Le Deliveroo à la sauce malgache


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  • Quand on est pauvre, on n’a pas d’autre choix que d’être ingénieux.


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    Quand on est pauvre, on n'a pas d'autre choix que d'être ingénieux.

    Aujourd’hui, vous pouvez commander des trucs sur Facebook, chez la myriade de petits vendeurs qui proposent tout et n’importe quoi, allant du fromage directement d’Antsirabe à des gadgets chinois qui marcheront pendant une semaine. Cette vente entièrement informelle a créé un nouveau secteur, la livraison en mode Deliveroo, mais en sauce malgache. Le vendeur va contacter une autre personne qui connait des livreurs à pied ou sur vélo.

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    Vous leur donnez l’adresse de livraison et ils vont se débrouiller pour vous trouver et vous livrer en main propre. Au passage, c’est le rôle d’un service public comme la Poste qui continue à pourrir sur place, car l’Etat ne comprend pas son importance et lui fait subir une refonte inutile pour qu’il devienne un service financier.

    Mais les livreurs à vélo ou à pied ne sont que l’une des énièmes images de l’ingéniosité de Madagascar quand les gens n’ont plus rien à se mettre sous la dent. On a eu les Taxi-Moto qui se battent avec la mairie, car les Taxis classiques estiment que c’est de la concurrence déloyale. Cependant, vous avez aussi des taxi-vélo. Vous les voyez, attendant des clients à Anosy, Anosizato ou Analakely quand la police ne leur court pas après dans un remake de Juge Dredd.

    Quand on est pauvre, on n'a pas d'autre choix que d'être ingénieux.

    Ces nouveaux modes de transport sont apparus d’une part à cause du covid, mais aussi de l’appauvrissement de la population depuis 2020. La folie des confinements a fait que les transports en public étaient à l’arrêt, mais ce n’est pas parce que vous décrétez l’arrêt que tout s’arrête par magie. Comme disait ce dirigeant africain mort de manière suspecte, le confinement n’est pas un problème pour ceux qui ont le frigo plein.

    De manière naturelle, les gens ont commencé à proposer des courses et des transports à vélo. Facile à mettre en place, on installe un siège passager derrière et c’est parti pour une course entre 1000 à 2000 ariary selon la destination. Et cette même seconde nature du système D nous a servi pendant la folie covidiste. L’Etat a été assez intelligent pour ne pas rendre le masque obligatoire au début. Il a attendu que les entreprises textiles locales prennent le relais et une fois que tout le monde l’avait plus ou moins adopté, il l’a rendu obligatoire.

    Car j’ai fait ma petite liste de cliniques, de médecins et de pharmacies qui vendaient ces bouts de tissu, qui ne servent à rien au passage, à 20 000 ar la pièce. On ne vous oubliera pas. Mais quand il y a une demande, le secteur se structure automatiquement grâce à la magie de l’informel. Et des services, qui ont été nécessaires pendant la folie covidiste, ont perduré à cause de l’appauvrissement de la population qui a suivi.

    Oui, parce que pour de nombreuses personnes, le tarif des Taxibes, désormais à 500 ar est beaucoup trop cher, un taxi vélo peut être plus intéressant en gain de temps. Et dans le même temps, nous avons des experts de l’expertise qui pensent qu’un téléphérique à 4000 ar le ticket sera Ze Solution. Et on nous avait aussi promis des milliers de bus neufs à la fin de 2022 pour moderniser le transport public, eh les mecs, j’espère que vous n’avez pas oublié, car on vous attend au tournant. J’espère que la promesse ne va pas être au niveau du Pipeline qui devait inonder d’eau potable le sud du pays…

    Ces services sont des sparadraps sur ce qu’est devenu Antananarivo, une zone urbaine qui s’étend sans aucune limite et où les embouteillages créent des blocages de manière structurelle. On a une sédentarisation excessive où les gens restent dans leur coin sans jamais sortir. Le temps est loin où on pouvait sortir faire son marché, visiter les boutiques, tout est virtualisé, mais de manière moche et extrême.

    Ces taxi-vélo, je les utilise de temps en temps. Une fois, l’un d’entre eux m’emmène à Behoririka et en chemin, il me dit de privilégier ce mode de transport, car les taxi-be appartiennent à des riches propriétaires alors qu’au moins sur un vélo, c’est le pilote qui empoche le fric, car la seule chose nécessaire est : Aina mitondra anio. Et je lui demande, pendant qu’il évitait les cratères sur nos belles routes de la capitale, ce qu’il faisait avant. Infirmier, me répond-t-il, mais si t’as pas de copains dans le secteur, personne ne t’engage.

    Ce vélo trainait chez lui depuis longtemps et avec le confinement, il a décidé de s’y lancer. Concluant la conversation : Au moins, je contrôle mon outil de travail, je peux le réparer comme je le veux et je fixe mes propres tarifs. Le fait d’entendre une analyse marxiste du capital de la part d’un pilote de taxi-vélo est incongru et de plus, il avait un esprit plus souverainiste que la plupart de nos ministres.

    Quand on est pauvre, on n'a pas d'autre choix que d'être ingénieux.

    Mais surtout, les taxi-vélo, les taxi-moto, la vente sur Facebook ne sont que des symboles d’une pauvreté croissante. Et vous avez aussi l’arnaque suprême de l’écologie. Vous avez des médias malgaches qui vous disent que le vélo est un moyen écologique de se déplacer. J’aimerais savoir combien de journalistes malgaches, dont la langue est devenu du papier abrasif 80, à force de lécher les boules de l’occidentalisme, ont déjà fait un parcours à vélo dans le centre-ville de Tana pendant un jour de la semaine. L’écologie est un cache-misère de la pauvreté.

    Quand on est impuissant contre la pauvreté, on utilise l’écologie pour vous dire qu’un besoin fondamental est un luxe dont vous pouvez vous en passer. Tu ne peux pas utiliser une voiture, car tu es trop pauvre est un synonyme écologique de Tu ne peux pas utiliser la voiture, car ça pollue.

    C’est la même chose pour la vente informelle sur Facebook, c’est tellement couteux d’ouvrir un commerce physique qu’on essaie de tout virtualiser, mais on ne fait que dégrader le tissu économique du pays. On n’a plus que des gens qui vivent d’expédients, de petits boulots, pas la moindre formation à l’horizon, les études ne proposent aucun débouché. Alors que l’Etat devrait encourager cette ingéniosité qui ne demande qu’à éclore.

    Le fait de lancer des petites industries serait beaucoup plus porteur, mais il faut des aides financières, un suivi de l’Etat et une lutte contre la prédation étrangère avec le protectionnisme. Ne pas juste balancer des annonces et ne rien planifier derrière.

    Un pays du tiers-monde se caractérise par une prédominance du tourisme, par l’absence d’industries et par la majorité de la population qui fait des petits boulots.

    Madagascar est de plus en plus une version encyclopédique de cette définition.

     

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

    Si dans les cartes postales, Madagascar possède une image idyllique, faisant baver les occidentaux qui respirent de la brique à longueur de journée, la réalité est toute autre. Pauvreté, misère, famine, corruption, népotisme, autant de mots qui sont coupables des maux malgaches.

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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