Quel bilan pour le président Andry Rajoelina ?


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  • Le bilan d’Andry Rajoelina ne concerne pas uniquement 2023, mais la totalité de son quinquennat. Car en décembre 2023, soit il sera réélu, soit ce sera quelqu’un d’autre.


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    Le bilan d'Andry Rajoelina ne concerne pas uniquement 2023, mais la totalité de son quinquennat. Car en décembre 2023, soit il sera réélu, soit ce sera quelqu'un d'autre.

    Quand j’ai écrit mon livre sur Madagascar, j’ai eu du mal à tirer un bilan sur le régime actuel du président Rajoelina après le résumé des précédents gouvernements. D’une part, son règne est encore en cours et il faut parfois attendre plusieurs années, après la fin d’un mandat, pour voir si le pays est sur une bonne pente ou s’il est devenu un champ de ruines.

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    5 ans amputés d’une année de Covid

    Ensuite, cette présidence a dû affronter le Covid qui lui a amputé quasiment 1 an et des poussières pour réaliser ces projets. Mais il est risible de voir que le gouvernement sort l’excuse du Covid pour chaque chose qui ne va pas. En effet, nous avons une gestion très légère du Covid. Nous avons eu deux confinements et le second en juillet 2020, a été levé dans la précipitation, car il y avait une foule affamée qui risquait de péter un cable. Dès octobre 2020, la situation était redevenue normale.

    Donc, il faut que le gouvernement arrête de tout mettre sur le dos du Covid et honnêtement, j’ai apprécié sa gestion du covid, le CVO était une bonne pensée politique, il a tenu bon face à l’obligation vaccinale, il y a eu des hopitaux et des centres de santé de base qui ont été construits. Mais évidemment, cela s’est fait parce que vous aviez l’argent de Bretton Woods qui se déversait à foison et ces gens ne donnent jamais rien gratuitement. Donc, on peut dire qu’on peut évaluer 4 ans de mandat.

    Andry Rajoelina avait 13 Velirano qui sont des grands projets pour développer le pays. L’industrialisation, l’autonomie alimentaire, l’éducation, la santé pour tous, etc. Cela va être rapide, aucun des Velirano n’a été atteint à 100 % ! Mais comme ce sont des projets à long terme, par exemple, développer l’agriculture nécessite 20 ans de la même politique avec des milliards de dollars d’investissement pour qu’on en récolte les fruits (l’exemple de la Cote d’Ivoire qui malgré, des crises politiques, a la même politique de développement agricole depuis 1980).

    Donc quels sont les pourcentages d’accomplissement de Velirano. Même s’il est difficile quantifier de manière exacte, les plus avancés sont à 13 à 15 % pour 4 ans de travail, c’est très peu et en fait, on a l’impression que ce mandat a constamment pédalé dans la semoule et qu’il n’avait pas de vision claire de ce qu’il voulait faire.

    Sur le plan politique

    L’homme, qui a eu la plus longue longévité dans le gouvernement Andry Rajoelina, est Christian Ntsay, le mec était quand même le Premier ministre de Hery Rajaonarimampianina ! Cela donne idée du manège de fous qu’il y a dans ce gouvernement. Le régime Rajoelina n’a jamais connu la moindre stabilité depuis 2018.

    Régulièrement, les hommes changeaient parce que les résultats n’étaient pas au rendez-vous, mais quand vous changez 3 personnes pour le même poste ministériel, on peut aussi dire que ce ne sont pas les hommes qui sont le problème, mais les politiques menées. Le principal problème du règne d’Andry Rajoelina est le manque de la clarté dans sa politique. On n’a jamais su ce qu’il fallait faire.

    Les règles du développement sont toujours les mêmes depuis des siècles comme c’est parfaitement résumé par l’ouvrage référence d’Erik Reinert sur “Comment les pays riches sont devenus riches et pourquoi les pays pauvres restent pauvres“. La première étape est d’avoir une vision collective de l’avenir du pays. Cette vision doit être partagée par l’ensemble de la population et ensuite, on mène les politiques nécessaires à sa réalisation. Le développement se base toujours sur l’économie de production, de l’industrie, de l’industrie et toujours de l’industrie.

    On développe l’industrie, on utilise le protectionnisme pour se protéger contre les importations et on utilise la main d’oeuvre pas chère (si elle existe) pour récupérer les technologies des pays avancés. C’est le modèle de développement de la Chine. Ces règles du développement n’ont jamais été utilisés pleinement par le gouvernement Rajoelina.

