Pourquoi Madagascar reste pauvre ?


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  • Le manque d’industrialisation est la seule raison qui empêche Madagascar de devenir riche comme le reste des pays du tiers-monde. Et ce n’est pas près de changer.


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    Nous sommes en 2023 et 63 ans après son indépendance, Madagascar reste encore un pays pauvre. D’innombrables ouvrages ont été écrit sur ce pays et moi-même, j’en ai écrit un. Chacun y va de sa propre analyse parce que fondamentalement, ce pays a tenté tous les régimes politiques imaginables.

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    Le socialisme de Ratsiraka, le néolibéralisme sauvage de Ravalomanana, le Coup d’Etat de Rajoelina, la démocratie libérale de Rajaonarimampianina et une continuité de cette démocratie libérale par le même Rajoelina. Le constat est clair, cela ne marche pas. Pendant le règne Rajoelina, le nombre de personnes pauvres a augmenté de 1 millions, l’inflation ne descend pas et malgré tous les efforts du gouvernement, le pays ne s’enrichit pas.

    Et la réponse à cette question se trouve exclusivement et unilatéralement dans l’industrialisation. La seule raison pour laquelle Madagascar reste pauvre est qu’on n’a pas d’industries. On pourrait me dire : “Putain, tout ce suspens pour ça ?“. C’est une réponse plus profonde et bien plus limpide quand j’ai pris connaissance de l’ouvrage d’Erik ReinertsurPourquoi les pays riches sont riches.

    C’est un ouvrage magique et magnifique et les politiciens malgaches ainsi que tout ceux qui sont intéressés par le développement de ce pays devraient lire. Il est dense, faut prendre le temps et les moyens de s’y plonger, mais l’analyse de Reinert est d’une limpidité cristalline que si un pays veut devenir riche, il doit faire une économie de production via de l’industrie.

    Mais il ne suffit pas de faire l’industrie pour de l’industrie. Reinard est magistral dans ce sens où cette industrie doit être à rendements croissants. Une industrie de produits transformés à haute valeur ajoutée. C’est uniquement de cette façon qu’un pays peut se développer.

    Le problème d’une grandeur abyssale est que la totalité des politiciens malgaches sont matrixés par les diktats de la Banque Mondiale et du FMI qui obéissent au “Consensus de Washington”. Ce sont des politiques telles que le droit à la propriété, la gouvernance, l’éradication des maladies et la lutte contre la corruption. Selon ces gens, il suffit de pratiquer ces politiques pour que le pays se développe par magie.

    La raison est que l’économie internationale dominante est monopolisé par ce qu’on appelle la théorie de Ricardo, du nom de David Ricardo, un économiste britannique du 18e siècle. Selon lui, l’être humain est né pour faire du commerce, c’est à dire de l’échange. Du moment que l’échange est effectué, alors la richesse va aller magiquement aux deux parties.

    Dans l’esprit de l’économie ricardienne, le pécheur Vezo dans le sud de Madagascar, quasi nu, qui pêche deux poissons pour nourrir sa famille et un ingénieur à la Silicon Valley auront les mêmes salaires si les deux font du libre-échange. L’économie ricardienne n’inclut pas la division du travail qui se produit dans l’industrie et la qualité de ce travail. Tout travail est équivalent, car il suffit que le pécheur et l’ingénieur travaillent pendant les mêmes heures pour avoir des salaires équivalents.

    C’est l’idée la plus stupide que j’ai jamais entendu et vous aussi sans doute, mais sachez qu’elle pilote l’économie internationale et la prochaine fois que vous verrez les cadres débiles de la Banque mondiale et du FMI donner des leçons à Madagascar, regardez bien leur visage et dites-vous qu’ils sont persuadés que cette idiotie à souhait suffira à enrichir le pays.

    En revanche, l’industrie à rendements croissants est entièrement un cercle vertueux. Le rendement croissant implique que cette industrie va diminuer ses couts à mesure que sa production va augmenter. Ce qui fait que les produits seront moins chers pour le consommateur tout en gardant les salaire élevés pour les ouvriers. Parce que cette industrie utilise des technologies de pointe et des innovations pour avoir ces avantages.

