Les prémisses de la guerre sur le blocage de la publicité


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    Les internautes bloquent de plus en plus la publicité incluant sur le mobile.

    Dans la publicité, il y a un vieil adage qui dit que la moitié de l’argent est gaspillé. Le problème est que personne ne sait quelle est cette moitié et normalement, cela ne devrait pas être un problème dans la publicité en ligne. Étant donné qu’on peut traquer les utilisateurs et cibler la publicité, on gaspille moins le budget de la publicité pour atteindre parfaitement la cible. Mais les consommateurs bloquent de plus en plus la publicité sur les sites qu’ils visitent et si cette tendance continue, alors cela signifiera que l’autre moitié de la publicité n’atteindra jamais l’écran des internautes. Cela pose un énorme risque sur le principal modèle économique du web dans lequel les utilisateurs consultent gratuitement le contenu en échange de la publicité.

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    Un dégout devenu viscéral sur la publicité

    Les statistiques varient, mais on estime qu’il y a 200 millions de personnes dans le monde qui utilisent un bloqueur de publicité. Eyeo, le développeur d’Adblock Plus qui est le plus populaire des bloqueurs de pub, prétend que son logiciel a été téléchargé près de 400 millions de fois. Jusqu’à présent, les publicités étaient bloquées principalement sur le Desktop et le Laptop, mais de plus en plus d’utilisateurs commencent à bloquer les pubs sur le mobile. Et comme le mobile connait une croissance exponentielle, alors on peut imaginer que la publicité arrive à un point de non-retour.

    Le nombre d'utilisateurs en millions qui bloquent la publicité dans le monde

    Le nombre d’utilisateurs en millions qui bloquent la publicité dans le monde

    À une époque, les logiciels pour bloquer la publicité étaient difficiles à installer et ils étaient réservés à une minorité d’utilisateurs technophiles. Mais désormais, le blocage de la publicité est disponible sous la forme d’extensions pour les navigateurs populaires tels que Firefox ou Chrome et on peut les installer en quelques clics. Pour contrer le blocage de la publicité conventionnelle, les annonceurs proposent des publicités de plus en plus agressives telles que les vidéos qui se lancent automatiquement, les Pop-Ups qui obscurcissent le texte que vous tentez de lire ou des pages entières qui s’affichent en arrière-plan. Le résultat est que cela enrage encore plus les utilisateurs qui installent des bloqueurs de publicité beaucoup plus agressifs. Les jeunes consommateurs sont particulièrement intolérants avec la publicité intrusive et lorsqu’ils grandiront, on peut parier que le blocage de la publicité va devenir une seconde nature et que cela deviendra banal de ne plus voir de publicité sur le web.

    La contre-attaque des éditeurs

    Peu d’éditeurs publient leurs pertes liées au blocage de la publicité, mais ProSiebenSat.1, un groupe de média allemand, a déclaré qu’en 2014, le blocage de la pub lui a fait perdre 10,4 millions de dollars, soit le 5e de son revenu en ligne. Selon Sean Blanchfield de PageFair, une startup qui aide les éditeurs à gérer le blocage de publicité : Les sites les plus touchés sont ceux qui ont une audience masculine qui est principalement technophile. Sur certains sites spécialisés dans les jeux vidéos, 50 % des internautes bloquent la publicité. Certains éditeurs ont commencé à agir. Des éditeurs sont passés à une publicité plus subtile tels que des articles promotionnels qui sont écrits de telle manière qu’on les confond avec des articles traditionnels, d’autres tentent d’éduquer leur audience. The Guardian propose un message pour ceux qui utilisent Adblock en leur demandant si l’internaute voudrait supporter le journal d’une autre manière.

