L’histoire de la persécution contre les Rohingyas
Une histoire de la persécution contre les Rohingyas, une minorité ethnique et religieuse au Myanmar. La discrimination contre ce groupe date de l’époque coloniale et les récents événements montrent qu’un gouvernement démocratique ne veut rien dire face à l’augmentation de la haine.

Près de 420 000 Rohingyas musulmans, une minorité religieuse et ethnique au Myanmar, se sont enfuis au Bangladesh depuis aout 2017.1 2 Les Nations Unies considèrent que les Rohingyas sont la minorité la plus persécutée au monde et l’organisation a décrit les atrocités perpétrées par les autorités du Myanmar comme un nettoyage ethnique qui est défini par la suppression d’une communauté ethnique ou religieuse par la violence.3 Mais la persécution des Rohingya n’est pas nouvelle. Ma recherche sur les Rohingya musulmans au Myanmar montre que cela remonte à 1948, l’année de l’indépendance du Myanmar.2
Sommaire
L’héritage du colonialisme
Les Britanniques ont régné sur le Myanmar (connu comme Burma à cette époque) sur près d’un siècle avec une série de guerres en 1824. Les politiques coloniales ont encouragé la main-d’oeuvre migrante pour augmenter la culture et les profits du riz. De nombreux Rohingyas sont entré au Myanmar dans le cadre de cette politique au 17e siècle.4 Selon les chiffres de recensement, de 1871 à 1911, la population musulmane a triplé.
Les Britanniques avaient également promis un territoire séparé aux Rohingyas, une région musulmane nationale, en échange de leur soutien.5 Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Rohingyas se sont alliés avec les Britanniques tandis que les nationalismes du Myanmar ont soutenu les Japonais.6 Après la Guerre, les Britanniques ont récompensé les Rohingyas avec des postes prestigieux au gouvernement. Mais ils n’ont pas eu leur Etat autonome.4 En 1948, quand le Myanmar a obtenu son indépendance, des conflits violents ont éclaté parmi les différents groupes raciaux et ethniques.
Une persécution datant de plusieurs décennies
Après l’indépendance, les Rohingyas ont demandé leur Etat souverain promis, mais les autorités ont rejeté leur demande en les traitant comme des étrangers. Les Rohingyas se sont vu également refuser la citoyenneté. Ces animosités ont continué à se développer. De nombreuses personnes au Myanmar ont considéré les Rohingyas comme des gens ayant bénéficié de l’héritage colonial. Le renouveau d’un mouvement nationalisme et bouddhiste ont contribué à l’augmentation de la haine.6
En 1950, certains Rohingyas ont lancé une rébellion contre les politiques du gouvernement du Myanmar.4 Ils ont demandé la citoyenneté et l’Etat souverain qu’on leur avait promis. L’armée du Myanmar a réprimé la résistance dans le sang. Comme les terroristes actuels, les rebelles étaient surnommés comme des Mujahid. Mais il est important de comprendre qu’on ne possède pas une définition internationale du terrorisme. La définition légale dépend de chaque pays et de ses contours politiques. Selon Ben Saul, les autorités peuvent utiliser cette définition comme une arme contre des rivaux politiques.7 Le manque de consensus reflète le désaccord de la légitimité de la violence.
En 1962, un Coup d’Etat militaire a permis d’avoir un Etat militaire avec un manque flagrant de gouvernance démocratique. Pendant les 60 prochaines années, les choses se sont empirées contre les Rohingyas. Les autorités les ont considérés comme une menace contre l’identité nationaliste.
En les considérant comme des étrangers, l’armée a tué, torturée et violée. Elle a fermé les organisations sociales et politiques des Rohingyas. L’armée s’est également emparée des entreprises Rohingya en les handicapant considérablement sur le plan financier. De plus, les Rohingyas ont souffert de travaux forcés, de détention arbitraire et d’agressions physiques. En 1991 et 1992, plus de 250 000 Rohingyas ont tenté de s’enfuir au Bangladesh.
Les Rohingyas sont des apatrides
En 1977, quand l’armée a lancé un recensement national, les Rohingyas étaient considérés comme des clandestins. Plus de 200 000 Rohingyas se sont enfuis au Bangladesh à cause des atrocités. Les autorités du Myanmar ont considéré cette fuite comme une preuve de leur clandestinité.
Le Citizenship Act, voté en 1982, a formellement renié le droit de citoyenneté des Rohingya. Cette loi nécessitait que pour obtenir la citoyenneté, les ancêtres d’une personne devaient appartenir à une race ou un groupe national qui était présent au Myanmar avant le règne des Britanniques en 1823. Les Rohingyas étaient toujours considérés comme des migrants clandestins. Mais Human Rights Watch rapporte que les Rohingyas sont présents au Myanmar depuis le 12e siècle.

