Andry Rajoelina : Entre bilan Excel et moulin à paroles


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  • Je n’attendais pas grand-chose de l’entretien d’Andry Rajoelina où il devait s’expliquer de toute la merde qui l’entoure. Mais je ne pensais pas qu’on pouvait meubler une heure et des poussières avec du néant.


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    J’avais écrit, avant l’entretien, que la meilleure décision qu’Andry Rajoelina puisse prendre est de renoncer aux élections. On est très très loin quand on voit l’aspect minable et totalement vide de son discours. C’est à dire que pendant 2 heures, il a évité de s’expliquer sur sa double nationalité et encore, heureusement, qu’il y avait Gaspard de Real TV, car les autres étaient des débiles mentaux, qui étaient juste là pour justifier leur chèque à la fin du mois. En même temps, personne ne peut mordre la main qui le nourrit.

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    Ce qui est pathétique est qu’Andry Rajoelina se croit encore en 2020 où, avec une épidémie quasi imaginaire, il avait enfermé les gens, détruit l’économie et cela lui avait permis de prendre un ascendant paternel sur la population. C’est normal, une population sans ressources se retrouve à la merci des dirigeants. Et comme à l’époque, on buvait ses paroles (j’écoutais chacun de ses discours), car Rajoelina est très fort en communication. Quand la maison brûle, il est capable de dire que c’est une autre façon de la reconstruire.

    Et on avait gobé tous ses bobards. Mais trois ans ont passé et le pays a subi la plus forte inflation de son histoire, une dévaluation massive de sa monnaie (je ne me souviens pas d’une époque où l’euro a atteint les 5000 ar), un chomage sans précédent, une dette extérieure qui a explosé et nos exportations qui se sont écroulés à cause de stupidités sur la vanille. Par ailleurs, l’opposition a commencé à donner de la voix. Ravalomanana émerge du bois, mais c’est l’arrivée de Siteny, un ancien allié de Rajoelina, qui prouve que le DJ est plus seul que jamais.

    Le bilan de Rajoelina est purement virtuel, un tableau Excel avec des colonnes, indiquant des choses qu’il a construit et ensuite, en bas, on a un total positif et les mecs se réjouissent en croyant qu’ils ont développé le pays. Si le développement d’un pays était aussi arithmétique, alors un élève en école primaire pourrait diriger le pays !

    Ainsi, il nous dit qu’il a construit des milliers d’écoles publiques. Oui, mais elles sont vides. Le nombre d’enfants descolarisés a augmenté de manière exponentielle, car les parents n’ont plus de quoi payer les écolages et les fournitures scolaires. Déjà l’année dernière, certains parents ont dû vendre une partie de leur mobilier pour payer la rentrée scolaire. En 12 mois, la situation s’est empiré et donc, s’il y a des vazahas qui cherchent des reins bon marché, je suis sûr qu’il y a des parents malgaches qui ont de belles offres pour eux !

    Concernant la Jirama, il s’est contenté de dire que l’Etat avait injecté plusieurs millions de dollars dans l’entreprise. Sans mentionner que l’Etat et certaines grosses entreprises sont les plus gros mauvais payeurs de la Jirama. Et concernant la dette de la Jirama, on ne doit pas forcément la considérer comme un problème. Le souci est que comme Madagascar est à quatre pattes devant Bretton Woods, celle-ci considère toute activité de l’Etat comme une entreprise. Et une entreprise doit gagner de l’argent. Eh bien non, les services publics ne sont pas des entités marchandes.

    On s’en fout si elle perd de l’argent du moment que le service public atteint son objectif, proposer un service abordable et performant pour tout le monde sans exception. L’équilibre budgétaire est un bonus. Une fois que le service est correctement effectué, alors on peut tenter d’améliorer ses finances. Mais Madagascar n’est pas un pays souverain, il ne le sera jamais en la matière.

    Car aucun journaliste n’a dénoncé notre asservissement à la Banque Mondiale et au FMI, aucun journaliste n’a parlé de notre Banque Centrale qui a été pris en otage par des financiers qui sont simplement des escrocs dans leur forme finale. Si on commence à considérer le service public comme étant marchand, alors on doit accepter le fait qu’un hopital ne va pas soigner des patients pauvres. Ce qui arrive tous les jours à Madagascar. Quand vous acceptez le néolibéralisme comme modèle, alors vous êtes coupable de millions de morts au fil des années.