    Ce type d’industrie est également synergique, c’est à dire qu’elle crée d’autres industries autour d’elle et attire les investisseurs. Et surtout, c’est l’industrie qui incite à l’éducation et non le contraire. Dans le livre de Reinert, en 1950, des cadres de la Banque Mondiale vont en Estonie pour les aider à développer le pays et ils leur disent tranquillement :”Vous savez, vous devriez supprimer vos universités, car elles ne servent à rien, une main d’oeuvre non qualifiée n’en a pas besoin !“. Les Estoniens l’avaient mauvaise parce que leur université datait du 17 siècle et évidemment, aujourd’hui, aucun cadre issu du Consensus de Washington n’osera dire ça, mais il n’en pense pas moins quand il regarde les pays pauvres.

    Parce qu’on va vous dire, vous devez miser sur l’éducation, mais si cette dernière n’a pas de débouchés, alors vous aurez des situations similaire à celles quand j’ai pris un taxi à Analakely. Le mec était plutôt bavard et il m’a dit qu’il avait un doctorat en mathématiques, mais qu’il n’y avait rien pour lui dans ce pays et qu’il fallait bien vivre.

    C’est une norme dans les pays pauvres où les occidentaux vont leur dire de miser sur l’éducation, mais il n’y a pas d’industries pour les avaler. Et cela créé de l’immigration de masse. Car comme ces gens sont éduqués, ils savent intuitivement ce qui se passe et ils se cassent à l’étranger. Ce qui fait que le pays perd parfois ses meilleurs éléments, enrichit l’innovation des pays riches et nous, les pays pauvres, on se cantonne à ramasser des pommes de terre !

    Si vous avez une industrie à rendements croissants, alors vous aurez automatiquement les écoles et les centres de formation qui vont germer, car l’industrie a besoin de cette main d’oeuvre qualifiée. Et cela possède aussi des conséquences politiques. Dans mon livre, j’étais persuadé que le principal mal de ce pays est l’absence totale de légitimité. On ne demande jamais son avis au peuple. Et c’est vrai en partie, mais pour qu’il y ait de la légitimité, il faut de la stabilité politique qui est possible par une classe moyenne urbaine.

    A Madagascar, vous avez les ultra-riches à Ivandry ou Ambatobe et leurs villas avec des piscines et les esclaves qui survivent au jour le jour. L’industrie, grâce à ses salaires élevés, peut créer une classe moyenne dans les villes ce qui crée à son tour une stabilité politique.

    Cette industrie doit être accompagné de protectionnisme, en tout cas, au début. Tous les pays occidentaux ont pratiqué massivement le protectionnisme pour devenir riches. L’Angleterre est devenue riche dans les années 1400 sous le règne d’Henri VII. A cette époque, le pays produisait principalement de la laine et l’exportait vers des cités-Etats comme Florence.

    Henri VII, pendant un séjour en Hollande, compris l’importance de l’industrie et que la richesse ne vient pas de l’exportation des matières premières, mais de leur transformation par l’innovation. Il décida de lancer des industries de textile, taxa lourdement les exportations de laine jusqu’à les bannir complètement et en l’espace d’un siècle, l’Angleterre est devenu une puissance impériale en ruinant Florence.

    Aujourd’hui, les Etats-Unis pratiquent un protectionnisme massif sur toutes leurs matières premières. Quand la colonie américaine se développa, les économistes comme Adam Smith et Ricardo se lamentaient que l’Amérique fasse de l’industrie et du protectionnisme. Cependant, les américains, malins comme des singes, voyaient que les économistes britanniques disaient de ne pas faire de l’industrie alors que l’Angleterre en faisait avec un protectionnisme encore plus agressif.

    Ils ont ainsi inventé l’adage : Ne faites pas ce que les anglais vous disent, faites ce qu’ils font. Pour se développer, Madagascar et les autres pays pauvres doivent faire la même chose : Ne faites pas ce que l’Amérique vous dit de faire, faites ce qu’ils font !

    J’étais aussi persuadé que le développement allait de bas en haut. C’est à dire qu’il faut d’abord développer l’agriculture, ensuite, l’industrie pour exploiter les matières agricoles et ensuite, les exporter. Mais en fait, je me trompais. Il n’est pas nécessaire de développer l’agriculture ou le secteur des services pour se développer. Il faut simplement de l’industrie. En fait, même si un pays possède la meilleure agriculture au monde, il restera pauvre.

