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Les sept plaies des JO de Rio

Est-ce que les JO de Rio respectent l'esprit olympique ou c'est uniquement une énorme machine à fric pour une minorité loin de la considération du sport et des conditions des athlètes.

Face à la menace terroriste, les forces de police ont été renforcées par 35 000 hommes, pour un total de 85 000 agents mobilisés. David Gannon/AFP

Nathalie Belhoste, Grenoble École de Management (GEM)

Tous les quatre ans, à la veille de l’ouverture des Jeux olympiques, c’est la même rengaine pour le pays organisateur. Que ce soit pour Athènes, Pékin ou Londres, les Cassandre sonnent toujours l’alerte. Mais il faut bien reconnaître que ces JO pourraient s’annoncer sous de meilleurs auspices.

Pourquoi ces Jeux sont-ils décriés ?

Quand l’aventure des JO de Rio a commencé en 2009, le Brésil connaissait un taux de croissance de 5,1 % (en 2008) et allait devenir en 2011 la sixième puissance mondiale. Peu de voix dissonantes s’étaient alors manifestées contre le choix de Rio comme ville organisatrice, le Brésil étant le premier pays sud-américain à accueillir les Jeux. Le soft power de ce nouveau BRICS était alors à son apogée, surpassant Tokyo et Madrid.

Mais sept ans plus tard, le contexte a bien changé. Depuis 2010, le PIB du Brésil est en chute constante, il est même entré dans une phase de récession fin 2014. Par ailleurs, le pays connaît l’une des plus grandes crises politiques de son histoire avec la destitution de Dilma Roussef en mai dernier.

Depuis le début de l’année, certains médias sont alarmistes et relatent de façon très précise comment l’organisation de ces Jeux a été jalonnée de problèmes et d’imprévus. Les critiques portent principalement sur les aspects organisationnels dans la mise en place des infrastructures, la question sanitaire, la question sécuritaire et les scandales de dopage. Qu’en est-il exactement ?

Reste à savoir si ces problèmes toucheront les 500 000 touristes attendus. En 2014, année de la Coupe du monde de football, le pays avait attiré plus de 6,4 millions de personnes dont plus d’un million pendant l’événement, soit 10 % de plus que l’année précédente. Actuellement, il reste encore 1,7 million de billets à vendre sur les 6,1 millions (en comparaison, Londres avait vendu presque 11 des 11,3 millions de billets disponibles).

Les enjeux périphériques

Pour beaucoup de Brésiliens, ces Jeux contribuent à exacerber des tensions préexistantes. L’organisation successive de deux événements mondiaux représente un coût important pour cette économie en récession qui doit faire face à des mesures d’austérité. Si l’on veut voir la coupe à moitié pleine, le coût de ces JO – estimé selon les sources entre 11 et 13 milliards de dollars – est moins élevé que ceux de Londres (15 milliards) et de Pékin (45 milliards), suite à de fortes coupes budgétaires dans le budget opérationnel (moins 20 %). Mais la Coupe du monde de 2014 avait déjà coûté 15 milliards de dollars.

Par ailleurs, l’État de Rio a décrété un « état de calamité publique » et a vu ses finances renflouées par l’État fédéral. Cette mesure inédite a été prise par crainte du gouverneur par intérim de ne pouvoir financer les services publics et ces Jeux (un déficit de 5 milliards d’euros est prévu pour 2016).

Les Brésiliens sont massivement descendus dans les rues cette année pour manifester leur hostilité au gouvernement (avant la destitution de Dilma Rousseff), couplée à une inquiétude liée à l’économie. Mais l’organisation de la Coupe du monde avait été beaucoup plus critiquée que ne l’est actuellement la préparation des Jeux. Néanmoins, c’est une population fatiguée de la récession et lassée de ses élites qui va assister à cet événement – le nouveau gouvernement de Michel Temer ayant déjà vu trois de ses ministres contraints de démissionner suite au scandale de l’affaire Petrobras.

Des manifestants pro (à gauche) et anti (à droite) Dilma Rousseff rassemblés devant le Congrès national pour assister au vote de destitution, le 17 avril 2016. Juca Varella/Agência Brasil

Bien au-delà des dépenses et du marasme politique transparaît une nouvelle fois l’insatisfaction d’une grande partie de la population, qui est exclue du cœur de l’événement et n’en tirera certainement aucun bénéfice. Le Brésil compte encore, comme tous les pays organisateurs jusqu’alors, sur l’impact positif des Jeux sur l’économie. Pourtant, deux études américaine et anglaise montrent qu’il s’agit d’un mythe bien ancré, puisque dans la très grande majorité des cas, les Jeux coûtent plus qu’ils ne rapportent. En outre, le pays connaît de fortes inégalités territoriales que ces deux événements sportifs amplifient :

L’allocation de l’argent à cet événement, au détriment des importants besoins du Brésil en termes d’infrastructures et de services sociaux, est donc véritablement au cœur de l’insatisfaction.

La question est désormais de savoir quel héritage les Brésiliens, et notamment les habitants de Rio, vont obtenir de ces Jeux. Le premier bilan de la Coupe du monde 2014 est en train d’être établi : outre de nombreux « éléphants blancs » (les coûteux bâtiments construits et qui ne serviront plus, comme probablement le stade de Manaus dans la région amazonienne), très peu d’infrastructures (mis à part quelques aéroports) bénéficieront à la population.

Les JO, en eux-mêmes, ne seront sans doute pas en demi-teinte. Comme en France avec l’Euro de football, il s’agira certainement d’un événement heureux dont le pays a bien besoin. Il ne reste plus qu’à souhaiter que Rio suive l’exemple de Londres et non celui d’Athènes… Ce qui, pour l’instant, n’en prend pas le chemin.

Nathalie Belhoste, Enseignant chercheur, Grenoble École de Management (GEM)

This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

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