    Mais le régime Rajoelina va nous dire qu’ils ont construit plein d’hôpitaux et de CSB, mais ils sont aussi vides. C’est bien de construire, mais il faut fournir le personnel, les médicaments et les moyens pendant de nombreuses années. La construction d’un hopital est difficile parce qu’il faut le budgétiser sur le long terme et garantir toujours qu’il y a de l’argent. Rajoelina en a construit des tonnes, mais sans assurer le suivi derrière. La même chose pour Pharmalagasy dont on n’entend plus parler.

    L’usine a conçu le CVO, mais le Covid est définitivement terminé. Et on nous avait assuré que d’autres médicaments, moins chers, seraient développés. Et il y a plein de choses à faire pour se détourner de la médecine occidentale qui devient plus chère et plus corrompue à chaque année qui passe.

    Par exemple, relier les tradipraticiens, qui végètent à la Petite vitesse, pour utiliser leur savoir-faire et leurs produits, afin de les moderniser et de les distribuer à grande échelle en les imposant aux pharmacies. Tous les pays, qui ont une médecine traditionnelle, la développe à vitesse grand V et on peut citer la Chine ou l’Inde.

    Cependant, si on visite actuellement cette usine, alors elle serait plus ou moins à l’abandon. Cela devrait être le slogan de Rajoelina pour sa campagne, Annoncer et Abandonner. Car tout son régime suit le même pattern. Des annonces en grande pompe et ensuite, il n’y a plus rien. La liste est longue entre le pipeline qui devait inonder tout le Sud, le Flyover à Anosizato et autres bêtises.

    Mais vous avez remarqué que le téléphérique avance à grand pas en expulsant des marchands qui n’avaient rien demandé à personne et qui vont disparaitre comme ça été le cas pour le marché de Pochard. Lieu très dynamique à l’époque, aujourd’hui, ce n’est plus que l’ombre de lui-même en étant devenu le paradis des pickpockets. Mais le téléphérique, il faut le construire, on ne peut pas faire faux bond aux copains français qui ont décroché le contrat et que nous allons payer les intérêts d’une manière ou d’une autre.

    Et sur la double nationalité, on peut dire que Rajoelina ferait un bon streap-teaseur, car il a tellement tortillé du cul sur la question que c’en est un exploit olympique. Il a dû l’avouer, du bout des lèvres, mais il ne veut pas abandonner le Reny Malala et il nous assure qu’il est malgache. Oui ethniquement, mais pas juridiquement. Moi, je suis malgache d’origine indienne, lui, il est français d’origine malgache. Et il peut vivre ici, mais se présenter à la présidence, hors de question.

    Qu’est-ce qui se passerait si un français d’origine malgache se présentait aux élections en France ? Bon, vu la dégénérescence de la France, ce serait accepté, mais ce serait impossible dans n’importe quel pays civilisé, Etats-Unis, Inde, Chine, etc. Rajoelina rejette la faute sur les autres comme un boomer qu’il est. Le boomer, parmi toutes ses tares, se caractérise par sa lâcheté. Et donc, il nous dit qu’on ne blâme pas d’autres dirigeants qui ont une double nationalité.

    Mais on s’en fout des autres, c’est de toi qu’il s’agit. Et donne des exemples de présidents avec une double nationalité, on devrait rigoler un peu. Oui, le Sri Lanka a des dirigeants qui ont tous la nationalité américaine. Mais les dirigeants srilankais sont de véritables chefs mafieux qui pompent toute la richesse de leur pays pour se barrer à l’étranger dès qu’on veut les bruler vif ! Tous ceux qui ont une double nationalité l’ont toujours utilisé pour éviter de rendre des comptes devant le peuple. Et on ne peut même pas demander à la justice malgache de trancher, car elle est corrompue jusqu’à la moelle.

    N’oublions pas comment le régime Rajoelina a instrumentalisé la justice, la Jirama et les fournisseurs de telcom pour décapiter la Gazette de la Grande Île et emprisonné son directeur. Et il a été subi ce sort parce que ça été le premier à révéler la nationalité française de Rajoelina. Le minimum serait de le libérer, de rendre son local et son site ainsi que de le dédommager grassement. Je n’ai pas de sympathie pour la Gazette, car cela reste une presse de caniveau, mais ici, on est clairement dans une censure politique et un baillon de la liberté d’expression.