Une maison brulée dans l’Etat de Rakhine, principale région des Rohingyas – Crédit : Stringer/Reuters
Aujourd’hui, les Rohingyas sont la plus grande communauté apatride dans le monde. Leur apatride augmente leur vulnérabilité parce qu’aucun gouvernement ne peut les protéger. Sans la citoyenneté, les Rohingyas n’ont pas les droits fondamentaux pour accéder aux services de santé, d’éducation et d’emploi. Le niveau d’illettrisme chez les Rohingyas peut atteindre les 80 %.8
De plus, on leur interdit le droit de prier librement.9 Ils ne peuvent pas non plus se marier, se déplacer ou accéder à la propriété librement à cause de leur identité ethnique et religieuse. Même si la démographie des Rohingyas est faible, le sentiment xénophobe est codé dans la loi. Ainsi, les couples Rohingya ne peuvent pas avoir plus de 2 enfants. Ceux qui enfreignent la loi risquent la prison et le gouvernement met leurs enfants dans une liste noire. Sans un statut légal, ils ne peuvent pas aller à l’école, voyager ou acheter une propriété. La police peut également les arrêter et les emprisonner.
La crise actuelle
La persécution des Rohingyas persiste en dépit de la transition démocratique au Myanmar. La crise humanitaire actuelle a commencé avec une attaque contre des postes de police par l’Arakan Rohingya Salvation Army, un nouveau groupe d’insurrection.10 11 12
Les réfugiés Rohingya au Bangladesh ont déclaré à Human Rights Watch que le gouvernement du Myanmar a lancé des attaques armées et brulé leurs maisons.11 De plus, l’armée a décapité les hommes, violé les femmes et massacré les enfants.13 14 15 Des centaines de milliers de Rohingya sont déplacés. Même avant cette crise, 120 000 Rohingya vivaient dans des camps d’internement.16
Amnesty International a déclaré qu’il y a des rumeurs qui circulent que les autorités du Myanmar ont placé des mines anti-personnelles dans les endroits qui sont utilisés fréquemment par les réfugiés.17 Ces mines ont déjà tué 2 enfants. L’aide humanitaire internationale est bloquée et cela empêche plus de 250 000 personnes d’accéder à la nourriture ou aux médicaments.
Aung San Suu Kyi et les droits de l’homme

Aung San Suu Kyi nie toutes les atrocités contre les Rohingyas au Parlement du Myanmar – Crédit : Reuters/Soe Zeya Tun
Pendant ce temps, l’armée du Myanmar nie toutes les accusations. En dépit d’un tollé global, l’armée a déclaré qu’elle mène uniquement des opérations de contre-terrorisme. Et à cause de cette crise humanitaire, le gouvernement britannique a décidé d’arrêter d’entrainer les militaires du Myanmar. Mais les critiques internationales laissent de marbre Aung San Suu Kyi, la leader actuel du Myanmar et prix Nobel de la Paix. À cause des critiques, elle a annulé sa visite à l’Assemblée générale des Nations Unies.18 Dans son discours du parlement du Myanmar, elle a nié les attaques armées ou un nettoyage ethnique.19 Le comportement d’Aung San Suu Kyi est une indication très claire que la persécution contre les Rohingyas ne risque pas de s’arrêter de sitôt.
Traduction d’un article de The Conversation par Engy Abdelkader de l’université de Rutgers.