Coca-Cola et le problème de la recherche financée par l'industrie


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    La semaine dernière, le New York Times a parlé d’une nouvelle ONG qui veut développer des solutions afin de lutter contre les maladies liées à la malbouffe et l’obésité. Le problème est que cette ONG a reçu un financement considérable de Coca-Cola, mais le pire est que l’ONG prétend que la malbouffe n’est pas forcément responsable de l’obésité.

    Le Global Energy Balance Network (GEBN) est une organisation internationale qui est menée par des scientifiques réputés dans la santé publique et ils proviennent de nombreuses universités dans le monde. Ce groupe se concentre sur la recherche de l’équilibre de la balance énergétique. Cette dernière désigne un équilibre sur les calories qu’on consomme et celles qu’on brule par une activité physique. Dans une vidéo promotionnelle, le responsable de ce groupe, Steven N. Blair, un professeur de l’Arnold School of Public Health à l’université de Caroline du Sud, a déclaré que les informations actuelles concernant la malbouffe et l’obésité sont fausses. Un extrait de sa déclaration :

    Les médias de masse et la presse scientifique se concentrent sur le fait qu’on mange trop toute la journée, qu’on mange de la malbouffe et ils blâment les Fast-foods, les boissons sucrées et ainsi de suite. Et ils ne proposent aucune preuve qui donne un lien solide entre la malbouffe et l’obésité. Et ceux qui s’intéressent à la science, à la santé publique et à la médecine doivent apprendre à recouper leurs informations avant de publier n’importe quoi.

    Pour de nombreux chercheurs, cette déclaration suggère directement qu’il n’y a aucune preuve que les boissons sucrées provoquent l’obésité et ensuite, on découvre que ce groupe est financé par Coca-Cola. Cependant, il est fréquent que les recherches scientifiques soient financées par l’industrie. Il faut beaucoup d’argent pour mener une recherche scientifique et de nombreux chercheurs, dans le domaine de la médecine, de la technologie et de la nutrition, sont financés par des entreprises qui sont aussi présentes dans ces secteurs. Est-ce que des entreprises comme Coca-Cola sont une menace pour la recherche scientifique et est-ce que les recherches scientifiques qui sont financées sont fiables ?

    Coca-Cola doit gérer la plus mauvaise publicité de son histoire

    Les temps sont durs pour Coca-Cola. L’image de l’entreprise est détruite sur le web. Avant l’article du New York Time, on avait déjà eu ce pharmacien qui avait publié une infographie sur l’impact d’une canette de Coca-Cola sur votre organisme en l’espace d’une heure. L’infographie est devenue virale sur les réseaux sociaux. L’infographie conclut que la consommation de coca et d’autres boissons sucrées provoque une augmentation des maladies de l’hypertension, de troubles cardiaques et de l’obésité.

    Michel Simon, un avocat en santé publique, estime que le financement de GEBN par Coca-Cola est une réponse de l’entreprise pour améliorer son image publique :

    Les ventes de Coca-Cola baissent à toute vitesse et il y a un tollé politique et public contre le soda et chaque ville tente de juguler la consommation de ces boissons sucrées. La création de cette prétendue ONG montre que Coca-Cola panique sur tous les fronts. Ils sont désespérés et ils tentent n’importe quelle tactique.

    Et cela confirme ce qu’on entend dans la vidéo promotionnelle. Le Dr Blair fait référence aux médias de masse et à la presse scientifique et cela indique que les critiques sont très agressives sur les boissons sucrées. Actuellement, 30 % des adultes américains sont obèses, soit 78,6 millions de personnes. Le Dr Blair estime que c’est parce que les gens consomment trop de calories qu’ils ne brulent pas suffisamment par la suite. Ce docteur argue que les gens doivent pratiquer une activité physique régulière pour compenser leur consommation de calories. C’est insensé, car cela signifierait qu’on pourrait consommer la malbouffe à des niveaux effarants et qu’on pourrait les bruler par une activité sportive intense.