    Toujours pour botter en touche, Rajoelina nous dit que les nationalistes ne devraient pas rougir d’une double nationalité, car Joseph Ravoahangy et Joseph Raseta l’avaient également. Alors là, c’est le plus gros mensonge qu’on ait jamais entendu ! Raseta et Ravoahangy étaient des français quand Madagascar était encore une colonie. Et il faut aussi tirer une balle dans la tête des mouvements indépendantistes. Il n’y a jamais eu de partis réellement indépendantistes, car que ce soit le MDRM, fondé en 1946 par Raseta et Ravoahangy ou le PADESM dont la figure de proue sera Tsiranana, ils se battaient surtout pour supprimer le Code de l’Indigénat.

    Ce code stipulait que les français de la Métropole étaient supérieurs à ceux des colonies. Un code principalement appliqué à Madagascar et au Sénégal. Et ces partis politiques voulaient surtout qu’on les considèrent comme des vrais français, c’est à dire qu’ils se battaient pour l’assimilation. Raseta et Ravoahangy seront même élus à l’Assemblée nationale française en 1946 et c’est intéressant qu’ils fondent leur parti “d’indépendance” à Paris. Rajoelina avait fait annonce de sa candidature à Paris en 2018…

    Je le démontre parfaitement dans mon livre que la bourgeoisie malgache dont Rajoelina, Ravalomanana et tous les autres sont issus n’a jamais lutté pour donner l’indépendance au peuple. Elle s’est battue contre les colons français, car ces derniers avaient supprimé la monarchie et donc, leurs privilèges quand ils avaient conquis le pays. Cependant, les colons avaient bien traité toute la bourgeoisie malgache, car c’est elle qui gérait l’administration coloniale. Accès à l’éducation, accès à la France, accès aux richesses via les rentes. Les partis “d’indépendance”, surtout Merina, voulaient dégager les français pour récupérer leurs privilèges. Ainsi, la relation entre Joseph Rabearivelo et Charles Maurras illustre parfaitement les véritables raisons de l’anti-colonialisme de l’élite malgache.

    Les partis côtiers tels que le PADESM de Tsiranana étaient contrôlé en sous-main par les français, car ils étaient plus “gérables” que les merina. C’est donc logique que le premier président de Madagascar fut Tsiranana et il était fréquent que l’ambassadeur de France assiste aux conseils des ministres de l’époque… Elle est belle l’indépendance !

    Rajoelina, en citant Raseta et Ravoahangy, n’a pas menti sur ses intentions. Il affiche clairement son camp et ce n’est pas celui du peuple. Il n’y a que deux hommes, faisant partie des élites et qui ont été issus du peuple. Ratsiraka et Ratsimandrava. Ratsiraka était issu de la petite bourgeoisie, mais il s’est fait un nom dans l’armée grâce à son sens de la politique et ses poings. Ratsimandrava était le seul qui soit un Andevo et il suffit de voir ce qui lui est arrivé quand un fils du peuple veut prendre le pouvoir…

    En fait, je pense que Rajoelina a de bonnes intentions, mais il est dans le même dilemme que le général Ramanantsoa. Ramanantsoa va prendre le pouvoir, car le règne de Tsiranana se caractérise par le clientélisme et la corruption. Ce gouvernement est militaro-civil en suspendant le parlement et l’assemblée. Et Ramanantsoa veut vraiment aider le peuple, mais comme il est également issu de la bourgeoisie, il sera constamment tiraillé entre la fidélité à sa classe et l’intérêt du peuple. C’est le premier qu’il choisira, mais il a le mérite de révéler Ratsimandrava.

    C’est fascinant de voir qu’on fouillant dans l’histoire de Madagascar, on arrive à trouver de la résonance sur ce qui se passe en 2023. Les mêmes noms de famille, les mêmes liens de consanguinité, les mêmes intentions de servilité à la France, les mêmes qui n’ont jamais compris ce qu’est le nationalisme, la souveraineté et la patriotisme en plus de trois siècles.

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

    Si dans les cartes postales, Madagascar possède une image idyllique, faisant baver les occidentaux qui respirent de la brique à longueur de journée, la réalité est toute autre. Pauvreté, misère, famine, corruption, népotisme, autant de mots qui sont coupables des maux malgaches.

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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