L’INSTC et la place de l’Iran dans le nouveau monde


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  • Le développement croissant de l’INSTC (International North-South Transportation Corridor), une alternative au canal de Suez redessine les cartes de la logistique dans le nouveau monde qui arrive. Et l’Iran a une place importante à jouer malgré de nombreux couacs sur son chemin.


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    Le développement croissant de l'INSTC (International North-South Transportation Corridor), une alternative au canal de Suez redessine les cartes de la logistique dans le nouveau monde qui arrive. Et l'Iran a une place importante à jouer malgré de nombreux couacs sur son chemin.

    Les routes commerciales sont en train de changer à toute vitesse dans le nouveau monde qui arrive. Un monde dominé par l’Eurasie, mais aussi une partie du Moyen-orient avec l’Iran. Dans ce contexte, l’INSTC, qui était délaissé, devient un enjeu crucial pour court-circuiter les sanctions occidentales contre la Russie et connecter cette dernière avec l’Asie.

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    L’INSTC

    L’INSTC pour International North-South Transportation Corridor est une route commerciale sur le plan maritime, terrestre et aérienne qui a été initié par l’Inde en 2000 pour connecter l’Asie centrale. Cette zone était importante pour l’Inde afin de développer son commerce, mais aussi pour contrer l’influence chinoise.

    Le premier objectif de l’INSTC était de se connecter à l’Iran, mais entre Téhéran et New Delhi, il y avait un petit bout de terre appelé le Pakistan dont les relations avec l’éléphant ne sentent pas trop le jasmin. Le but de ce corridor était d’atteindre l’Iran en contournant le Pakistan pour ensuite aller en Russie. A la base, l’Inde, la Russie et l’Iran avaient lancé le projet, mais par la suite, 11 pays l’ont rejoint avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Bulgarie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, Oman, la Syrie, le Tajikistan, la Turquie et l’Ukraine.

    En 2022, les objectifs de cette route ont radicalement changé, car plutôt que de permettre à l’Inde de s’étendre en Asie centrale, c’est devenu un moyen de connecter l’Asie avec l’Europe puisqu’auparavant, les biens asiatiques passaient par la Russie et la Biélorussie avant d’atteindre l’Europe. De plus, la plupart des entreprises occidentales se sont enfuis de Russie, poussés par la débilité de leurs gouvernements. Donc, il y a un gap à combler sur le marché russe dont 30 % fait partie de la classe moyenne élevée avec un revenu tournant autour de 700 000 à 800 000 roubles par an.

    Le développement croissant de l'INSTC (International North-South Transportation Corridor), une alternative au canal de Suez redessine les cartes de la logistique dans le nouveau monde qui arrive. Et l'Iran a une place importante à jouer malgré de nombreux couacs sur son chemin.

    Et vu le nationalisme des consommateurs russes, il est quasi impossible pour ces entreprises occidentales de revenir sur le marché russe quand la guerre sera terminée, car on risque de les accueillir avec des pierres plutôt qu’avec des roubles. L’Iran, la Chine et l’Inde se précipitent pour combler ce manque, les marques de mode iraniennes ont lancé une offensive sur ce marché et l’Inde espère atteindre un volume commercial de 2 milliards de dollars par an avec Moscou.

    Donc, l’INSTC revêt une importance cruciale à la fois pour le déferlement de ces biens vers la Russie et la Biélorussie, mais aussi pour connecter les marchés européens via la Géorgie et la Turquie. Aujourd’hui bien sûr, les biens peuvent passer par le canal de Suez, mais c’est plus cher et plus long. Ainsi, il faut 40 jours pour que des biens indiens atteignent la Russie via le canal de Suez tandis qu’il n’en faut que 30 via l’INSTC. Cependant, ce dernier est loin d’être terminé et comme il passe par plusieurs pays, chacun d’eux a ses propres problématiques et l’Iran est un sacré morceau dans cette équation.

    Iran

    Quand on regarde le tracé de l’INSTC, l’Iran est au coeur de ce nouveau monde. Ainsi dès 2016, l’Inde finance le port de Chabahar en Iran qui débouche sur le golf Persique et l’éléphant co-finance également un réseau ferroviaire au nord du pays avec les ports qui donnent accès à la mer Caspienne. Ces routes permettent à l’Inde de se connecter à la Turquie et l’Europe.

    Vous avez aussi des voies ferrées à l’Est de l’Iran et qui viennent se connecter à l’Afghanistan. Ce n’est pas un hasard si l’Afghanistan est délicieusement courtisé par la Chine et la Russie, car en plus d’avoir des ressources gigantesques, le pays des Talibans peut devenir un hub de transport. Depuis la partition de l’Inde avec le Pakistan, l’éléphant n’avait plus de moyens de se connecter avec l’Afghanistan et c’est aussi une option qui est désormais disponible.

    Pour le moment, l’Afghanistan n’est encore qu’une terre aride et entièrement détruite par les “cadeaux” de la démocratie occidentale, mais il est clair que les Talibans auront leur mot à dire dans cette histoire. Il y a déjà des zones de libre échange entre l’Iran et Gurian, une ville en Afghanistan qui est proche de la zone industrielle du Hérat. Il y a une voie ferrée, en construction, qui connectera l’Iran à Gurian et cela permettra de relier l’Afghanistan d’est en ouest avec une connexion possible entre Kaboul et Islamad au Pakistan. Et quand vous ajoutez le CEPC du Pakistan qui est directement relié aux Nouvelles routes de la soie, alors on peut dire que la boucle est bouclée.

