CRISPR-Cas9 : Mutations et peurs des firmes biotechnologiques


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  • Une étude montrant des mutations non désirées avec la méthode CRISPR-Cas9 a provoqué une baisse de 15 % des actions chez certaines entreprises biotechnologiques.


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    Une étude montrant des mutations non désirées avec la méthode CRISPR-Cas9 a provoqué une baisse de 15 % des actions chez certaines entreprises biotechnologiques.

    On en a parlé il y a quelques jours, mais une étude a montré que la méthode CRISPR-Cas9 (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) entrainait des mutations chez des souris qui avaient été traitées pour la cécité. Simplifié grossièrement, CRISPR-Cas9 permet de cibler précisément des séquences d’ADN. Mais la précision est telle que cela concerne seulement quelques paires, mais il pourrait y avoir d’autres zones dans l’organisme qui possède des similarités. Le risque est que CRISPR-Cas9 pourrait provoquer ce qu’on connait comme des mutations hors cibles.

    L’étude est contestée par la communauté scientifique. En premier, on a une première recherche pour traiter la cécité chez les souris. Ensuite, l’un des co-auteurs de cette étude, Vinit Mahajan, a voulu savoir si leur modification avait entrainé des mutations hors cibles. En général, on utilise des algorithmes pour identifier les zones qui sont similaires par rapport à celles qui sont visées par les chercheurs. Ces algorithmes préviennent les chercheurs sur les zones qui pourraient être affectées accidentellement par CRISPR-Cas9. Mais ces algorithmes sont loin d’être parfaits. La communauté scientifique le sait, mais pas les investisseurs. Après la publication de cette étude, certaines firmes de biotechnologie ont souffert d’une baisse de 15 % de leurs actions, car les investisseurs ont cru que c’était la fin de la récréation est que CRISPR-Cas9 ne pourrait jamais être commercialisé.

    Quand on parle du traitement contre la cécité sur les souris, les chercheurs avaient simplement utilisé les échantillons de tissus. Mais dans la seconde étude, ils ont comparé le séquençage du génome de ces échantillons avec les données séquencées pour les souris. S’il y avait une différence, alors cela impliquerait que CRISPR-Cas9 a provoqué accidentellement des mutations dans d’autres tissus des rongeurs. Et il y avait des mutations qui étaient 10 fois supérieures à la normale. Mais le pire est que les mutations concernaient des zones qui n’ont pas été prévues par les algorithmes à la base. De quoi donner des sueurs froides aux investisseurs dans la biotechnologie. En gros, cela signifie que même si on a une utilisation sans erreur du CRISPR-Cas9 sur des tissus, cela ne signifie pas que la même modification n’aura aucun impact sur un organisme en entier.

    La principale critique de l’étude est que les chercheurs ont utilisé les données séquencées qui ont été publiées plutôt que des souris de contrôle. Par animal de contrôle, on parle des souris qui proviennent du même laboratoire, mais qui n’ont pas été affectées par CRISPR-Cas9. Cette étude ne permet pas de déterminer si les mutations chez les souris proviennent de CRISPR-Cas9 ou d’une variation génétique naturelle. De plus, les critiques ont également mentionné que de nombreuses mutations étaient homozygotes. Cela signifie que la même variante était présente chez les deux copies du chromosome. Cela suggère que cette variation est partagée par un ancêtre commun et que cette variante était présente avant que les souris soient traitées avec CRISPR-Cas9.

    Ce serait stupide de dire que c’est la fin de CRISPR-Cas9. Cependant, cette méthode est tellement puissante et facile à utiliser qu’on a peut-être mis la charrue avant les boeufs. Il faudra des années pour déterminer si le CRISPR-Cas9 est aussi précis et qu’il faut minimiser au maximum ces mutations hors cible. Toutefois, la financiarisation actuelle de la génétique est telle que les investisseurs veulent des résultats rapides avec le maximum de profits. Il ne faut pas que la communauté scientifique se fasse avoir par les phares de la financiarisation. Il faut améliorer énormément les algorithmes pour détecter les zones potentiellement hors cibles sinon on risque d’emballer la machine et le CRISPR-Cas9 pourrait être enterré, à cause d’une mauvaise publicité, avant même qu’on puisse bénéficier de son potentiel littéralement monstrueux.

    En novembre 2015, un article du New York Times parlait de ce potentiel du CRISPR-Cas9 et comment il avait changé la vie des scientifiques.1 Cependant, Jennifer Doudna, l’une des chercheuses qui ont découvert le CRISPR-Cas9, raconte l’histoire d’un étudiant postdoc qui s’était amusé avec le CRISPR. Un truc vraiment cool : Cet étudiant a décrit un processus pour faire en sorte que les souris aient une mutation associée au cancer du poumon chez l’humain.

    Vous me direz que c’est ce que font tous les généticiens. Oui, mais cet étudiant avait eu la brillante idée de mettre cette mutation dans un virus qui était transmissible par l’air. Pour l’étudiant, c’était un moyen rapide de créer des souris modèles pour le cancer du poumon, mais il ne se rendait même pas compte que s’il avait fait une petite erreur dans le guidage de l’ARN, alors ce virus aurait pu provoquer les mêmes mutations du cancer du poumon chez les humains. En gros, le mec avait créé une sorte de gaz mutagène qui pouvait provoquer des mutations de cancer du poumon par un virus transmissible par l’air. Et c’est là le problème du CRISPR-Cas9. Un outil ultra-puissant et aucune législation internationale à l’horizon. Certes, les entreprises biotechnologiques sont plus “intelligentes” que cet étudiant, mais est-ce que les investisseurs, qui mettent des dizaines de millions de dollars dans ces entreprises, sont plus intelligents que cet étudiant ? J’espère qu’on n’aura pas à connaitre la réponse de la pire des manières.

    Sources

    1.
    The Crispr Quandary. New York Times. https://www.nytimes.com/2015/11/15/magazine/the-crispr-quandary.html. Accessed June 8, 2017.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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