    Le manque d'industrialisation est la seule raison qui empêche Madagascar de devenir riche comme le reste des pays du tiers-monde. Et ce n'est pas près de changer.

    Le paradoxe est le suivant, les pays qui sont composés principalement d’agriculteurs, c’est à dire qu’ils fabriquent littéralement de la bouffe toute la journée, sont aussi les plus pauvres de la planète comme l’indique la liste ci-dessus.

    Part de l’agriculture dans le PIB

    • Malawi – 80 %
    • Burkina Faso – 60 %
    • Madagascar – 60 %
    • Zambie – 60 %
    • Togo – 60%

    Cette preuve à l’appui montre que le développement agricole ne mène pas à la richesse. En revanche, si vous avez de l’industrie à rendements croissants, alors les salaires élevés permettent aux gens d’acheter davantage de produits agricoles. Les agriculteurs ne sont plus obligé de faire de l’agriculture de subsistance et ils augmentent aussi leurs productions.

    De plus, comme je l’ai dit, l’industrie est synergique et émulatrice. On imite ce qu’elle fait et les agriculteurs commencent naturellement à mécaniser leurs productions en augmentant leurs rendements tout en diminuant la part de main d’oeuvre dans le secteur. Leurs enfants peuvent aller à l’école et se former pour intégrer l’industrie et le cercle vertueux est en place. Bien sûr, il y a le problème de la souveraineté, mais regardez des pays comme Singapour, Hong-Kong, le Japon et la Corée du Sud. Ils n’ont quasiment pas d’agriculture, mais ce sont parmi les pays les plus riches du monde. Et cela nous rappelle la question lancinante de cet ambassadeur du Japon à Madagascar : Mais comment vous pouvez être pauvres ?

    Madagascar est le producteur mondial et exclusif de la vanille naturelle. Nous sommes les seuls à proposer cette plante de luxe. Combien d’industries avons-nous qui exploitent cette vanille ? Zéro ! Alors que cette seule plante nous permettrait d’avoir une industrie alimentaire (pâtisserie et boulangerie), l’industrie des cosmétiques, celle des médicaments, etc. Bien sûr, la vanille synthétique est moins couteuse, mais elle n’arrive pas à la cheville de son homologue naturelle.

    Nous produisons de la vanille depuis la colonisation française et depuis presque un siècle, on n’a pas été foutu de développer une seule industrie qui l’utilise. On est dans cette situation absurde où comme toute la matière première est exportée, les patissiers et les boulangers malgaches utilisant des arômes de vanille synthétique fabriqués en Egypte !

    C’est la même chose pour les matières minières. On se met à quatre pattes devant Rio Tinto et les autres groupes qui exploitent notre nickel et notre cobalt, mais on n’a pas d’industries qui l’exploitent sur place. Le nickel et le cobalt sont utilisés dans les voitures électriques. On pourrait faire comme l’Indonésie, bannir l’exportation de ces deux matières premières et forcer les investisseurs à créer une industrie qui rapporte réellement du fric.

    Un autre exemple montrant que c’est l’industrie, et elle seule, qui est génératrice de richesse. Un salon de coiffure malgache vous propose une coupe entre 1 et 2 euros. Vous avez aussi les coiffeurs informels qui le font pour moins que ça. Une coupe dans un salon de coiffure en France vous coutera 25 euros. Est-ce que le coiffeur français coupe mieux que le coiffeur malgache ? Ben non, la coiffure se pratique de la même façon depuis l’antiquité.

    Des ciseaux et on a l’innovation des tondeuses électriques. Mais même les coiffeurs sur rue à Madagascar ont des tondeuses électriques. Et on pourra prendre l’exemple des chauffeurs de taxi, de serveurs dans un restaurant, etc. Les métiers sont les mêmes, les compétences sont les mêmes et le résultat est le même, alors pourquoi le coiffeur français a un salaire qui est 12 fois supérieur à celui du coiffeur malgache ? C’est l’industrie et uniquement l’industrie. L’industrie de pointe en France fait élever le salaire et cela percole sur tout le reste de la société.

