Et le Nobel du développement durable, c’est pour quand ?


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    James Dyke, University of Southampton

    Les prix Nobel seront remis la semaine prochaine, récompensant des chercheurs dans les domaines de la médecine, de la physique, de la chimie, de la paix et de l’économie. Le prix Nobel de littérature sera attribué un mois plus tard.

    Si le Nobel n’est pas la récompense académique la plus lucrative qui soit – elle alloue « seulement » 1,2 million de dollars quand le prix de physique fondamentale verse, lui, 3 millions de dollars depuis 2012 à chacun de ses bénéficiaires, tout le monde s’accorde sur son prestige inégalé. Vous pouvez être le savant le plus cité dans votre domaine, avoir une petite armée de post-doctorants et une étagère pleine de livres débattant de vos théories, en ajoutant un prix Nobel à votre CV, vous passez un stade.

    Les premières récompenses ont été décernées en 1901, cinq ans après la mort de l’industriel suédois Alfred Nobel, qui, dans son testament, légua la majorité de son immense fortune à la création d’une fondation qui décernerait des prix à « ceux qui, au cours de l’année précédente, auront apporté les plus grands bénéfices à l’humanité. »

    Le développera durable a toute sa place

    La Fondation Nobel a déjà récompensé des personnalités dans le domaine du développement durable, à l’image du désormais très célèbre prix de la paix attribué conjointement à Al Gore et au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 2007. Si la Fondation a pour objectif principal de distinguer des individus et des organisations qui ont œuvré pour l’humanité, alors un prix Nobel du développement durable devrait avoir toute sa place au cœur de ce dispositif.

    Le WWF et la Société zoologique de Londres ont récemment indiqué que le nombre d’animaux sauvages sur Terre avait diminué de moitié au cours des quarante dernières années. Cette baisse spectaculaire de la diversité de la faune a été associée à celle, tout aussi spectaculaire, de toutes les autres espèces, si bien que nous connaissons aujourd’hui sans doute l’une des plus grandes extinctions de masse de l’histoire de la vie sur Terre. Nos émissions mondiales de dioxyde de carbone continuent inexorablement d’augmenter et nous sommes plutôt bien partis pour connaître les effets d’un inquiétant changement climatique dans les prochaines décennies.

    À la lumière d’un tel constat, qu’est-ce qui pourrait empêcher d’ajouter à la liste des 876 prix Nobel, les noms d’Edmond Becquerel, de Rachel Carson, de Dian Fossey, de James Lovelock, des Penan de Malaisie et de tant d’autres qui se sont battus pour promouvoir une façon de vivre respectueuse de l’environnement.

    Les Penan de Malaysie se mobilisent contre la déforestation. Friends of the Earth, CC BY-NC-ND

    Un succès explosif

    Nobel souhaitait que sa fondation attribue cinq prix (le prix d’économie a été créé bien plus tard, en 1968, à la suite d’une dotation de la banque centrale suédoise « en mémoire d’Alfred Nobel »). Ce dernier n’a jamais expliqué les raisons précises du choix de ces cinq disciplines. Mais nous pouvons imaginer.

    Concernant la physique, on rappellera que celle-ci dominait le paysage scientifique de la fin du XIXe siècle, en fournissant une toute nouvelle compréhension de l’univers grâce à ses théories sur l’atome, l’électricité, le magnétisme et la cosmologie. On compte également de grands progrès dans les domaines de la médecine et de la physiologie… Et que serait l’homme sans la littérature ? Promouvoir la paix ne peut être que louable. Quant à la chimie, il faut se rappeler que Nobel en était un brillant représentant et a fait fortune en se bâtissant un empire grâce à ses produits industriels chimiques.

    En 1867, Nobel inventa la dynamite puis, en 1875, la gélignite. Ces explosifs très puissants et faciles à manipuler ont grandement facilité l’exploitation minière et l’extraction de ressources naturelles telles que le charbon et le fer, essentiels à la bonne marche de la révolution industrielle. En 1887, Nobel met au point la balistite, une poudre sans fumée qu’il vendit à l’armée italienne, permettant une utilisation beaucoup plus efficace et meurtrière des fusils et des canons. Nobel a été encore plus directement impliqué dans l’industrie de l’armement en acquérant, en 1894, la société de production d’acier Bofors, faisant de lui l’un des principaux fabricants d’armes au monde.

    Quelle que soit sa motivation initiale, le nom d’Alfred Nobel est aujourd’hui indissociable de ses prix éponymes qui donnent espoir dans le futur et les réalisation de l’humanité. Et, à bien des égards, Nobel avait tout à fait le droit de se montrer optimiste : son époque fut celle d’une formidable accélération des connaissances et du progrès.

    Un prix, pour quoi faire ?

    Au début du XXe siècle, l’espérance de vie moyenne dans le monde était de 31 ans. Elle est aujourd’hui de 70 ans en moyenne. Les gens vivent plus longtemps et en meilleure santé grâce aux progrès de la médecine, de l’hygiène et de l’alimentation. La réduction significative des taux de mortalité explique l’augmentation significative du nombre d’êtres humains sur Terre. Ces quarante-cinq dernières années, la population mondiale a doublé. Une augmentation exponentielle du nombre de personnes éclipsée par une autre réalité, celle de notre consommation d’énergie. Au cours des vingt dernières années, nous avons consommé plus d’énergie qu’au cours des 2000 années précédentes. Il devient chaque jour plus clair que l’expansion humaine a ses limites et que les processus d’industrialisation risquent de faire de la vie sur Terre une situation peu favorable à l’humanité.

    L’attribution d’un prix Nobel du développement durable pourrait-il y changer quelque chose ? Pris isolément, bien sûr que non. Mais je me plais à penser que Nobel lui-même serait en mesure de comprendre que dans ce XXIe siècle, ce qui apporte le plus grand bénéfice à l’humanité consiste à regarder plus loin que nous-mêmes pour prendre conscience de la façon dont nous interagissons avec la vie qui nous entoure.

    The Conversation

    James Dyke, Lecturer in Complex Systems Simulation, University of Southampton

    This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

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