De la fierté d’être malgache


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  • La fierté nationale est une énergie qu’on peut utiliser pour développer un pays, mais dans le cas de Madagascar, on l’utilise encore pour du pain et des jeux.


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    La fierté nationale est une énergie qu'on peut utiliser pour développer un pays, mais dans le cas de Madagascar, on l'utilise encore pour du pain et des jeux.

    Les Jeux des Iles 2023 ont commencé dans la liesse, mais aussi les larmes. Pendant l’inauguration, on a eu une bousculade à Mahamasina qui a fait 13 morts et une centaine de blessés. Je ne vais pas commenter plus que ça, car ce sont des incidents qui se produisent régulièrement. Quand votre principal stade en plein centre-ville, enchevêtré dans plein de rues et aucun espace où respirer, il est évident que cela se reproduira dans le futur.

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    Et quand je vois l’opposition, débile et méchante, dire que c’est la faute d’Andry Rajoelina, peut-être qu’ils auraient voulus que ce soit le président qui filtre les gens à la porte… Le régime de Rajoelina brille souvent par son incompétence, mais ceux qui prétendent le remplacer sont tous aussi cons. Et après, vous avez toute la valse de la récupération politique.

    On met la petite bannière noire sur son profil Facebook et on se dépêche de se faire photographier avec tous les athlètes qui décrochent des médailles. Pour le moment, Madagascar se positionne très bien en étant première avec 21 médailles au total et on espère qu’on augmentera le butin. Mais dès que nos athlètes brillent, vous avez des opposants qui se précipitent pour être filmés à leur coté. Quand votre pré-campagne ressemble à un obèse de 150 kg dans une course de 100 m, il est évident que tous les moyens sont bons pour se faire mousser. Mais ce n’est pas le sujet.

    La fierté nationale chez nous ne se manifeste que pendant le sport. Quand les Bareas font une compétition internationale et on sait pertinemment qu’ils vont se vautrer à un moment, alors tout le monde sort les drapeaux. La même chose pour d’autres compétitions sportives. En sachant que la politique sportive gouvernementale est proche de zéro. On laisse les athlètes se débrouiller pendant une grande partie de leur carrière et ensuite, on est tout sourire quand ils réussissent quand même, en leur refourguant quelques chaussures et maillots.

    Mais en dehors du sport, quelle est la fierté d’être malgache ? Que vaut le “Made in Madagascar” à l’étranger ? Bon, si c’est pour nous glorifier avec des donzelles qui gagnent dans un concours de télé-réalité, on est mal barré. Taiwan est nul en sport et en télé-réalité, mais c’est le leader mondial des semi-conducteurs. Les Taiwanais avaient une fierté nationale et ils l’ont canalisée, à un moment de leur histoire, ils se sont dit :”Nous voulons contrôler le monde des semi-conducteurs” et ils l’ont fait.

    Les indiens sont nuls en sport à part au criquet et pourtant, leur fierté nationale leur a permis d’aller sur la lune avec une fusée et une sonde de fabrication 100 % indienne. J’en pourrais dire autant de la Chine, de la Corée du Sud, de Singapoure. Souvent, on voit des petits pays, parfois sans aucune ressources, devenir des leaders mondiaux.

    Je veux dire, Taiwan n’a pas de génies dans sa population, son sol n’a aucune ressource, son énergie est catastrophique et pourtant, elle arrive à dominer le monde ultra-select des semi-conducteurs. Singapour est riquiqui, mais c’est une place mondiale de la finance et la méthode éducative de Singapour est connue dans le monde entier.

    La fierté nationale combinée à une bonne planification permet de réaliser n’importe quel objectif. Mais pour ça, il faut que nos dirigeants soient fiers de leurs pays. Je pense honnêtement qu’ils le sont, mais leur allégeance n’est pas à la hauteur de leur fierté nationale. La plupart de la bourgeoisie malgache va suivre un cursus francophone, ensuite, aller faire des études supérieures en France et y rester pour avoir une vie meilleure.

    Même si c’est louable, cela signifie que leur fierté nationale est de façade. Car si on a une fuite constante de cerveaux, c’est à dire que ceux qui ont les moyens, continuent de partir, alors il ne faut pas s’étonner que ceux qui restent soient dans la merde. Et le pire est que ceux qui s’enfuient comme des lâches, vont venir dégueuler comme des bons zanatanys que les gasy sont nuls ! C’est pour ça que je suis toujours contre le concept de la diaspora, car un malgache à Chalon-sur-Saône pourra facilement mettre le drapeau malgache sur son profil Facebook pour tel ou tel événement sportif, mais quand il s’agit de contribuer au développement du pays, il n’y a plus personne.