    C’est pour ça que l’agriculture ne doit pas être notre effort prioritaire. Bien sûr, nous devons atteindre la souveraineté alimentaire pour éviter les chocs extérieurs, mais l’industrie à rendements croissants va élever les salaires de tout le monde incluant ceux des agriculteurs.

    De plus, on a aussi la taxation. Les produits à rendements croissants, comme leur nom l’indique, offrent des bénéfices très élevés. Cela signifie que l’Etat peut les imposer davantage sans que cela soit un couteau sur leur gorge. Cela évitera que ces débiles de la Commune d’Antananarivo augmentent la taxe d’habitation de 1000 %. Ces impots élevés de l’industrie renfloueront les caisses de l’Etat, mais cela nécessite que ces industries locales soient protégés par la concurrence extérieure.

    Evidemment, qu’il y a la lutte contre la corruption, mais elle est auxiliaire à l’industrialisation. Si vous n’industrialisez pas le pays, alors les gens resteront pauvres et ils accepteront toujours la corruption. Mais si leur niveau de vie est suffisamment élevé, alors ils refuseront l’enveloppe qu’on leur tend et appeleront qui de droit si c’est nécessaire.

    Pour qu’on ait une industrie à rendements croissants, il faut une politique d’Etat. C’est l’Etat qui doit tout piloter, des taxes douanières, des primes à l’innovation, l’exonération de taxes pour ces industries dans un premier temps. Le secteur privé ne peut pas le faire, car seul l’Etat a la puissance financière et politique nécessaire.

    La boite à outils pour qu’un pays devienne riche

    On a déjà parlé d’Henri VII qui a compris les mécanismes de la richesse. Mais nous avons aussi Alexandre Hamilton, le premier secrétaire au Trésor Américain, dans un rapport intitulé Rapport sur les manufactures en 1791, qui indique ce qu’il faut faire pour enrichir un pays.

    Les recommandations ci-dessous ont été appliqué à la lettre aux Etats-Unis, ensuite imités par le reste de l’Europe. L’Europe et l’Amérique qui sont parmi les continents les plus riches au monde, prouvent que cela marche depuis près de 5 siècles.

    • Observation des synergies de richesse autour des activités à rendements croissants et de la mécanisation continue en général.
    • Reconnaissance du fait que « Nous ne sommes pas dans les bonnes activités ». Ciblage, support et protection réfléchis de ces
      activités à rendements croissants.
    • Monopoles/brevets/protection temporaires donnés aux activités ciblées dans une certaine zone géographique.
    • Reconnaissance du développement en tant que phénomène synergique et, par conséquent, du besoin d’un secteur manufacturier diversifié (« maximisation de la division du travail », Antonio Serra, 1613).
    • Un secteur manufacturier résout simultanément trois problèmes de politique spécifiques au Tiers Monde : une valeur ajoutée nationale croissante (PIB), une croissance de l’emploi et la résolution de l’équilibre de la balance des paiements.
    • Attirer les étrangers pour travailler dans les activités ciblées (historiquement, les persécutions religieuses y ont contribué de
      façon considérable).
    • Suppression relative de la noblesse terrienne et des autres groupes ayant des intérêts acquis basés sur la production de matières premières (depuis Henri VII, dans les années 1480, jusqu’à la Corée des années 1960). La physiocratie, à l’origine de l’économie néoclassique d’aujourd’hui, représentait la rébellion de la classe des propriétaires terriens contre les politiques de cette liste d’outils dans la France d’avant la Révolution. La guerre de Sécession américaine est l’archétype du conflit opposant les partisans du libre-échange et exportateurs de matières premières (le Sud), d’un côté, et les classes industrialisées (le Nord), de l’autre. Aujourd’hui, les pays pauvres sont les nations où le « Sud » a gagné les conflits politiques et les guerres civiles. Le fait de s’ouvrir trop tôt au libre-échange fait du « Sud » le gagnant sur le plan politique. L’économie standard et les conditionnalités des institutions de Washington représentent de facto un support inconditionnel pour le « Sud » dans tous les pays pauvres.
    • Réduction des impôts pour les activités ciblées.
    • Crédits à taux réduit pour les activités ciblées.
    • Primes à l’exportation pour les activités ciblées.
    • Un soutien important pour le secteur agricole, bien que ce secteur soit clairement considéré comme étant incapable de faire sortir, à
      lui seul, la nation de la pauvreté.
    • Insistance sur l’apprentissage/l’éducation (système d’apprentissage au Royaume-Uni sous Élisabeth Ire, la Nouvelle Atlantide de Francis Bacon, les académies scientifiques en Angleterre et sur le Continent).
    • Protection par brevet pour les connaissances précieuses (Venise à partir des années 1490).
    • Fréquence des taxes à l’exportation/de l’interdiction d’exporter pour les matières premières afin de rendre les matières premières plus chères pour les nations rivales ; cela a commencé à la fin du XVe siècle sous Henri VII, dont la politique a porté atteinte très efficacement et très durement à l’industrie lainière de la Florence des Médicis.