    Mais le principal obstacle est la relation de merde entre l’Iran et l’Occident, notamment les Etats-Unis. Le développement d’un pays est proportionnel à l’énergie qu’il consomme. Pour développer, il faut une tonne d’énergie disponible et c’était l’objectif de l’Iran en développant son programme de nucléaire civil. De plus, la même équation était valable pour le Pakistan qui a besoin d’énergie pour développer son CEPC et il y avait un accord pour que l’Iran vende son surplus d’énergie au Pakistan.

    Mais Trump a fait capoter ce beau plan sous la pression des évangélistes américains, grande part de son électorat en 2016, mais aussi via le lobby juif qui ne veut surtout pas d’un Iran fort dans son voisinage. Parce que bon, à une époque, les Perses avaient émis l’idée de “rayer Israel de la carte”. Mais on peut dire que du sable s’est envolé dans le désert depuis cette époque et Israel veut aussi s’insérer dans le nouveau monde qui arrive.

    Les sanctions américaines ont mis l’Iran à genoux. Mais les sanctions sont comme la morphine ou la torture. Au bout d’un moment, cela ne fait plus effet et il faut constamment augmenter la dose et aujourd’hui, l’Occident ne peut plus rien faire de plus pour sanctionner la Russie ou l’Iran, car ils s’en sortiront toujours. Et contrairement aux débiles bien-pensants, l’avenir énergétique de la Russie est nucléaire, car ils font pousser des centrales comme des champignons.

    Et on pourrait avoir un scénario assez imprévu où la Russie pourrait aider l’Iran à avoir son programme de nucléaire civil. Evidemment, Israel va sursauter comme une pile électrique et demander des pressions militaires aux Etats-Unis. Cela peut dégénérer en un conflit entre l’Etat juif et l’empire Perse, mais la question demeure si Israel a les moyens de mener une guerre aussi ouverte. En sachant qu’il a aussi besoin de rester en bon termes avec la Russie.

    L’Europe, comme à son habitude, par son manque de vision et de neurones en géopolitiques, se retrouve en sandwich dans cette histoire. L’Europe voudrait bien faire du business avec l’Iran, mais Washington ne l’acceptera jamais. Si on considère le pire scénario, c’est à dire que l’INSTC soit totalement neutralisé par les occidentaux, alors l’Europe n’aurait plus que le canal de Suez pour avoir ses biens de l’Asie. Et n’oublions pas que sans l’Asie, l’Europe s’effondre en quelques semaines.

    Mais dans une guerre ouverte, le canal de Suez n’est pas une route aussi sûre que ça. Car la Chine et la Russie possèdent des bases navales qui le menacent. La base chinoise à Djibouti et la base russe au Soudan. Actuellement, ces bases navales protègent les navires commerciaux contre les pirates somaliens. Cependant, dans une guerre ouverte sans frontières, on peut utiliser ces bases pour bloquer le canal et si cela arrivait, alors les Américains éclateraient de rire, car leur victoire serait totale.

    En effet, l’objectif des américains est de couper l’Europe de l’Asie. Car cela permettrait aux entreprises américaines d’avoir le monopole du marché européen. Pour le moment, l’INSTC est dans un statut quo, les américains laissent faire, mais pour eux comme pour Israel, l’INSTC permet à l’Iran de devenir une puissance d’équilibre dans la région et c’est inacceptable. Il faudra attendre 2024 ou 2025 pour voir le destin de cette nouvelle route commerciale, car c’est à ce moment que l’Europe pourra faire le bilan de son avenir énergétique que ce soit avec les Russes ou les Américains.

    L’INSTC a aussi des implications pour la Turquie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan. Les trois pays ne peuvent pas trop se blairer, mais leurs ports maritimes sont essentiels pour livrer les marchandises de l’INSTC dans les ports européens de Bulgarie et de Roumanie. La Géorgie est un pont entre la Mer Caspienne et la Mer noire, mais il faut des voies ferrées et des routes pour qu’elle se connecte dans le reste du Caucase. Par exemple, l’Azerbaijan fait partie du Caucase, mais aussi l’Arménie et les deux pays ont été en guerre il n’y a pas si longtemps.

    La Turquie, via sa ville de Gemlik, possède un accès à la Mer de Manamara, mais également aux voies ferrées de la Méditerranée. La Turquie est en surchauffe industrielle depuis des années et elle a besoin de débouchés pour ses produits. Gemlik lui permet de commercer avec Israel, mais aussi de se connecter avec l’Azerbaïdjan et donc, une jonction parfaite avec l’INSTC. Et on ne parle même pas de l’importance de l’Azerbaijan avec Baku qui devient un point de connexion central entre la Chine et l’Europe. De ce fait, il n’y a aucun risque que la route soit coupé entre la Chine et l’Europe et une grande partie de ces infrastructures en Azerbaïdjan fait partie des Nouvelles routes de la soie. Mais le pays développe davantage ses voies ferrées et ses autres ports afin que l’INSTC lui permette de se connecter au Moyen-Orient et l’Asie du sud.

    Ce nouveau monde est effervescent et on ne se lamente pas sur des visions idéologiques obscurantistes qui sont l’apanage des occidentaux depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le monde avance, l’Occident se traine comme un poids mort et ce sont des nouveaux pays qui vont dicter la nouvelle marche planétaire.

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    Houssen Moshinaly

    Rédacteur en chef d'Actualité Houssenia Writing. Rédacteur web depuis 2009.

    Blogueur et essayiste, j'ai écrit 9 livres sur différents sujets comme la corruption en science, les singularités technologiques ou encore des fictions. Je propose aujourd'hui des analyses politiques et géopolitiques sur le nouveau monde qui arrive. J'ai une formation de rédaction web et une longue carrière de prolétaire.

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