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Une origine européenne de la lèpre ?

De nouvelles recherches menées par une équipe internationale ont révélé que les souches de lèpre, qui circulaient en Europe à l’époque médiévale, étaient plus diversifiées que prévu. Cette découverte, basée sur le séquençage de 10 nouveaux génomes de la bactérie lépreuse Mycobacterium leprae, complique les hypothèses antérieures sur l’origine et la propagation de la maladie et inclut également le génome le plus ancien de M. leprae séquencé à partir de l’an 400 après l’ère commune au Royaume-Uni.1

Remonter à la source de la lèpre

La lèpre est l’une des maladies les plus anciennes et les plus stigmatisées de l’histoire de l’humanité. La maladie était répandue en Europe jusqu’au 16e siècle et est encore endémique dans de nombreux pays, avec plus de 200 000 nouveaux cas signalés chaque année. La bactérie Mycobacterium leprae est la principale cause de la lèpre. Des recherches antérieures sur la bactérie ont suggéré qu’elle se regroupait en plusieurs souches, dont deux seulement étaient présentes dans l’Europe médiévale.

Reste d’un squelette montrant des signes de lèpre provenant du cimetière Odense St. Jørgen au Danemark qui a existé de 1270 jusqu’à 1560 – Crédit : Dorthe Dangvard Pedersen

La présente étude, publiée dans la revue PLOS Pathogens, visait à approfondir l’histoire et l’origine de M. leprae en recherchant des preuves génétiques provenant d’un grand nombre d’échantillons anciens provenant de toute l’Europe.

10 nouveaux génomes de la lèpre datant d’environ 400-1400 après l’ère commune

La présente étude a examiné environ 90 individus présentant des déformations squelettiques caractéristiques de la lèpre à travers l’Europe et à des périodes allant d’environ 400 à 1400 après l’ère commune. À partir de ces échantillons, les chercheurs ont reconstruit 10 nouveaux génomes médiévaux de M. leprae. Ces génomes représentent toutes les souches connues incluant celles qui sont aujourd’hui associées à différents endroits du globe avec l’Asie, l’Afrique et les Amériques. Et dans cette étude, de nombreuses souches ont souvent été découvertes dans le même cimetière illustrant la diversité des souches de lèpre circulant à travers le continent à cette époque.

Nous avons trouvé beaucoup plus de diversité génétique dans l’Europe ancienne que prévu selon Johannes Krause, auteur principal de l’étude et directeur de l’Institut Max Planck pour la science de l’histoire humaine. En outre, nous avons constaté que toutes les souches connues de la lèpre sont présentes dans l’Europe médiévale ce qui suggère que la lèpre peut avoir été répandue dans toute l’Asie et l’Europe dans l’Antiquité ou qu’elle pourrait provenir de l’Eurasie occidentale.

Le plus ancien génome de la lèpre à ce jour

Un génome de M. leprae reconstruit par l’équipe provenait de Great Chesterford, en Angleterre, et date de 415-545 après l’ère commune. C’est le plus ancien génome de M. leprae séquencé à ce jour et provient de l’un des plus anciens cas de lèpre connus au Royaume-Uni. Fait intéressant, cette souche est la même que celle trouvée dans les écureuils roux modernes et soutient l’hypothèse selon laquelle les écureuils et le commerce de la fourrure d’écureuil ont été un facteur de propagation de la lèpre en Europe pendant la période médiévale.

Reste d’un squelette provenant de Great Chesterford montrant des signes de lèpre. C’est le plus ancien cas de lèpre connu en Angleterre – Crédit : Sarah Inskip

La dynamique de la transmission de M. leprae au cours de l’histoire humaine n’est pas complètement résolue. La caractérisation et l’association géographique des souches les plus ancestrales sont cruciales pour déchiffrer l’origine exacte de la lèpre selon l’auteure Verena Schuenemann de l’Université de Zurich. Alors que nous avons des registres historiques écrits de cas de lèpre qui sont antérieurs à l’ère commune, aucun n’a encore été confirmé au niveau moléculaire.

L’abondance des génomes anciens dans la présente étude a abouti à une nouvelle et plus ancienne estimation de l’âge de M. leprae que les études précédentes en avançant son âge d’au moins quelques milliers d’années. Le fait d’avoir des génomes plus anciens dans une analyse de datation se traduira par des estimations plus précises selon Krause. L’étape suivante consiste à rechercher des cas ostéologiques encore plus anciens de la lèpre que ceux actuellement disponibles en utilisant des méthodes bien établies pour l’identification des cas potentiels.

Sources

1.
PLOS Pathogens. PLOS Pathogens. 10.1371/journal.ppat.1006997″ target=”_blank” rel=”noopener noreferrer”>http://dx.doi.org/10.1371/journal.ppat.1006997. Published May 10, 2018. Accessed May 10, 2018.
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