    Vous allez me dire : “Tout ça, c’est très bien, mais t’as vu la bande de nullos qui nous gouverne ?“. 90 % des politiciens malgaches ne pensent qu’à s’enrichir pour acheter un pavillon à Paris et les 10 % restants ne pensent qu’à boire et à baiser. Oui, parce que le pays pauvre sécrète ce qui lui ressemble. Ce sont les pays riches qui créent les grands hommes. Le seul scientifique un peu connu que nous ayons est Ratsimamanga, mais n’oublions pas qu’il a fait toutes ses études à Paris.

    Les politiciens malgaches sont à l’image de la population, complètement paumée, des esclaves qui font ce qu’on leur dit de faire. Et c’est pourquoi, les politiques du consensus de Washington sont criminelles. Car elles interdisent aux pays pauvres de pratiquer une économie de développement qui a enrichi leurs propres pays.

    Après la Seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont lancé le plan Marshall pour reconstruire l’Europe. Souvent, on dit simplement que c’est une injection massive de liquidité, mais la réalité est que ce plan consistait en l’industrialisation de l’Europe. Mais après que l’Europe ait été construit, le consensus de Washington, créé en 1989, a préconisé exactement le contraire pour les pays pauvres. On se contente d’envoyer de l’argent, de perpétuer les pays pauvres dans des rendements décroissants et de temps en temps, on envoie de l’aide humanitaire. C’est du nécolonialisme non avoué.

    N’oublions pas que le but des missionnaires pendant la colonisation était de dire aux esclaves : “Oui, vous avez une vie de merde, mais ne vous inquiétez pas, le paradis vous attend après la mort“. Evidemment, individuellement, les missionnaires n’étaient pas aussi cyniques, mais le but collectif consistait à faire croire aux esclaves que ce qui leur arrive est une fatalité et que cela s’arrangera… dans le futur.

    Et c’est une question qu’un général Tanzanien a posé à Erik Reinert quand ce dernier était en visite dans son pays : “Est-ce qu’ils nous maintiennent intentionnellement sous-développés ?” Reinert avait répondu qu’il n’y avait que deux réponses, soit par méchanceté ou ignorance et les deux ne sont pas exclusives.

    Le problème de fond est que les économistes dominants sont dans une secte qui ne supporte aucune contradiction. Paul Samuelson, économiste de l’école néoclassique, avait déclaré que les économistes travaillent pour les applaudissements de leurs propres pairs. Une économie mathématisée à l’extrême, totalement déconnectée de la réalité. Où les travaux sont jugés par des économistes qui partagent les mêmes idées et donc, quand ils disent que les pays pauvres doivent se spécialiser dans la pauvreté (c’est la conséquence des avantages comparatifs de Ricardo), alors ils le pensent vraiment.

    Et l’argent coule à flot pour qu’on n’ouvre pas sa gueule. Un économiste malgache gagne aux alentours de 100 dollars par mois. Si le même économiste travaille pour la Banque Mondiale et le FMI, il gagnera 300 dollars par jour… Le calcul est vite fait entre sacrifier sa carrière et subvenir aux besoins de sa famille.

    L’idéologie de l’économie néolibérale peut s’illustrer par la métaphore suivante. Imaginez un pays qui est peuplé uniquement de musulmans. Dans ce pays, il n’y a que des légumes et des fruits, mais ces derniers ne sont pas nutritifs. Malgré tous les légumes et fruits qu’ils peuvent manger, ils meurent toujours de faim. Mais dans ce pays, on a aussi des porcs sur tout le territoire. On pourrait leur dire de manger les porcs et ils auraient leurs apports caloriques, mais c’est impossible. Leur religion leur interdit de le faire quoi qu’il arrive. En fait, ces musulmans sont tellement matrixés sur le fait que seuls les légumes et fruits sont autorisés que les porcs sont invisibles à leurs yeux.

