Facebook utilise les Likes et les partages pour proposer une publicité ciblée. Si vous aimez une photo où on a sauvé un animal, alors vous verrez une publicité qui vous inciter à donner à la SPA. Cette forme de publicité ciblée permet de transformer Facebook en une formidable plateforme de publicité. En 2015, Facebook a généré 18 milliards de dollars avec ce modèle, mais il est désormais menacé si les jeunes cessent d’être présents sur Facebook. Vous pouvez avoir le meilleur algorithme du monde, mais c’est juste du code qui tourne à vide sans les données personnelles.

    C’est aussi un problème pour les parents. Ces derniers étaient habitués à surveiller leurs enfants sur Facebook et ils risquent de se poser des questions sur une absence d’activité qui peut se produire du jour au lendemain. Cependant, pour les proches, qui utilisent déjà des groupes privés pour communiquer entre eux, les choses ne changeront absolument pas. En fait, ces proches verront ce changement comme une maturité de la part des utilisateurs.

    D’un point de vue social et académique, ce changement est à la fois encourageant et un peu inquiétant. Les activités politiques migrent de plus en plus en ligne et les réseaux sociaux jouent un rôle important dans les mouvements sociaux. L’exode des jeunes risque de provoquer un isolement par rapport aux sujets importants. En fait, les actualités importantes passeront devant eux sans même qu’ils ne s’en aperçoivent puisqu’ils sont occupés à aimer la photo de l’intérieur du frigo d’un de leurs amis. Et on le voit déjà, car si on est habitué d’une messagerie comme Whatsapp, alors les jeunes, qui l’utilisent, ne remarquent rien de ce qui se passe. On pourrait croire que c’est une bonne chose d’échapper à la propagande de masse, mais il y a aussi de nombreux contenus objectifs qui permettent de diversifier sa version du monde. Mais le pire est que ces jeunes vont être enfermés dans une bulle d’information. Une étude qu’on a publiée récemment estime que les utilisateurs des réseaux sociaux sont enfermés dans une bulle d’information. Et c’est valable pour les utilisateurs de tous âges, car l’algorithme de Facebook va cibler leur actualité en fonction de leurs intérêts et donc, il n’y a pas de contradiction avec leurs points de vue. Si des personnes croient toujours que la Terre est plate, alors Facebook va leur suggérer des contenus affirmant que la terre est plate.

    Enfin, cet isolement permet également aux rumeurs de se propager à la vitesse de l’éclair. Si vous êtes dans un groupe de 20 personnes et que vous discutez constamment entre vous, alors si l’un d’eux publie quelque chose, alors les 19 personnes vont les croire sur parole. Les groupes privés peuvent être très positifs, mais ils manquent d’une chose fondamentale qu’on appelle la vérification des sources. Et c’est d’autant plus criant sur des messageries comme WhatsApp qui est conçu pour proposer l’aspect le plus minimaliste possible comme si on était totalement isolé du monde et qu’on est uniquement connecté avec ses amis. C’est pourquoi il n’est pas étonnant qu’après les attentats de Paris, on a vu des publications qui disaient que les terroristes avaient capturé toute la ville de Paris et que Hollande a été décapité sur la place de la Concorde. C’est dans les événements exceptionnels que les groupes privés montrent des limites qui peuvent devenir dangereuses. Il ne faut pas oublier que ce n’est pas parce que c’est votre ami(e) qu’il sait tout sur tout.

    La grande promesse des réseaux sociaux était de créer une sphère publique où les idées allaient percoler sur toute la surface permettant de créer une société plus informée et plus soucieuse des défis qui l’attendent. Au lieu, on voit des clans qui sont de plus en plus concentrés avec des idées qui restent ancrées dans leurs coins et qui refusent de se mélanger comme le feu et l’eau.

    Source : The Conversation

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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    1. nevoux dit :

      Super article, rempli de pistes de réflexions et d’analyses pertinentes. Un vrai beau travail Houssen !

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