    Il y a eu de l’industrialisation, mais en se mettant toujours à quatre pattes devant la Banque Mondiale et le FMI. C’est comme si un cul de jatte donnait des leçons d’athlétisme à Husain Bolt ! Cela ne marche pas parce que le seul objectif de ces institutions est de détruire le pays de l’intérieur en supprimant toutes les barrières pour que le pays soit donné en pâture aux multinationales. C’est quelque chose que je répéterais toujours, le FMI et la Banque Mondiale n’ont jamais pu développer un seul pays depuis leur existence !

    Le protectionnisme est nécessaire, mais le gouvernement ne l’a jamais appliqué sérieusement, car s’il taxe trop les produits importés, ils deviennent trop chers pour les ménages parce qu’on n’a pas d’industries pour les produire sur place. C’est un serpent qui se mord la queue. Les matières premières doivent être fournis par une agriculture moderne, ensuite, l’industrie les transforme et enfin, on met le protectionnisme en place.

    Par sa manque de vision commune et sur le long terme, le gouvernement Andry Rajoelina a fait du surplace en étant constamment dans la réaction. C’est un pompier qui court partout alors qu’il doit trouver le pyromane en costard qui pille le pays afin de lui mettre une balle dans la tête.

    De plus, le parti d’Andry Rajoelina, MAPAR, est un fourre-tout de bric et de broc qui ne veut rien dire. Le parti a changé de nom à plusieurs reprises et il est composé de plusieurs groupuscules dont la seule motivation est d’avoir des chaises gouvernementaux et les 4×4 qui vont avec. Il lui manque cruellement la légitimité, une chose qui manque à tous les politiciens et régimes successifs de ce pays.

    Un gouvernement qui est remanié sans arrêt, avec quand même des débiles comme Patrick Rajoelina, comme Ministre des affaires étrangères, montrent qu’Andry Rajoelina ne s’est pas entouré d’hommes de conviction, mais de pique-assiettes et profiteurs de tout poil. Les ministres d’un gouvernement doivent avoir du caractère et ils doivent pouvoir dire au président que ce qu’il fait est de la merde. Parce que j’ai toujours l’idée moisie du safari dans la gorge. C’est à dire que parmi les dizaines de personnes entourant le chef suprême, personne ne lui dit : “Monsieur le président, le fait d’importer des girafes ou des lions à Madagascar pour développer le pays, c’est quand même une idée de merde” !

    Andry Rajoelina a aussi choisi le modèle de l’hyper-présidence. Quand le transformateur à la Jirama a explosé, limite s’il n’a pas pris sa caisse à outils pour le réparer. Le président est quelqu’un qui reste en retrait, il est le garant de la Constitution et sa parole est rare. Quand vous faites de l’hyper-présidence, cela signifie que ceux qui vous entourent sont soit des paillassons ou des incapables (les deux ne sont pas exclusifs).

    Sur le plan économique

    Sur le plan économique, c’est un champ de ruines. L’inflation a touché Madagascar en février 2021 où la majorité des PPN ont pris de 75 à 125 % dans la gueule. Cela s’est aggravé tout au long de 2021 et la guerre en Ukraine a légèrement exacerbé le phénomène. Mais là encore, le gouvernement met tout sur le dos des Russes alors qu’ils n’y sont pour rien, l’inflation était là 1 an et demi avant le début de la guerre. Et nous n’importons pas tant que ça de la Russie, les impacts étaient mineurs.

    Il n’y a que deux principaux moyens de lutter contre l’inflation, soit on ralentit l’économie, soit on augmente la production. On ne peut pas ralentir l’économie, car elle au point mort, donc, il faut augmenter la production. Le fait d’augmenter permet de baisser le prix des produits, mais on ne peut pas le faire, car la majorité de nos matières premières sont importés. Et comme l’économie mondiale est basé sur le dollar et que ce dernier est fort en ce moment, alors nous nous ruinons pour enrichir les américains.

    L’ariary continue de se casser la gueule et en décembre 2022, il a atteint 4700 ariary, soit le pic le plus élevé depuis plusieurs années. Même pendant l’épidémie du Covid, on n’avait pas atteint de tels plafonds. Et cela alimente l’inflation, car nous importons la majorité de ce que nous consommons. La production rizicole n’a pas bougé, nous sommes toujours obligé d’importer 500 000 à 1 000 000 tonnes chaque année. Et c’est déjà le cas en 2017, ce qui signifie que les politiques rizicoles du gouvernement n’ont eu aucun impact.