    C’est la même chose pour les économistes du consensus de Washington. Ils ont toute l’Asie qui s’est développé massivement grâce exclusivement à une industrie par des politiques d’Etat, mais ils ne la voient pas. Ce sont des adeptes d’une secte qui ont décidé de se crever les yeux et mettre une vidéo qui tourne en boucle à la place pour qu’ils voient uniquement ce que qu’ils ont envie de voir.

    Et c’est terrible pour les pays pauvres, car leurs politiques actuelles vont empirer leur pauvreté à cause des rendements décroissants. Dans l’industrie, le rendement est croissant. Il ne donne que des bénéfices et si le produit perd de sa valeur, l’industrie peut innover en créant d’autres produits plus performants ce qui donnera un avantage sur le long terme. C’est le modèle de la Chine et de toute l’Asie. Ils copient les produits les plus performants grâce à leur main d’oeuvre bon marché et ils vont l’améliorer jusqu’à devenir des leaders.

    Pour comprendre le rendement décroissant, imaginez que Madagascar développe tellement sa riziculture qu’elle se met à exporter du riz. Qu’est-ce qui va se passer ? Le riz reste du riz, aujourd’hui, il y a 1000 ans et dans 1000 ans. Cependant, les agriculteurs vont commencer par faire pousser du riz sur les terres les plus fertiles, ensuite, le sol va s’appauvrir et ils passeront à des terres moins fertiles et ainsi de suite. A terme, le pays ne pourra plus cultiver quoi que ce soit, car il aura épuisé toutes ses ressources naturelles qui sont limités par nature. Demander exclusivement à la nature de pourvoir aux besoins des hommes était valable au paléolithique, je pense que les malgaches ont évolué un peu plus que ça depuis cette époque.

    Qu’est-ce qu’on fera quand notre nickel, notre cobalt, notre ilménite seront épuisés ? On vendra des cailloux ordinaires ? C’est pour ça que c’est un drame, car pour industrialiser massivement un pays, il faut un financement tout aussi massif qui peut venir des pays riches. On va dire qu’on mendie, mais on pourrait aussi passer par notre Banque centrale pour qu’elle créé autant d’argent que nécessaire pour faire les investissements nécessaires.

    Mais dès qu’on veut le faire, les hyènes hurlantes de la Banque Mondiale arrivent en courant que c’est haram et que cela crée de l’inflation. Cependant, cela ne les empêche pas de le faire dans leurs propres pays ! Ne faites pas ce que les occidentaux vous disent de faire, faites ce qu’ils font !

    Je le dis à tous les politiciens malgaches et les citoyens intéressés à développer ce pays. Lisez le livre d’Erik Reinert, son analyse est tranchante comme le diamant et vous verrez tous les maux que Madagascar subit depuis des siècles.

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

    Si dans les cartes postales, Madagascar possède une image idyllique, faisant baver les occidentaux qui respirent de la brique à longueur de journée, la réalité est toute autre. Pauvreté, misère, famine, corruption, népotisme, autant de mots qui sont coupables des maux malgaches.

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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    1 réponse

    1. Yves Perriard dit :

      Les premiers missionaries catholiques, de par leur valorisation de la pauvreté et du fatalisme, ont en effet mis l’accent sur le prochain monde, et donc partout ou il y a une influence catholique on voit le meme modele de pauvreté. En revanche, les premiers missionaries protestants a Madagascar comme James Cameron avaient une approche plus pragmatique puisqu’ils ont fonde des industries et meme des barrages! Malheureusement par la suite les eglise réformées malgaches sont pas suivi leur example. En general tous les pays protestants ont des economies fortes alors que ce n’est pas le cas dans les pays catholiques, et c’est bien sur encore moins le cas pour d’autres religions, sauf bien sur pour les juifs qui savent tres sagement mélanger la théologie a l’économie!!!! Donc les valeurs religieuses qui prisent la prospérité sont aussi importantes pour l’économie 🙂

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