    Une fierté nationale bien canalisée peut faire la différence entre un pays avec un PIB par habitant de 500 dollars et un autre de 35000 dollars. Dans mon livre sur Madagascar, j’avais fait ce comparatif entre le développement malgache et celui des pays asiatiques. On était sur la même ligne de départ, mais disons qu’à la fin, le malgache est l’obèse qui participe à une course de 100 mètres !

    Et dans notre petit comparatif, on a pris exprès les pays plus pauvres de l’Afrique, mais on a vu aussi que si on nous compare à des pays performants comme la Côte d’Ivoire, alors on termine au fond de la poubelle. Et ce fossé se creuse en année-lumières si on le compare avec les pays asiatiques. Si on prend l’exemple du Cambodge, de la Corée du Sud et de Madagascar. Le premier obtient l’indépendance en 1953, la Corée l’obtient en 1948 et nous en 1960, donc l’écart n’est pas si important.

    On peut prendre l’année 1968 pour référence, car nos PIBs par habitants respectifs sont similaires avec 157 dollars pour le Cambodge, 165 dollars pour Madagascar et 198 pour la Corée du Sud. En 2021, celui du Cambodge est de 1500 dollars, celui de Madagascar est à 500 dollars et la Corée du Sud est dans les cieux avec 35 000 dollars ! En sachant que la Corée a subi des guerres terribles contre le Japon et que le Cambodge a connu l’un des pires génocides de l’histoire humaine avec celui des Khmers rouges (environ 2 millions de morts).

    En fait, Madagascar est le seul pays au monde où son PIB par habitant recule. Même des pays, qui ont des guerres terribles, ont une évolution positive de leur PIB par habitant. Et maintenant que le constat est fait, que les malgaches sont fiers d’être ceux qu’ils sont, quels sont nos atouts pour canaliser cette fierté nationale ? Bon, même si on peut viser le ciel avec les semi-conducteurs ou des voitures électriques, on va rester modestes et assumer qu’on est vraiment médiocres pour le moment, mais on peut commencer avec les ressources que nous exploitons déjà.

    La vanille. Ce secteur illustre tout le problème de la médiocrité de nos dirigeants sur les régimes successifs. Nous avons une chance inouie d’avoir un produit exclusif. Personne au monde ne produit de la vanille, bon, il y a bien Tahiti, mais sa production est minimale comparé à la notre. Et depuis 50 ans que nous cultivons la vanille, nous n’avons aucune filière industrielle digne de ce nom. On se contente d’exporter de la vanille brute.

    Nous ne produisons pas d’extraits ou d’essences de vanille, mais nous pourrions aller plus loin en créant des industries qui utilisent la vanille allant de l’agro-alimentaire aux produits cosmétiques. La seule façon d’y arriver est de bannir l’exportation de la vanille brute (à part une petite quantité pour l’exportation dans la haute cuisine et patisserie) et forcer les entreprises étrangères à implémenter des petites unités pour que leurs produits, qui utilisent la vanille naturelle, soit produite sur place.

    Ce type d’interdiction serait délicate à mettre en place, il ne faut pas la faire en mode bourrin, mais sur le long terme, nous aurons la chance d’avoir une industrie beaucoup plus résilience et florissante. Et n’oubliez jamais, l’industrie est un aimant qui attire d’autres industries.

    Ensuite, nous avons le clou de girofle. En 2022, Madagascar est devenu le premier exportateur de clou de girofle et on a même surpassé l’Indonésie. Et ce dernier est l’un des géants en Asie du Sud-Est. Quel a été notre secret pour les battre ? Nous avons une usine à Tamatave qui fabrique de l’huile essentielle de clou de girofle (via l’usine Natemad si mes souvenirs sont bons). C’est une entreprise suisse qui est derrière et on voit avec cet exemple, à quel point, une petite touche industrielle permet à nos produits de faire de l’export, de générer de l’emploi et d’éduquer le peuple.

    Car beaucoup de gens font le raisonnement inverse. Il faut éduquer le peuple avant l’industrialisation. Eh bien non ! Même si l’éducation doit rester une priorité, ce n’est pas essentiel et même contre-productif. Si vous avez une population extrêmement éduquée, mais que vous n’avez pas de débouchés via l’industrie, alors ils vont se barrer du pays, aka la fuite de cerveaux. En revanche, on peut forcer les entreprises, qui investissent à Madagascar, à former la main d’oeuvre et à interdire toute forme d’immigration qui nous ferait concurrence. Oui, il faut des couilles pour prendre de telles décisions, mais l’allégeance à son pays, ça n’a jamais été pour les femelettes !