    Et les partisans de l’équilibre de la balance énergétique prennent l’exemple de Michael Phelps. Cet athlète a gagné 8 médailles d’or dans les J.O de 2008 et il est l’Olympien le plus décoré de tous les temps. Michael Phelps consomme environ 12 000 calories par jour et sa performance sportive reste intacte. Pour le petit-déjeuner, il prend 3 sandwichs aux oeufs, une omelette composée de 5 oeufs, un bol de céréales, 3 tranches de toast et 3 crêpes au chocolat. Mark Klion, un médecin sportif et chirurgien orthopédique au Mount Sinai Medical Center à New York, a déclaré au Wall Street Journal que si Phelps ne consommait pas cette quantité de calories, il ne pourrait jamais récupérer de sa fatigue et sa musculature serait en lambeaux à cause de ses performances. Cette consommation de calories lui donne suffisamment d’énergie pour sa prochaine compétition. Mais le cas des athlètes ne peut pas être superposé aux gens ordinaires. De nombreuses études montrent qu’un comportement sédentaire provoque une prise de poids, mais un mauvais régime reste le principal facteur aggravant dans l’obésité.

    Vous ne pouvez pas vaincre un mauvais régime avec du sport

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    Une étude sur l’aspect sédentaire, publiée dans la revue Obesity, a examiné les effets de l’exercice sur la perte de poids. Près de 200 adultes ont été recrutés et assignés aléatoirement à des exercices dans une fréquence de 5 à 6 heures par semaine. Cette durée est le double de la recommandation normale par les nutritionnistes. Et pendant qu’ils faisaient leurs exercices, les personnes n’ont pas changé de régime alimentaire. Les personnes ont pratiqué les exercices pendant 1 an et on a découvert que les hommes avaient perdu une moyenne de 1,5 kg tandis que les femmes ont perdu une moyenne de 1,13 kg.

    Mais les participants sont restés obèses ou ils continuaient de souffrir d’une surcharge pondérale. La principale auteure de cette étude, le Dr Anne McTiernan de la Fred Hutchinson Cancer Center à Seattle, admet que l’exercice permet d’aider dans un régime alimentaire. Mais pour perdre vraiment du poids, vous devez radicalement changer votre régime alimentaire. Une façon de dire que vous ne pouvez pas continuer à consommer de la malbouffe et à pratiquer de l’exercice en même temps en espérant que votre corps va garder son poids optimal par magie. Pourtant, c’est la conclusion de cette ONG financée par Coca-Cola.

    Les boissons sucrées ont un lien direct avec l’obésité

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    Concernant les boissons sucrées comme le coca, la Harvard T.H. Chan School of Public Health a déclaré qu’une quantité de 0,6 litre de soda contient de 15 à 18 cuillères à sucre et près de 240 calories. Et ces calories ne sont pas aussi rassasiantes que celles qui proviennent d’une nourriture solide. Une étude d’observation sur les enfants et la consommation de boisson sucrée, publiée dans The Lancet, a rapporté que le fait de boire 360 millilitres de soda au quotidien provoquait un risque d’obésité de 60 % sur les 18 mois qui vont suivre. Dans un éditorial publié dans le British Journal of Sports Medicine, le Dr Aseem Malhotra et ses collègues ont déclaré que l’activité physique ne promeut pas la perte de poids. Ils estiment que la provenance des calories est le point le plus crucial. Les calories sucrées provoquent le stockage de la graisse et la faim. Les calories de graisse donnent l’impression de satiété. La malbouffe provoque plus de maladies que l’inactivité physique, l’alcool et le tabac combiné. Cela reste un éditorial et l’un des auteurs a été payé par l’Atkins Scientific Advisory Board.

    Cet éditorial ciblait principalement la machination et les magouilles des relations publiques de l’industrie de la malbouffe. L’éditorial se déchaine particulièrement sur ce qu’on appelle le Health Halo. C’est un terme publicitaire, crée de toutes pièces par l’industrie de la malbouffe, pour inciter les personnes à manger plus de calories. Par exemple, un produit de malbouffe contient moins de graisses qu’un autre produit et le résultat est que la personne va consommer 2 ou 3 de ce produit en croyant que sa consommation de calories restera faible. Par exemple, les Cocas light, les Burgers allégés, etc. Pour les chercheurs, c’est une tentative de l’industrie de la malbouffe pour stopper les interventions gouvernementales telles que les taxes sur les boissons sucrées ou l’interdiction de publicité sur la malbouffe. Selon cet éditorial, un tel marketing augmente le profit commercial des entreprises de malbouffe au prix de la santé de la population.

    Le risque sur les études financées par l’industrie

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    Coca-Cola a répondu au New York Times par une déclaration du Dr Ed Hays qui est le responsable technique de l’entreprise. Il a décrit l’article du NYT comme un portrait incorrect de l’entreprise. Coca-cola n’a pas financé de recherche pour prétendre que le régime alimentaire n’est pas important dans une diète. Chez Coca-Cola, nous croyons qu’un régime équilibré et des exercices réguliers sont les principaux ingrédients pour avoir une meilleure santé et cela se reflète dans chacune des décisions de l’entreprise.