    Il y a de l’industrialisation dans ce pays, mais elle est morcelé, rachitique sans aucune aide de l’Etat. Je prend l’exemple de la farine et on a eu quelques usines qui ont été construites. Mais nous ne produisons pas de blé en quantité suffisante et donc, on est baisé. Mais les prix locaux sont légèrement inférieurs aux produits importés. Une farine locale se négocie autour de 6000 ariary alors que l’importée se vend autour de 6500 ar en sachant qu’avant l’inflation, elles étaient à 4 000 ar.

    Vous avez aussi le contrôle de prix par le gouvernement, c’est une solution à court terme, car si vous baissez trop les prix par un moyen artificiel, il n’y a plus d’incitation économique pour les entreprises. L’inflation doit être contrôlée à tout prix, car elle dévore tout sur son passage. Il suffit de voir l’ambiance des fêtes de fin d’année, je n’ai pas vu un calme aussi plat depuis que j’ai vu l’encéphalogramme de Biden !

    Et comme nous sommes dans une récession mondiale, qui sera terrible en 2023, alors cela signifie que l’inflation va continuer pour nous, car nous ne sommes pas souverain. Nous n’avons eu aucun gain économique, mais notre dette extérieure a augmenté de 10 %, passant à 46 % de notre PIB, mais l’état de notre économie est désastreuse. Bien sûr, certaines de nos exportations ont augmenté, mais cela n’apporte pas de la plus-value, car nous exportons uniquement des matières premières. Il n’y a pas de produits finis.

    C’est ce qui dit Erik Reinert sur le modèle des avantages comparatifs (notre modèle actuel béni par Bretton Woods) contrairement à celui des rendements croissants qui est le modèle économique de l’Asie. Grosso modo, les avantages comparatifs signifient que chaque pays doit se spécialiser dans ses domaines de prédilection. Cela signifie que Madagascar doit se spécialiser dans la pauvreté pour se développer !

    En plus de booster l’économie de production, le gouvernement peut également passer à des paiements bilatéraux en monnaie nationale. C’est ce que la Russie, l’Inde, la Chine et l’Iran sont en train de faire dans leur coin. Le dollar et l’euro sont des monnaies beaucoup trop chères pour notre économie et cela va s’aggraver dans le futur.

    Le bilan économique d’Andry Rajoelina est catastrophique, car son industrialisation manque de planification, le diktat constant aux institutions de Bretton Woods n’a fait que ruiner le pays et il suffit de voir l’exemple du tarif Optima de la Jirama qui nous annonce qu’il y aura une augmentation de 15 % du tarif d’électricité dans le futur. C’est les mêmes débiles qui nous disaient que le tarif Optima allait faire baisser les factures !

    Sur le plan social

    Même si chaque gouvernement a sa propre vision sur ce que doit être la société, il ne faut pas lui imposer des normes qui ne sont pas présentes dans la société malgache. Les valeurs de bienpensance, du gauchisme ambiant sont répétés à tue-tête par les politiciens malgaches.

    L’inclusivité, la tentative pathétique d’imposer l’avortement de masse et une importation du Wokisme par la diaspora et les médias français peut disloquer l’identité du peuple malgache, car on veut lui imposer des valeurs dont elle n’a strictement rien à foutre. Cependant, ce peuple est aussi résilient par sa volonté de faire le dos rond aux débilités inventées par le gouvernement. Car malgré la propagande vaccinale tout feu tout flamme du gouvernement, on a eu à peine 12 % de la population qui s’est fait piquer.

    J’ai vu aussi des entreprises comme Orange, tenter d’imposer les idées LGBT via des films et des animations. Avec une population à 95 % chrétienne et pratiquante à mort, j’espère que les mecs savent ce qu’ils font, car il risque d’y avoir des bastonnades dans l’air. Le peuple malgache a soif de nationalisme, dès qu’on fait appel au pays, la plupart vont répondre présent. Le nationalisme est une vertu cardinale pour développer le pays. Cela permet de coaguler le peuple autour d’une vision commune et que tout le monde travaille dans la même direction.