    Ensuite, nous avons aussi le litchi, produit d’excellence. Là encore, nous pourrions industrialiser entièrement la filière, faire des produits transformés et augmenter nos bénéfices à l’exportation tout en industrialisant progressivement nos différentes régions. Et surtout, cela nous évitera le problème des récoles gaspillées comme ça a été le cas de la vanille en 2023. Dans sa grande stupidité géniale, le gouvernement Rajoelina a décidé de fixer un prix minimum d’achat, largement supérieur, à la norme.

    Et la suite était logique, le secteur s’est effondré et aujourd’hui, les producteurs jettent cette précieuse ressource ou la vendent au rabais en faisant des objets de décoration à base de vanilles séchées ! Il n’était pas rare de pouvoir acheter 1 kg de vanille pour 10 000 ar (2 euros) ! Et dire que le prix demandé par le gouvernement était de 16 euros. Si on avait des filières de transformation, alors on ne serait plus obligé d’écouler les récoltes la même année et aussi faire face aux années difficiles où la production n’est pas au rendez-vous.

    Et on n’a même pas touché au secteur minier où nous pourrions devenir des géants comme l’Indonésie avec le nickel et le cobalt. Mais on se contente de donner au rabais tous nos produits bruts et qu’est-ce qui nous restera quand les filons seront épuisés ? L’Indonésie, depuis plusieurs années, bannit toutes ses matières premières à l’exportation et forcent les entreprises étrangères à investir dans le pays. Ainsi, ce sera le premier pays de la région à avoir une usine chinoise de batterie de voitures électriques.

    Oui, ils ont bien planifié avant d’y aller, notamment avec une réforme complète de leur législation pour faciliter les investissements étrangers que ce soit l’accès à la terre ou les ristournes fiscales. On a aussi la filière du cacao et du chocolat. Et ce délice fait partie des meilleurs chocolats au monde, mais on laisse tout au secteur privé qui se débrouille comme il peut (même si la chocolaterie Robert est davantage une entreprise française).

    Mais il faut s’en inspirer, créer d’autres pépinières et surtout augmenter et améliorer notre production de cacao pour qu’il devienne incontournable au niveau. Sinon, il risque de subir ce que nous avons eu avec le café, nous étions producteurs et exportateurs il y a quelques années et aujourd’hui, face à une filière qui a été abandonnée, nous importons le café pour nos besoins !

    Nous avons un bon secteur touristique et cette année 2023 a été plutôt bonne, mais nous devons continuer à professionnaliser la filière. Le tourisme, c’est de l’exportation, mais cela ne doit pas notre fer de lance. La Corée du Sud, Taiwan, la Chine, n’ont pas utilisé le tourisme pour devenir des leaders dans leur domaine.

    Nous devons aussi développer le tourisme local, car la population malgache aspire à découvrir son pays. Je vis dans ce pays depuis ma naissance et je n’ai pas encore eu l’occasion de voir Nosy-Be ou Sainte-Marie, car trop cher pour moi. Parce que bon, proposer des nuitées à 100 euros qui est mon salaire mensuel, cela ne m’incite pas à faire mon baluchon.

    En fait, la liste des ressources que nous pourrions exploiter pour canaliser notre fierté nationale et notre allégeance au pays est interminable. Chacun de nos produits peut devenir unique si nous le souhaitons. Mais cette allégeance manque cruellement. Quand Hery Rajaonarimampianina perd les élections de 2018, qu’est-ce qu’il fait ?

    Il part en France quasiment pendant 5 ans. Il aurait pu rester ici, soutenir l’opposition, développer le pays, mais non. La même chose pour Rajoelina qui est resté pas mal de temps en France après 2013. S’il est battu dans les prochaines élections, est-ce qu’il va rester ? Ratsiraka, après la crise de 2002, est resté plus d’une décennie en France avant de revenir terminer sa vie. Et si le haut du panier est obsédé par l’envie de se barrer dès que les choses se corsent, il est évident que cela va se ressentir dans le reste de la population.

    Même si cette dernière nait, grandit et meurt dans le pays dans son écrasante majorité. Lors de sondages, à peine à 0,5 % des personnes envisagaient de partir à l’étranger. Cela signifie que la fierté et l’allégeance de 99 % de la population est garantie alors qu’ils ont littéralement une vie de merde.

    Mais c’est ce 0,5 % qui constitue l’élite au pouvoir et qui s’y maintient avec l’influence des étrangers et qui brillent par l’absence de leur allégeance et de leur patriotisme. Cette élite est spécialiste de la fierté nationale au rabais, de façade qui consiste à se draper des couleurs nationales lors d’événements sportifs et après, on peut toujours partir pour l’aéroport d’Ivato pour rejoindre Reny Malala.

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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