Pakistan et la colère d’Imran Khan


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  • L’éviction d’Imran Khan plonge le Pakistan dans une spirale de troubles alors que l’Etat est déjà en faillite. Les américains ont réussi leur coup en déstabilisant toute la région.


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    L'éviction d'Imran Khan plonge le Pakistan dans une spirale de troubles alors que l'Etat est déjà en faillite. Les américains ont réussi leur coup en déstabilisant toute la région.
    L'ancien premier ministre, Imran Khan

    Imran Khan a mal calculé son coup. Il pensait à un soutien massif de sa population et de sa majorité législative. Et quand une motion de censure a été lancé à l’Assemblée, il a fait tapis en tentant de le dissoudre. Après plusieurs semaines de crise, il dissout effectivement le parlement en pariant sur des élections anticipées. Mais la Cour Suprême a estimé qu’une dissolution après une motion de censure, c’était bien de la merde du point de vue inconstitutionnel.

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    Lui et son parti pourront toujours se représenter aux prochaines élections, mais sa victoire est incertaine, car il est de plus en plus impopulaire auprès de la population. Le bilan d’Imran Khan est mitigé. De l’extérieur, on le dit fantasque, extrémiste, appelant à frapper les mécréants où qu’ils soient. De l’intérieur, il a réussi à réduire la corruption, il a tissé des liens étroits avec la Chine et il a réussi à consolider les ruines de la société pakistanaise.

    Mais le Pakistan n’est pas un pays, mais une armée. Pendant 30 ans, le pays a été sous la dictature des militaires et même s’ils étaient en retrait, Imran Khan n’est devenu le Premier ministre que grâce à leur bon vouloir. Et l’armée pakistanaise se tenait tranquille jusqu’à aujourd’hui, car la Chine lui faisait un gros chèque tous les mois. Mais le problème d’une armée qui marche au fric, c’est qu’il suffit de trouver un plus gros payeur et les Etats-Unis ont mis leur grain de sel pour inciter l’armée à virer Khan du pouvoir et à mettre un autre pion, beaucoup plus pro-américain, au pouvoir.

    Dans un précédent article sur la stratégie chinoise, je disais qu’elle s’inspire du jeu de go où le mouvement du joueur ressemble à de l’eau dans le territoire de l’ennemi avec les pièces noires et blanches. Si les noirs sont les chinois, alors on peut penser que la crise actuelle du Pakistan est une belle victoire pour les blancs. Car d’un point de vue occidental, le fait de mettre le Pakistan de leur coté, leur permet de neutraliser à la fois la Chine, mais aussi la Russie qui veut utiliser ce pays pour acheminer son gaz vers l’Asie.

    Depuis 2009, on dit que le Pakistan est un Etat en faillite, mais depuis plus de 10 ans, il continue à défier les lois de la faillite, qui est l’effondrement à court terme en se maintenant au pouvoir et en transformant la société dans des zones tribales et en utilisant l’extrémisme islamique comme un ciment-colle. Malgré de nombreuses tempêtes, le Pakistan reste toujours debout et il faut qu’il se maintienne coute que coute. Car n’en déplaise à ceux qui n’aimaient pas la colère de Khan, le Pakistan n’est pas l’Afghanistan, le Pakistan n’est pas la Syrie, le Pakistan n’est pas la Libye, non, le Pakistan est avant tout une puissance nucléaire et une instabilité dans ce pays pourrait provoquer une catastrophe inimaginable si on permet l’effondrement de ce pays.

    Le Pakistan possède une importance stratégique et géopolitique considérable pour de nombreuses super-puissances. La première étant la Chine avec le CECP (Corridor économique Chine-Pakistan) qui est un immense projet d’infrastructures de routes, de ports et de gazoducs qui va connecter les différents pays de la région. Le CECP est essentiel aux Nouvelles routes de la Soie. Et les Chinois se rassurent autant qu’ils peuvent en disant que quel que soit le régime en place au Pakistan après notre Khan, il sera toujours favorable à la Chine, car le Pakistan ne peut pas survivre sans ce partenaire.

    L'éviction d'Imran Khan plonge le Pakistan dans une spirale de troubles alors que l'Etat est déjà en faillite. Les américains ont réussi leur coup en déstabilisant toute la région.

    Le CEPC (Corridor économique Pakistan Chine)

    Et ils ont raison dans une certaine mesure. Car Nawaz Shehbaz Sharif, chef du parti de la Ligue Musulmane du Pakistan, a souligné l’importance du CECP dans son discours d’investiture, montrant que la Chine est tout sauf considéré comme un pays hostile. Cependant, cela pourrait être de la pommade pour rassurer l’Empire du milieu.

    L’armée pakistanaise a viré Imran Khan parce que ce dernier ne pouvait pas blairer les américains (en même temps, qui apprécie les américains à part les laquais). L’armée veut que le Pakistan adopte une position d’équilibre en jouant la balançoire entre la Chine, les Etats-Unis et la Russie. C’est un pari risqué, car l’Occident est actuellement dans une phase d’hystérie sans précédent et il faut que vous soyez à 100 % avec l’Occident sinon vous êtes le mal incarné qui étrangle les chatons avant votre petit-déjeuner.