    Sur le plan international

    Sur le plan international, le gouvernement Rajoelina a eu de bons points. Il a affirmé sa position de neutralité et je pensais qu’il allait s’aligner avec l’Occident pour sanctionner la Russie, malgré les quasi-injonctions des ambassadeurs occidentaux, mais Madagascar est resté neutre sur l’Ukraine et ce à chaque fois qu’une résolution a été voté à l’ONU. On a eu l’affaire de Richard Randriamandrato qui a voté en son nom propre pour condamner l’annexion des 4 régions de l’Ukraine par la Russie. Et c’est bien qu’il ait pris la porte.

    A l’international, Madagascar doit parler d’une seule voix et on en revient au problème politique où les hommes qui entourent Rajoelina ne partagent pas sa vision et qu’ils sont juste là pour leurs intérêts personnels. Je vois bien notre Richard, se présenter en 2023.

    Honnêtement, Madagascar a fait un quasi perfect sur le plan international. Il n’y a pas eu de couacs majeurs. Mais le pays joue la carte du plus offrant, il ne veut se fâcher avec personne, donc, il peut aller courtiser Washington, mais également le nouveau monde qui arrive. Le souci que l’Occident est dans une telle idéologie sectaire que si vous ne les soutenez pas à 100 % dans leur délire, alors vous êtes leur ennemi.

    Madagascar doit s’inspirer de l’Asie pour se développer. Nous avons de bonnes relations avec le Japon, mais nous nous sommes distancés de la Chine et il nous faut aussi nous inspirer de pays comme le Vietnam, le Cambodge, l’Indonésie, la Malaisie, car ils sont en train d’émerger et cela pourrait nous donner des idées. Et ces pays, ravagés par la guerre, ont dépassé tout le continent africain parce qu’ils sont pris la souveraineté au sérieux.

    De nombreux malgaches ne comprennent pas encore les vertus cardinales de la souveraineté et du nationalisme. Une fois qu’ils comprendront, alors ils verront les problèmes de ce pays et l’obéissance aux diktats institutions internationales comme le nez au milieu de la figure. La souveraineté attire la souveraineté. La servitude attire la servitude. Si vous êtes un bon serviteur, alors le maitre va vous soumettre davantage.

    Sur les élections 2023

    On peut dire ce qu’on veut d’Andry Rajoelina, mais il maitrise sa communication. C’est sûr que pour les élections 2023, il va sortir l’artillerie lourde et les chèques en blanc. Et même sans rire, les dépenses électorales vont davantage redémarrer l’économie plutôt que les politiques gouvernementales !

    Les autres candidats, Marc Ravalomanana et Hery Rajaonarimampianina, pourraient être de la partie. On entend même des rumeurs sur leur alliance éventuelle. Et dans mon livre, j’ai fait un bilan de leur régime respectif et ce n’est pas fameux. Les gens ont une vision fantasmée du règne de Ravalomanana, mais c’est quelqu’un qui a détruit les protections nationales plus que n’importe qui par sa vision néolibérale.

    En fait, je ne connais pas de politicien qui soit vraiment nationaliste et patriotique dans le sens où il peut développer l’économie sur le modèle asiatique. Ces élections seront très compliqués à tous les points de vue, le risque de violence est réel ainsi que celui des manipulations. Je dois être le seul à grimacer quand l’Amérique donne 165 millions de dollars à des pays africains pour “que les élections à venir se passent bien“. Bien pour qui ? Imaginez si la Russie ou la Chine avait fait la même chose ?

    Ensuite, la victoire aux élections ne vous garantit pas de rester au pouvoir. N’oublions pas que Philibert Tsiranana a été réélu avec 99 % des suffrages en 1972. Et il sera obligé de démissionner cette même année à cause de la révolte ethnique des étudiants.

    Mais peut-être qu’Andry Rajoelina va sortir plusieurs miracles de sa poche dans les 6 premiers mois de 2023 pour tenter de rallier la population à sa cause. Car aujourd’hui, on en a marre de ses effets d’annonces vides, des excuses pathétiques systématiques pour rejeter sa propre incompétence et impuissance sur des causes extérieures. Si les causes extérieures sont les principaux maux de ce pays, alors à quoi vous servez au pouvoir ?

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

    Si dans les cartes postales, Madagascar possède une image idyllique, faisant baver les occidentaux qui respirent de la brique à longueur de journée, la réalité est toute autre. Pauvreté, misère, famine, corruption, népotisme, autant de mots qui sont coupables des maux malgaches.

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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