    Une minorité a privilégié l’attaque frontale. Certains sites comme Hulu, qui est un service de vidéos en ligne, bloquent totalement l’utilisateur qui bloque ses publicités. De nombreux groupes de média allemand ont porté plainte contre Eyeo pour racket et pratique abusive. Adblock Plus d’Eyeo laisse passer les publicités non intrusives et il fait payer aux éditeurs des sommes faramineuses pour être sur la liste blanche du logiciel. Ainsi, Google a conclu un deal financier avec Adblock Plus pour que ses publicités soient sur la liste blanche du logiciel. Les éditeurs qui ont porté plainte estiment que c’est de l’extorsion pure et simple. Dans 2 plaintes, le tribunal allemand a statué en faveur d’Eyeo en estimant qu’Adblock Plus est légal, car les utilisateurs sont informés de la liste blanche avant d’installer le logiciel. Mais même si Eyeo perd un de ses nombreux procès, cela ne va pas supprimer le blocage de la publicité, car la plupart des bloqueurs de pubs utilisent une liste partagée de régies publicitaires qui est maintenue par des volontaires. Donc si Adblock Plus disparait, d’autres vont prendre sa place.

    Le blocage de publicité sur mobile augmente de manière exponentielle

    Les éditeurs espèrent que la tendance du mobile va minimiser l’impact des pertes des revenus publicitaires. En effet, Apple et Google contrôlent les applications qui sont installées dans leurs systèmes mobiles et en 2013, Google a banni les applications pour bloquer la pub en estimant qu’ils interféraient avec le fonctionnement des autres applications. Mais le jardin étincelant du mobile n’est pas impénétrable, car les utilisateurs peuvent télécharger des navigateurs alternatifs qui intègrent des bloqueurs de publicité. Ainsi, UC Browser, qui prétend avoir 500 millions d’utilisateurs dans le monde, notamment en Chine et en Inde, intègre un bloqueur de publicité en natif qu’il suffit d’activer dans les options. Eyeo a également publié son premier navigateur mobile intégrant son Adblock Plus, mais ce navigateur est uniquement disponible sur Android.

    Étant donné que ces navigateurs bloquent uniquement les publicités sur des pages web, il serait difficile de prétendre qu’ils interfèrent avec le fonctionnement des autres applications. Mais cela signifie aussi que ces navigateurs ne peuvent pas bloquer la publicité dans les applications. Mais cette immunité contre le blocage n’est pas absolue. Car Shine, une firme israélienne, a développé une technologie qui permettrait aux opérateurs de téléphonie mobile de bloquer directement la publicité avant qu’elle atteigne les utilisateurs. De cette manière, cela bloquerait les publicités dans les applications mobiles en amont. Shine a déclaré qu’il est en discussion avec plusieurs opérateurs européens de téléphonie pour intégrer sa technologie et certains d’entre eux vont la déployer dans un futur très proche.

    Des tensions transatlantiques

    Si on bloque les publicités mobiles par défaut, alors ce serait l’une des pires violations de la neutralité du web qui stipule que les fournisseurs d’internet doivent traiter tout le trafic qui passe par leur réseau de manière égal. En 2013, l’opérateur français Free avait tenté une chose similaire et le gouvernement l’avait forcé à rendre le service comme une option. Mais même comme un service facultatif, cette mesure serait simplement une technique d’extorsion des opérateurs mobiles. Si une majorité des utilisateurs commencent à activer cette option dans leur forfait, alors cela permettrait aux opérateurs européens d’exiger une part des revenus publicitaires des géants américains pour désactiver le blocage. Dans cette optique, le racket de Free, Orange, Telefonica ou Deutch Telekom serait identique à celle d’Eyeo, le développeur d’Adblock Plus.

    Et si cela se produit, alors les géants américains vont contre-attaquer dans la seconde qui suit. Si les opérateurs européens bloquent la publicité de Google, alors Google pourrait interdire l’accès à Gmail aux utilisateurs de cet opérateur mobile. Et ce serait naïf de penser que Google n’oserait pas le faire, car il l’a déjà fait en fermant Google News Espagne après que les éditeurs lui aient demandé de payer pour les extraits que Google affichait dans Google Actualités. De ce fait, si les opérateurs mobiles ne sont pas prudents, alors ils pourraient déclencher la première guerre commerciale sur le numérique et malheureusement, les opérateurs européens vont se faire écraser comme des insectes quand on voit la domination de Google, Facebook ou d’Apple dans leurs domaines respectifs.

     

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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