Le nouveau monde après la fin du dollar et du SWIFT

La Russie et l’Iran ont annoncé la connexion de leurs réseaux de paiements financiers, ce qui leur permettra de contourner le SWIFT. Cette nouvelle connexion connectera 52 banques iraniennes avec 106 banques russes, permettant aux détenteurs de comptes bancaires russes et iraniens de transférer de l’argent entre eux.

La pleine intégration du réseau devrait être disponible d’ici juin 2023, une fois les tests supplémentaires terminés et les bugs corrigés. Certaines banques biélorusses participeront également. Le commerce bilatéral entre les deux pays s’élève à environ 3 milliards de dollars et devrait augmenter en raison de la connectivité financière et de l’accord de libre-échange entre les deux pays. La question est maintenant de savoir si cette tendance se propagera.

Les nouveaux réseaux financiers émergents

La réponse est un grand OUI, puisque la Russie et la Chine travaillent sur les interfaces entre leurs deux systèmes depuis plusieurs années. Le système de paiement interbancaire à l’étranger de la Chine, connu sous le nom de Cross-Border Inter-Bank Payments System (CIPS), est considéré comme un système supérieur, mais les travaux entre des deux côtés signifient que qu’ils pourront communiquer sans trop de problème dans le futur.

Le problème est les États-Unis, qui ont menacé la Chine de déconnecter SWIFT si elle se connecte avec la Russie. Compte tenu des nouvelles sanctions commerciales imposées par les États-Unis sur les semi-conducteurs, la patience de Pékin va atteindre rapidement ses limites, surtout avec la perte perçue de souveraineté sur la façon dont la Chine peut envoyer et recevoir de l’argent qui lui appartient.

Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont également développé une interopérabilité de leurs systèmes de paiement financiers mutuels ainsi que des mécanismes de devise de réserve (hors dollar et euro) et une crypto-monnaie. Compte tenu du fait qu’il y a maintenant 13 nouveaux pays qui veulent rejoindre les BRICS, le désir de développer des réseaux commerciaux alternatifs avec la Russie et la Chine sera l’une des grandes tendances de l’économie mondiale dans le futur.

Pour le dire autrement, le monde multipolaire veut se séparer définitivement de l’influence occidentale. Et ces treize pays ne sont pas des lopettes, car ils incluent l’Arabie saoudite, le Pakistan, l’Indonésie ou l’Égypte. Et il reste à voir si Washington peut vraiment se permettre de menacer les BRICS et la Chine de les déconnecter du SWIFT compte tenu des volumes commerciaux impliqués. Cela signifie également que le rapport de forces commercial est en train de changer.

Cela ne signifie pas que l’Ouest accueillera l’émergence de systèmes alternatifs avec un haussement d’épaules. Même s’ils peuvent être impuissants à empêcher une série de blocs commerciaux bilatéraux (puis multilatéraux) de se développer, ils peuvent encore avoir leur mot à dire sur l’utilisation de la crypto-monnaie souveraine.

Les centres financiers mondiaux tels que New York, Londres, Francfort et Tokyo pourraient refuser de traiter certaines devises en réponse à l’émergence de systèmes financiers alternatifs, mais cela pourrait également encourager l’émergence de nouveaux centres financiers tels que Dubaï qui se positionne déjà en tant qu’échange de cryptomonnaies global.

Les changements pourraient se manifester de trois manières:

• La constitution de blocs commerciaux régionaux
• La réduction de l’influence occidentale sur les économies
• L’émergence de nouveaux centres financiers.

Des cryptomonnaies soutenues par des actifs

Dans le monde des cryptomonnaies, vous avez l’arrivée massive des cryptos soutenues par des actifs, appelées “Sovereign Asset Backed Cryptocurrencies“. La Russie discute actuellement de la création d’une monnaie numérique soutenue par de l’or, ce qui signifie qu’elle serait basée sur la standardisation de l’or et serait mesurée en fonction du prix quotidien de l’or.

Cependant, d’autres produits peuvent également être utilisés. C’est un grand pas en dehors du dollar américain soutenu par la dette, qui a réussi pendant de nombreuses années, car Washington pouvait emprunter de l’argent très bon marché pour le soutenir. Mais cette période d’emprunt bon marché pourrait bientôt prendre fin. La croissance des titres souverains soutenus par des actifs peut être attendue au cours des prochaines années.

Un crédit basé sur les actifs souverains et non la dette

Les médias de masse ont totalement passé cet événement sous le tapis, mais pour la septième fois en 20 ans, les États-Unis ont atteint le plafond de dette légalement permis. Washington veut maintenant emprunter encore plus. Et il pourra le faire, mais à plus long terme, la position des États-Unis est insoutenable avec de graves implications pour la valeur du dollar américain à l’avenir.

Les États-Unis ont actuellement un ratio Dette-PIB annuel de 129 % tandis que l’Union européenne est à 93 %. La sagesse économique actuelle stipule que tout ce qui est supérieur à 77 % est problématique et conduit à un déclin économique car les remboursements de dette commencent à interférer avec la productivité.

Le ratio Dette-PIB de la Russie est de 17 % tandis que celui de la Chine est de 77 %. Les BRICS sont actuellement dans la moyenne (sans la Russie) avec une dette de 78 % par rapport au PIB tandis que le BRICS+ élargi (y compris la Russie) propose une moyenne globale de 55 % de dette par rapport au PIB.

Il y a des problèmes évidents de productivité à venir pour l’Occident que les BRICS pourraient exploiter, surtout si une devise et un système de paiement soutenus par des actifs peuvent être conçus. Et c’est une éventualité qui est désormais une certitude.

Les alternatives à SWIFT

Les alternatives à SWIFT se sont renforcé en 2022 et elles vont s’accélérer dans les années à venir. Les sanctions et les menaces de déconnexion de SWIFT provenant des États-Unis et en partie de l’UE ont été le premier moteur. Cela signifie que les pays cherchent des alternatives pour éviter cette possibilité.

Deuxièmement, les banques américaines facturent des frais de traitement ce qui n’a pas de sens pour de nombreux pays qui se disent qu’elles se font escroquer en beauté. En effet, les transactions intra-BRICS n’ont aucune raison de passer par des banques intermédiaires américaines.

Troisièmement, il y a une tendance mondiale vers des blocs de commerce régionaux, avec les BRICS qui est l’un des plus importants, d’autant plus maintenant que 13 autres pays ont demandé à y adhérer. Enfin, c’est une évolution naturelle à l’ère numérique dans laquelle nous nous dirigeons.

L’émergence de systèmes de messagerie de paiement bilatéraux est presque garantie même si leur organisation en un réseau à portée mondiale prendra du temps. Et des Etats comme Dubaï pourraient bien être le centre névralgique de ce développement.

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