    Cette réponse est une prise de distance de l’entreprise avec la vidéo promotionnelle des responsables du GEBN. Cependant, la présence même de Coca dans le financement d’une ONG est déjà un problème pour de nombreux experts dans la santé. On a mentionné que l’industrie finance souvent les recherches scientifiques et malheureusement, ce type d’étude fausse considérablement les résultats dans les essais cliniques.

    En 2007, la revue PLOS Medicine a analysé 206 études concernant les boissons sucrées, les jus de fruit et le lait. 111 de ces articles étaient sponsorisés, 22 % ont reçu un financement de l’industrie, 47 % étaient indépendants et 32 % se basaient sur un partenariat public/privé. PLOS Medecine a découvert qu’aucune des études financées par l’industrie n’avaient dit du mal des entreprises de boissons sucrées comparé à 37 % des études indépendantes qui pointaient le doigt sur la responsabilité des boissons sucrées sur la santé.

    Les auteurs de cette analyse ont déclaré que dans la plupart des cas, les recherches financées par l’industrie étaient toujours favorables aux entreprises de cette industrie. Et on avait trouvé la même malhonnêteté chez les entreprises pharmacologiques qui finançaient les essais cliniques des médicaments et les ONG concernant les essais sur les nouveaux traitements. En termes clairs, la présence de Coca-Cola dans GEBN va directement influencer le point de vue des chercheurs. Le New York Times écrit que Coca a donné 1,5 million de dollars l’année dernière à GEBN et que l’entreprise a donné un total de 4 millions de dollars depuis 2008.

    Malgré le fait qu’on identifie rapidement ce type d’étude malhonnête, les experts estiment que ce type de recherche veut légitimer le Health Halo. Marion Nestle, une professeure en nutrition, en études alimentaires et en santé publique à l’université de New York, a déclaré que l’objectif des entreprises de malbouffe et de boissons sucrées est de créer la confusion dans la science et distraire les gens de suivre un régime équilibré. Sur son site web Food Politics, Nestle poste régulièrement des articles sur des recherches financées par l’industrie alimentaire pour des objectifs de marketing.

    Créer le doute ou la comparaison avec les entreprises de tabac

    Le Dr Bruce Lee, directeur du Global Obesity Prevention Center à l’université John Hopkins, a déclaré à Healthline que le lien entre Coca-Cola et le GEBN franchit une ligne dans le consensus scientifique. Quand vous commencez à faire de la propagande pour une cause aussi sérieuse que l’obésité, alors nous avons un vrai problème en face de nous. Le New York Times compare la tactique de Coca-Cola avec le GEBN avec la stratégie qui a été employée par les entreprises de tabac à une époque. La tactique était simple : Payer des experts de santé pour créer le doute sur le danger du tabac.

    Le mois dernier, nous avons publié une étude qui analyse des affaires où des patients poursuivaient des entreprises de tabac. Dans cette étude, les chercheurs ont découvert qu’un groupe de médecins avait témoigné pour l’industrie du tabac contre des patients qui mourraient du cancer. Ces médecins ont continué à marteler que ce n’est pas le tabagisme qui avait provoqué le cancer. 3 entreprises de tabac, à savoir, R.J. Reynolds, Philip Morris et Lorillard avaient payé 6 oto-rhinos-larynlogistes pour témoigner dans plus de 50 affaires avec des méthodes qui n’avaient rien à voir avec la science.

    Ces médecins balançaient des dizaines d’autres facteurs à risque tel que l’alcool, les émanations de gasoil, le saumon salé, les reflux gastriques, les bains de bouche ou même le fait de vivre dans une ville. Le seul objectif était de créer le doute parmi les jurés sur le rôle du tabac dans le cancer. Avec la prévalence des boissons sucrées et de l’obésité, le lien entre Coca-Cola et le GEBN est dangereux. Le CDC a déclaré que la moitié de la population américaine consomme des boissons sucrées chaque jour.

    Les législateurs veulent réduire la consommation de ce type de boisson. Mais l’existence d’études qui prétendent que les boissons sucrées ne sont pas dangereuses pour la santé est un véritable sabotage orchestré par les entreprises de malbouffe. Certes, on peut boire une boisson sucrée de temps en temps sans que cela soit néfaste sur la santé, mais des messages répétitifs sur le fait que les boissons sucrées ne posent aucun problème et qu’il suffit de l’exercice peuvent provoquer des catastrophes sur la santé publique.

     

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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