Comment résister aux sirènes d’Internet


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  • Les titres Puteàclic utilisent notre émotion et une bonne dose de psychologie pour nous inciter à cliquer. Il est important de faire le ménage dans ses flux et les applications qu’on utilise afin d’avoir une information qui nous intéresse. En général, une grande partie de ce qu’on nous propose comme indispensable est inutile et cela vaut aussi pour ce site comme pour les autres.


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    Nous sommes inondés d'informations sur internet et il est crucial de faire le ménage si on ne veut pas rater le plus important

    Elliot Berkman, University of Oregon

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    22 bébés animaux qui vont vous faire craquer, annonçait le titre sur mon écran. Bien que submergé de travail – et malgré mon scepticisme – j’ai cliqué. Je ne suis qu’un être humain, après tout. Mais cette absence d’autodiscipline m’a coûté au moins une demi-heure de travail – comme tant d’articles, d’images et d’autres pièges à clics sur Twitter et Facebook.

    Il est devenu quasi impossible d’échapper aux distractions du Net. Elles nous narguent par mille notifications, vibrent dans nos poches, se cachent derrière nos documents de travail, toujours à portée de clic. La recherche montre que chaque jour, nous passons en moyenne cinq heures et demie sur Internet, et que nous regardons 221 fois notre téléphone.

    Les développeurs de sites et d’applications s’appuient sur nos comportements pour concevoir des produits dont le design nous attire et nous retient captifs. Sur le site Aeon, Michael Schulson souligne ainsi :

    « Les développeurs sont en compétition constante pour gagner l’attention des internautes ; pour arriver à leurs fins, ils cherchent à créer de nouvelles habitudes. »

    Mais vu l’omniprésence d’Internet, est-il encore possible de maîtriser une consommation qui nuit autant à notre travail qu’à notre vie personnelle ? Les recherches en psychologie de la persuasion et de l’autodiscipline ont quelques stratégies de lutte à nous proposer.

    Déjouez les pièges à clics

    Pour commencer, il faut être conscients des pièges que les rédacteurs et les développeurs nous tendent pour mieux attirer notre attention.

    Utiliser le chiffre 22 dans le titre, par exemple, est une façon de piquer notre curiosité. Comme les listes comprennent généralement des chiffres ronds (« Les 500 plus grandes fortunes »), les données inhabituelles nous intriguent.

    Dans une étude devenue un classique, le psychologue Anthony Pratkanis et ses collègues ont découvert que les passants étaient presque 60 % plus nombreux à donner de l’argent à un mendiant qui demandait 37 centimes de dollars qu’à un autre, qui en demandait 25.

    Dans cette étude, les participants avaient aussi tendance à questionner davantage les mendiants qui demandaient 37 centimes. C’est exactement ce qui m’est arrivé quand j’ai vu ce titre sur les 22 bébés animaux craquants. Dans ce cas précis, mon scepticisme s’est retourné contre moi : c’est justement parce que je trouvais le titre improbable que j’ai cliqué !

    Ce genre de piège nous incite à rediriger notre attention toutes affaires cessantes. D’un point de vue cognitif, une question appelle une réponse : cette tendance a été qualifiée par les psychologues d’« effet rhétorique » pour souligner notre besoin impérieux d’approfondissements face à une interrogation.

    Ces pièges exploitent des capacités cognitives qui nous sont très utiles dans d’autres circonstances : les stimuli inhabituels nous incitent à réagir et à chercher des explications, ce qui peut nous éviter un accident de voiture, ou nous permettre de repérer des mouvements inhabituels sur notre compte bancaire. Nous n’avons donc aucun intérêt à ignorer ce système d’alarme.

    Faites-vous ligoter au mât

    Le contenu en ligne est non seulement conçu pour attirer notre attention, mais aussi pour qu’on en veuille toujours plus : les notifications et les likes sont autant de signaux qui activent le système de récompense dans nos cerveaux ; nous les associons à une forme puissante de reconnaissance sociale.

    Il n’est donc pas surprenant que l’on parle souvent d’Internet en utilisant le lexique de l’addiction. Son usage problématique est même répertorié par les psychologues comme une pathologie de plus en plus courante.

    Que faire ?

    Comme Ulysse dans l’Odyssée, qui veut à tout prix résister au chant des sirènes, la meilleure méthode consiste peut-être à anticiper la tentation pour mieux y résister.

    Ulysse demande à ses hommes de le ligoter au mât du bateau jusqu’à ce que les sirènes soient hors d’atteinte. C’est là un exemple de « pré- engagement », une stratégie d’autodiscipline qui suppose d’anticiper l’un de ses comportements pour mieux le contrer.

    Une recherche du MIT démontre ainsi que les correcteurs professionnels sont plus performants et remettent leurs travaux en avance lorsqu’ils peuvent en échelonner le rendu : en remettant, par exemple, une partie de leurs corrections par semaine pendant un mois, plutôt qu’en une seule fois.

    John William Waterhouse, « Ulysse et les Sirènes » (1891). Wikimédia Commons

    John William Waterhouse, « Ulysse et les Sirènes » (1891). Wikimédia Commons

    En Ulysse des temps modernes, nous pouvons aussi nous « ligoter au mât » pour ne pas succomber au chant des nouvelles technologies. Des logiciels comme Cold Turkey ou le bien nommé SelfControl, vous interdisent l’accès à certains sites pour une période donnée, ou vous empêchent temporairement de vous connecter à votre boîte mail.

    Parlez de votre engagement

    Tout engagement est bien plus efficace si vous en parlez autour de vous. Les chercheurs ont découvert, par exemple, que les personnes qui annoncent qu’elles vont se mettre au recyclage ou qui disent qu’elles veulent devenir plus sociables sont plus susceptibles de tenir leurs engagements que celles qui n’en parlent pas.

    Nous sommes des êtres profondément sociables, avec un fort besoin d’appartenance : exprimer nos intentions met en jeu notre réputation. Entre la pression sociale qui incite à combler les attentes des autres et notre propre système de punition, le pré-engagement public est une stratégie doublement efficace pour contrer les failles de notre autodiscipline.

    Loin de n’y voir que des bidouillages, les scientifiques qui étudient l’autodiscipline prennent de plus en plus au sérieux les logiciels antidistraction et la technique du pré-engagement public.

    Anticipez !

    Une étude récente s’est penchée sur la vie quotidienne d’un large panel, en demandant très régulièrement à chaque personne quels étaient ses objectifs, les tentations qu’elle rencontrait et sa capacité à y résister.

    De façon contre-intuitive, les personnes les plus douées en autodiscipline (donnée mesurée grâce à un questionnaire fiable) n’étaient pas les plus aptes à résister à la tentation. Ils avaient même beaucoup de mal.

    Comment l’expliquer ? En réalité, l’autodiscipline et la capacité à résister à la tentation sont deux choses distinctes. Ulysse le savait bien : il était doué en autodiscipline, mais incapable de résister à la tentation.

    Une bonne autodiscipline se traduit par la capacité à éviter d’être tenté. Nous croyons à tort que l’autodiscipline consiste à résister de toutes ses forces à la tentation, mais la recherche tend à prouver qu’il suffirait simplement d’un peu d’anticipation pour éviter bon nombre de pièges.

    Alors, la prochaine fois que vous voudrez finir un travail, pensez à ces astuces pour échapper aux sirènes d’Internet. Comme Ulysse, dites-vous que si vous vous retrouvez nez à nez avec la tentation, c’est sans doute qu’il est déjà trop tard.

    The Conversation

    Elliot Berkman, Assistant Professor, Psychology, University of Oregon

    This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

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