    L'éviction d'Imran Khan plonge le Pakistan dans une spirale de troubles alors que l'Etat est déjà en faillite. Les américains ont réussi leur coup en déstabilisant toute la région.

    Nawaz Shehbaz Sharif, nouveau Premier ministre du Pakistan

    Tous les pays voisins vont subir cette crise pakistanaise. En premier lieu, l’Afghanistan qui fait les yeux doux à la Chine et cette dernière répond aux avances des Talibans. Ces derniers veulent que leur pays rejoignent les Nouvelles routes de la Soie, mais pour ce faire, il faut qu’ils bénéficient du CECP dans les plus brefs délais. De plus, le Pakistan devient le nouvel El Dorado de Daesh, car les talibans chassent les islamistes de l’Afghanistan et ces derniers s’enfuient vers le Pakistan à cause des frontières totalement poreuses entre les deux pays. Non que les Talibans aient découvert les joies malsaines de la laicité parce qu’ils connaissent par coeur Victor Hugo et Voltaire et qu’ils veulent combattre l’islamisme, mais ils veulent retrouver une certaine acceptabilité aux yeux du monde, notamment de la Chine pour attirer les investisseurs.

    C’est aussi l’une des raisons de la colère de l’armée pakistanaise qui a dû mal à contrôler les frontières et à bloquer les flux d’islamistes venant du nord. Imran Khan était pour le moins favorable à l’islamisme radical, car cela lui permettait d’avoir des discours démagogues, permettant de rallier le soutien d’une partie de la population. Mais l’islamisme, souvent instrumentalisé par l’Occident, va devenir un vrai problème pour le Pakistan avec une persécution systématique des chiites, ce qui risque d’énerver l’Iran qui pourrait mettre son grain de sel. Le Yémen est la preuve est que les Iraniens savent parfaitement saler la cuisine géopolitique.

    Parlant de l’Iran, les perses ont également un intérêt au Pakistan au delà du conflit religieux. L’accord nucléaire permettait à l’Iran de produire du nucléaire civil et le Pakistan avait obtenu de l’Iran que le surplus d’électricité lui soit vendu. Car le Pakistan a besoin d’énergie, beaucoup, beaucoup d’énergie pour concrétiser les ambitions du CECP. L’arrivée d’un blondinet appelé Trump avait fait capoter le plan et l’Iran s’est retrouvé sans nucléaire et le Pakistan a dû démocratiser l’éclairage aux chandelles.

    La Russie entre en scène à ce moment en proposant son gaz et la construction du Pipeline Nord-South qui amènerait le gaz du sud depuis Karachi vers le nord afin d’alimenter les énormes besoins industriels du Pakistan. Ce pipeline sera construit à 100 % par les Russes et il coutera autour de 2 milliard de dollars. Avec cette crise et l’hystérie contre la Russie, ce projet risque d’être ralenti ou même arrêté et sans énergie, le Pakistan peut partir en vrille très rapidement.

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    Le pipeline North-South du Pakistan pour transporter le gaz russe

    Et l’Europe ne sera pas la dernière à souffrir d’une instabilité chronique du Pakistan. Avec les chaines de logistique qui sont coupées entre l’Europe et la Russie/Bioélorussie, les seules routes alternatives sont par le Canal de Suez, par le Kazakstan en débouchant sur la mer Caspienne ou encore via l’Inde, le Pakistan et l’Iran via l’INSTC (International North-South Transportation Corridor). De la mer Caspienne, les biens rejoignent le réseau ferroviaire de Baku en Azerbaijan à travers les ports turcs et géorgiens de la Mer noire qui leur permettent de déboucher vers les ports européens en Bulgarie et en Roumanie.

    Le port de Gwadar au Pakistan, construit par les chinois, est également une autre alternative. Avec les routes russes, bioélorusses et pakistanaises qui risquent d’être coupées, la logistique mondiale va subir une pression terrible, aggravant les couts du fret et augmentant l’inflation de manière drastique. Cette route par le sud qui est beaucoup plus longue, a déjà enregistré une hausse considérable de son trafic depuis mars 2022 et le début de la guerre en Ukraine.

    Du coté des américains, ils peuvent être hilares, car leur coup est très bien pensé… sur le court terme. C’est sûr que la ligue musulmane pakistanaise dont est issu le nouveau Premier ministre est pro-américain avec une vision plus “libérale” de la société. Plus libéral étant, pour un pakistanais, que le voile intégral peut être d’une autre couleur que le noir. Mais les américains, en déstabilisant le Pakistan, vont le transformer en une énorme base d’islamistes et cela va leur péter à la gueule. En sachant que les Indiens ne vont pas rester les bras croisés. De plus, les projets du CECP et le gazoduc russe sont des projets à long terme et les politiciens actuels ne risquent pas de le saborder, car ils vont subir le même sort que notre Khan national.

    Une alternative politique pourrait être que les militaires reprennent le pouvoir comme ils l’ont fait dans le passé et le Pakistan sera plus ou moins favorable aux américains ou aux chinois, dépendant de qui paiera la plus grosse note. Il faut aussi comprendre que l’Amérique veut contrôler le Pakistan pour sa propre pomme. Comme d’habitude, à cause d’un manque cruel de souveraineté, d’une débilité crasse en géopolitique, les européens vont être les dindons de la farce.

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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